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Rédigé par : Michel Merlet
Date de rédaction :
Type de document : Article / document de vulgarisation
Ce dossier a deux objectifs distincts:
Alimenter en Afrique, en Amérique, en Asie et en Océanie, la réflexion sur la gouvernance du foncier et sur le rôle que peut jouer l’agriculture familiale lorsque des politiques publiques lui permettent d’exprimer ses atouts. Le cas de la France ne constitue pas un modèle à reproduire tel quel, mais une base pour raisonner un certain nombre de propositions qui devront être construites au cas par cas en fonction des spécificités de chaque pays.
Relancer en France et en Europe un vaste débat citoyen sur le rôle de l’agriculture et sa place dans la société. Il importe en effet de refonder un nouveau pacte social, compatible avec une Europe élargie et les nouveaux défis auxquels nous devons faire face, avec l’intégration de nouveaux États dont les systèmes agraires sont très différents, avec la destruction croissante des terres agricoles par l’urbanisation et l’imperméabilisation des sols, mais aussi du fait de l’usage indiscriminé de pesticides et de fertilisants, et enfin avec la nécessité d’intégrer à la gestion des territoires ruraux des acteurs de plus en plus nombreux.
A. Un premier objectif d’information pour des personnes d’autres pays
L’expérience française en matière de développement agricole au cours du XXe siècle est originale. La France a réussi à moderniser son agriculture de façon très rapide après la seconde guerre mondiale, tout en faisant le choix de s’appuyer sur des systèmes fondés sur des unités de production familiale à deux actifs, l’agriculteur et son épouse, et d’éviter l’apparition d’exploitations capitalistes fonctionnant avec des salariés. Pour ce faire, des politiques agricoles et foncières ont été mises en place, à partir d’une cogestion entre l’État et les organisations professionnelles agricoles. Les résultats de cet ensemble de politiques ont été spectaculaires. En quelques années, la France est passée d’une situation de grave insuffisance alimentaire à celle d’un des principaux exportateurs nets de produits agroalimentaires dans le monde.
Cela ne s’est toutefois pas réalisé sans problèmes et sans conflits. Le nombre d’agriculteurs a été divisé par cinq en un demi siècle. L’utilisation massive d’intrants chimiques (pesticides et fertilisants), la dépendance vis-à-vis des protéines importées, la mise en place d’ateliers d’élevage industriels ont eu des conséquences très négatives au niveau écologique, qui contribuent à questionner le productivisme qui a caractérisé les dernières décennies.
Sans vouloir occulter ces aspects négatifs, l’expérience française est toutefois particulièrement intéressante, alors que le développement de l’agrobusiness et de très grandes entreprises capitalistes à salariés de par le monde sur la base d’accaparements de millions d’ha en ce début de XXIe siècle est très souvent présentée comme étant la seule voie possible de progrès et la seule alternative pour produire suffisamment d’aliments pour nourrir l’humanité.
Dans beaucoup de régions [[en Amérique Latine depuis déjà de nombreuses années, en Afrique beaucoup plus récemment]], le développement très rapide des marchés fonciers s’opère sans aucun mécanisme de contrôle social.
L’expérience française montre qu’il est possible de moderniser la production agricole tout en s’appuyant uniquement sur l’agriculture familiale. Elle offre en plus une série d’exemples de gestion du foncier qui pointent qu’il est non seulement possible, mais souvent souhaitable de réguler les marchés fonciers, tant les marchés d’achat et de vente de terres que les marchés de location. Enfin, et peut-être surtout, l’expérience française met en évidence que les politiques agricoles et foncières rurales correspondent à des choix de société. Leur formulation et leur application ne sont possibles que lorsque les rapports de force entre les acteurs en présence le permettent, ce qui implique en particulier l’existence d’organisations paysannes fortes.
De nombreux textes et documents en français décrivent différents aspects de ces politiques, mais, paradoxalement, bien que les politiques foncières aient été au cœur des transformations du secteur agricole français depuis 1945, il existe très peu de documents de synthèse qui les présentent et en expliquent les principales caractéristiques et les limites. Et on ne trouve pratiquement rien sur le sujet en langues étrangères.
Le premier objectif de ce dossier est donc de permettre à des personnes intéressées par la mise en place de politiques foncières dans leur pays d’avoir accès à l’information de base sur les caractères originaux des politiques foncières rurales appliquées en France dans la seconde partie du XXe siècle.
Les grands défis actuels en lien avec la gestion du foncier dans le monde concernent des questions qui ont en partie été traitées à cette époque avec succès en France. De fait, un certain nombre d’outils alors mis en œuvre ont été très rarement utilisés dans d’autres parties du monde.
Mais attention, il ne s’agit pas de poser l’expérience française comme un modèle. Il s’agit au contraire de fournir des informations et des idées qui puissent contribuer à la réflexion des utilisateurs. Ceux-ci pourront être d’origines diverses: membres d’organisations paysannes, de structures de la société civile, d’organisations internationales, d’institutions de formation, mais aussi d’instances gouvernementales. Le dossier entend les aider à construire eux-mêmes des alternatives et des propositions adaptées à la situation de leur pays.
Ce dossier sera, dans cette optique, complété par d’autres réflexions [[Certaines déjà commencées et se traduisant par un dossier partiellement mis en ligne, comme celui sur les réformes agraires dans le monde, ou d’autres envisagées dans un proche avenir, comme celui sur les politiques foncières rurales dans plusieurs pays d’Europe, l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre, l’Allemagne, la Pologne, la Roumanie]]. Le lecteur et l’utilisateur de ces informations pourra ainsi constater que des lois assez semblables appliquées à des moments différents et dans des contextes distincts peuvent avoir des résultats diamétralement opposés.
B. Un second objectif pour un public cible français et européen
Les politiques rurales d’aujourd’hui en France s’éloignent de plus en plus de celles des années 60. Petit à petit, sont abandonnés les principes de base qui avaient permis leur mise en place. Pour ne prendre que quelques exemples parmi d’autres, la moitié des installations de producteurs agricoles se fait aujourd’hui en France en dehors du cadre appuyé par la politique agricole, sans subvention ni appui, le développement des formes sociétaires conduit à une remise en cause de l’exploitation familiale, le contrôle des structures a perdu beaucoup de son efficacité. Les jeunes agriculteurs et les jeunes professionnels du développement connaissent mal les politiques de leurs prédécesseurs.
Par ailleurs, les nuisances et la dégradation environnementale se font de plus en plus graves (pollution des nappes phréatiques et des cours d’eau, érosion de la biodiversité et destruction des équilibres biologiques se traduisant par la disparition des insectes pollinisateurs, risques liés à la dissémination des plantes génétiquement modifiées, dégradation des sols, etc.). Les modèles techniques développés de façon majoritaire au cours des dernières décennies n’ont pas permis un développement de l’agriculture « bio » à la hauteur des nouvelles demandes du marché et des exigences de la société.
D’importants défis existent donc aussi en France et en Europe autour des politiques foncières. Le contrat social qui avait constitué en France la base des politiques de la seconde partie du XXe siècle, fondé sur la production des aliments nécessaires à la population en échange de rémunérations similaires pour les agriculteurs à celle des autres secteurs ne fonctionne plus de façon satisfaisante aujourd’hui. Les évolutions de plus en plus libérales des politiques européennes, la transformation des aides de la politique agricole commune et les changements dans leur distribution, les conséquences d’une mondialisation croissante des échanges et de la finance, l’implication nécessaire de populations autres que celle des seuls agriculteurs dans la gestion des territoires sont autant d’éléments qui appellent aujourd’hui à une véritable refondation de ce pacte social, non seulement en France mais en Europe.
Le dossier a donc aussi comme objectif de mettre à disposition de ces différentes personnes des éléments leur permettant de mieux se positionner dans les débats d’aujourd’hui sur l’évolution de l’agriculture française et européenne, voire de contribuer à les réactiver. C’est d’autant plus important que l’intégration de nombreux nouveaux pays dans l’Union Européenne conduit à la mise en place d’une politique agricole commune aux effets souvent opposés à ceux de la politique qui était en vigueur au début de la construction européenne.
C. Caractéristiques et spécificité du dossier
Le dossier n’est pas destiné uniquement à des spécialistes. Les textes sont écrits de façon à pouvoir être compris par tous, sans pour autant perdre en précision et en rigueur. Ils seront à terme disponibles en trois langues, français, anglais et espagnol. Pour le moment, seules quelques fiches sont disponibles dans les trois langues.
Le dossier doit apporter en premier lieu des éléments d’information, mais il peut aussi fournir des interprétations, faites par différents contributeurs, et qui peuvent parfois être contradictoires. Il sera prochainement complété par de nouvelles fiches, qui développeront des aspects ignorés ou insuffisamment abordés, qui pourront relativiser voire contredire certaines affirmations des fiches existantes.