Recherche dans les titres, sous-titres, auteurs sur www.agter.org et sur www.agter.asso.fr
Recherche en plein texte sur www.agter.org avec Google
Rechercher dans le moteur Scrutari de la Coredem (multi-sites)
Rédigé par : Gwenaëlle Mertz
Date de rédaction :
Organismes : Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER), Institut d’étude du développement économique et social (IEDES), Université Paris1 Panthéon Sorbonne
Type de document : Article / document de vulgarisation
L’installation des jeunes agriculteurs et la transmission des unités de production agricole est très souvent difficile dans des structures agraires où domine le faire valoir direct (c’est à dire lorsque les agriculteurs sont propriétaires des terres qu’ils travaillent). La transmission du foncier lors des héritages, en particulier lorsque le partage des terres entre les héritiers est égalitaire, et la charge économique qu’implique l’achat du foncier lors de l’accès à la propriété se transforment en obstacles au maintien dans la durée d’une agriculture paysanne moderne et efficiente.
Des formes de sociétés civiles permettant l’acquisition et la gestion collective de biens immobiliers, le Groupement Foncier Agricole (GFA) et la Société Civile Immobilière (SCI), ont été mises en place en France afin d’essayer de surmonter ces difficultés. Elles impliquent d’autres acteurs dans la gestion du territoire et l’économie agricole. Cette fiche en présente les principales caractéristiques, les principaux avantages, mais aussi les limites.
Dans un contexte d’augmentation du prix de la terre et d’accroissement de la surface moyenne des exploitations agricoles, acquérir du foncier pour s’installer - ou racheter des terres familiales lors de la transmission de l’exploitation - implique un endettement de plus en plus élevé, qui peut mettre en péril l’équilibre économique des exploitations.
Par ailleurs, pour un même niveau d’investissement, les perspectives de revenu offertes par l’agriculture sont sans commune mesure avec celles d’autres secteurs de l’économie. Peu d’investisseurs non agricoles sont de ce fait enclin à investir dans ce secteur.
Néanmoins, des demandes émergent actuellement dans la société afin de renforcer l’implication des non-agriculteurs (consommateurs, habitants, autorités locales, etc.) dans la gestion du foncier agricole, afin d’en garantir la préservation et d’en orienter les usages. Cette implication est quasi-exclue lorsque la terre appartient à un propriétaire-exploitant agricole ou louée dans le cadre classique de la relation contractuelle propriétaire/fermier.
Les GFA (Groupement Foncier Agricole) et SCI (Société Civile Immobilière) sont deux formes de sociétés civiles qui permettent l’acquisition et la gestion collective de biens immobiliers et peuvent répondre aux problèmes d’installation et de transmission des agriculteurs tout en impliquant d’autres acteurs dans la gestion du territoire et l’économie agricole.
Les Sociétés Civiles Immobilières (S.C.I.)
Les S.C.I. sont régies par le droit commun des sociétés civiles. Le but des S.C.I. est d’acquérir à plusieurs des biens immobiliers (terrain et bâti) à usage privé ou professionnel dont les associés pourront se partager les bénéfices.
L’article 1832 du Code Civil stipule :
« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes ».
Chaque associé possède des parts dans le capital social de la société à hauteur de son apport (qui peut se faire en biens comme en numéraire). Par contre, aucun n’est propriétaire du bien en tant que tel. Le bien peut alors être loué à un tiers ou mis à disposition gratuitement d’un ou plusieurs associés, de personnes physiques ou morales. Cela permet de réaliser un projet qui n’aurait pas pu voir le jour avec l’apport d’une seule personne.
Les décisions les plus importantes doivent se prendre à l’unanimité, une bonne entente est donc nécessaire entre les associés. Un gérant, choisi à l’unanimité, est chargé de gérer la société. Les décisions se prennent en Assemblée Générale ou par consultation écrite.
La répartition des droits de vote se fait en fonction de l’apport mais cette règle est souple. Il est possible de se retirer en vendant sa part. Par contre, tout nouvel associé doit être accepté par tous les autres.
Le Groupement Foncier Agricole (G.F.A.)
Le G.F.A. est aussi un statut juridique utilisé pour acquérir et gérer collectivement la terre et le bâti. C’est une SCI qui ne s’applique qu’au domaine agricole. Il est soumis aux mêmes règles de fonctionnement que la S.C.I., auxquelles s’ajoutent certaines conditions spécifiques à l’objet agricole :
la surface maximale qu’un G.F.A. peut acquérir s’élève à quinze fois la Surface Minimum d’Installation en vigueur dans la zone d’acquisition.
les S.A.F.E.R. ont la possibilité de prendre au maximum 30% des parts du G.F.A. pour une durée maximale de 5 ans, souvent afin de permettre au G.F.A. de continuer à fonctionner en attendant de trouver un ou plusieurs associés pour racheter les parts vendues.
le G.F.A. est tenu de louer ses terres lorsque plus de 30% des apports ont été faits en numéraire, sauf lorsque le G.F.A. est familial.
le G.F.A. est également tenu de louer ses terres lorsque la S.A.F.E.R. est membre du groupement. Dans ce cas, les apports en numéraire doivent être utilisés dans l’année pour réaliser des investissements correspondant à l’objet social du groupe. En attendant, ils sont placés sur un compte bloqué.
A partir des expériences qui se sont développées au cours des dernières décennies, on peut distinguer plusieurs types de G.F.A. :
1. Le G.F.A. familial
C’est la forme qui est largement dominante. Elle permet de dissocier le capital d’exploitation du foncier. Son but est d’éviter le démembrement de l’exploitation, et d’alléger la charge que représente le foncier. À terme, le G.F.A. familial permet une transmission du patrimoine plus étalée dans le temps et moins coûteuse. Le membre de la famille qui reprend l’exploitation peut en effet racheter progressivement les parts appartenant aux autres membres de la famille (parents, frères, sœurs). Les parts du G.F.A. peuvent être exonérées de la taxe sur les droits de mutation à titre gratuit sous certaines conditions.
2. Le G.F.A. investisseurs
Son but est d’attirer les capitaux non agricoles dans l’agriculture. Mais la cession n’étant pas facile par rapport à d’autres types d’investissement, cela amoindrit son attractivité.
3. Le G.F.A. Société d’Épargne Foncière Agricole (S.E.F.A.)
On peut l’assimiler à une location-vente dans la mesure où il exige au départ que le fermier en possède 5% puis qu’il rachète petit à petit l’intégralité des parts.
4. Le GFA communal
Il est créé à l’initiative d’une commune afin de racheter et de préserver des terres agricoles, avec l’implication des propriétaires, des autres habitants, voire d’autres citoyens. Il peut dans certains cas faciliter un remembrement (comme le GFA de Grusse, dans le Jura 1)
5. Le G.F.A. mutuel
C’est la forme de GFA qui répond le mieux aux nouvelles demandes sociales visant à permettre à toutes les personnes concernées (riverains, collectivités locales, consommateurs des produits etc.) de participer aux décisions concernant l’usage de la terre et du milieu rural. Il sert à compléter l’apport de l’agriculteur pour son installation. C’est une collecte de l’épargne locale (ou moins locale), avec l’idée de faire jouer la solidarité territoriale et le lien social plutôt que l’anonymat des investisseurs des banques en proposant des petites parts, à beaucoup de personnes. Il mobilise souvent l’épargne de personnes qui ne sont pas intéressées par le retour sur investissement, mais d’autres valeurs comme la solidarité, le maintien d’une agriculture de proximité, ou la protection de l’environnement.
Son inconvénient principal est la dispersion des parts et donc des votes, ce qui peut compliquer la gestion, notamment si le quorum n’est pas atteint lors des Assemblées Générales. D’autre part, les frais de fonctionnement peuvent s’avérer importants.
S.C.I. et G.F.A., avantages et limites
Ces deux statuts juridiques ont plusieurs avantages.
D’une part, ils permettent de faciliter l’accès au foncier à certains agriculteurs qui ne disposent pas du capital suffisant.
D’autre part, ce système de décision collective permet une implication plus forte d’un ensemble d’acteurs dans l’aménagement et la vie du territoire. Ils sont en droit d’orienter le type d’agriculture qu’ils souhaitent, ainsi que l’usage des terres pour lesquelles ils ont apporté de l’argent.
Ces statuts ont tout de même des limites importantes.
Les personnes morales (groupement) ne peuvent pas participer à un GFA (elle peuvent par contre prendre part à une SCI). Cette mesure, qui visait à éviter que des sociétés financières ou commerciales ne prennent des parts dans les exploitations, empêche également les associations et les collectivités locales de participer.
Les GFA et SCI ne sont pas autorisés à émettre des appels publics à l’épargne, qui exigent un agrément de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Leur capacité à collecter largement ou à toucher des épargnants au-delà d’un premier cercle de sympathisants, est donc limitée.
A cet égard, l’association Terre de Liens 1, qui soutient des actions de création de GFA, a mis en place La Foncière, une société en commandite par actions agréée par l’AMF, qui peut donc réaliser des opérations de collecte publique d’épargne pour acquérir des terres. Elle a ainsi pu collecter 25 millions d’euros auprès de 9000 actionnaires en à peine 5 ans.
La question du logement est souvent ardue : si l’habitation est achetée en même temps que la terre, les cédants peuvent avoir des difficultés affectives et matérielles à déménager. A leur tour, les exploitants devront trouvé un nouveau logement à leur départ en retraite.
L’entretien du bâti peut aussi s’avérer compliqué. Il est parfois en très mauvais état lors de l’achat et de l’installation de l’exploitant. Or le loyer est le plus souvent trop faible pour couvrir les frais d’entretien ou de rénovation du bâti ancien. Il faut alors s’entendre sur la répartition du coût des travaux entre propriétaire et exploitant.
La gestion financière est également délicate. La valeur de la part est le premier choix à faire : des parts à prix modérés permettent de récolter plus d’argent mais en augmentant le nombre d’apporteurs de part et donc les frais de gestion et inversement. La rémunération du capital est un autre enjeu : dans certains cas, on a vu les frais de distribution excéder le montant des bénéfices. Enfin, le renouvellement des actionnaires et la cession de parts sont également complexes et peut déstabiliser un groupement. Ainsi, si un ou plusieurs gros porteurs de parts décident de se retirer en même temps, les membres restants n’ont souvent pas les capacités financières suffisantes pour racheter leurs parts.
Les GFA qui sont créés avec l’objectif de soutenir l’installation de plusieurs agriculteurs (notamment parmi les GFA mutuels), peuvent rapidement atteindre la surface maximale qui est fixée à 15 fois la SMI2 du département.
En offrant la possibilité de séparer le bâti et la terre du capital de l’exploitation, les GFA et SCI permettent d’alléger le coût du foncier lors d’une installation, soit parce que l’exploitant rachètera petit à petit les parts, soit parce qu’il ne sera jamais propriétaire mais bénéficiera d’un accès sécurisé à la terre. Certains propriétaires sont en effet de plus en plus réticents à louer la terre, car ils ont le sentiment (justifié ou non) qu’ils ne pourront pas la reprendre. Des GFA dont l’objectif est la location sont donc bienvenus dans ce contexte.
Créer des GFA ou des SCI dont l’exploitant est membre ou possède la majorité des parts peut également être intéressant pour l’aider à racheter des terres qu’il louait jusqu’à présent mais n’a pas les moyens de racheter seul. Le GFA mutuel permet ainsi à l’exploitant en place de rester et de bénéficier de son droit de préemption. Les GFA et les SCI sont donc de bons vecteurs de l’installation progressive ou de l’accès à la terre pour ceux qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas être propriétaires de la terre (ou seulement partiellement). Dans le cas des GFA mutuels, il se crée également des dynamiques territoriales citoyennes ou multi acteurs permettant l’implication de non-agriculteurs dans la propriété et la gestion foncière agricole.
1Voir : www.terredeliens.org/
2Surface minimale d’installation
Entretien avec Véronique Rioufol, Terre de Liens.
Barbieri J-F, Dupey R, Laffogue A, Sociétés et groupements agricoles, Delmas, 1994
Dupeyron C, GFA : Groupements fonciers agricoles, J-Cl Société, Fascicule 199-10, V
Michel R, « Le charme discret des GFA investisseurs », Revue POUR, décembre 1981, n°80
Plauchu V, « Les groupements fonciers agricoles, pratiques et enjeux », Revue Etudes foncières, 1983, n°18
Terre de liens, L’accès collectif et solidaire au foncier et au bâti, Guide méthodologique, juridique et financier, 2006, 156 pages, disponible en ligne à : www.dijon-ecolo.fr/doc-telechargeable/agriculture/guide-Foncier-TerreDeLiens.pdf