Recherche dans les titres, sous-titres, auteurs sur www.agter.org et sur www.agter.asso.fr
Recherche en plein texte sur www.agter.org avec Google
Rechercher dans le moteur Scrutari de la Coredem (multi-sites)
Analyse de quelques exemples au Cameroun
Rédigé par : Marta Fraticelli, Cécile Pinsart
Date de rédaction :
Organismes : Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER), Centre pour l’Environnement et le Développement (CED), ISTOM - Ecole Supérieure d’Agro Développement International (ISTOM)
Type de document : Étude / travail de recherche
Cette fiche traite de l’insertion du dispositif de la « foresterie communautaire » mis en place par la loi de 1994 au sein des villages, et des transformations qu’il a entraîné sur les pratiques et les droits. Son objectif affiché était d’améliorer les conditions socio-économiques des populations locales. En 2011, 677 233 hectares avaient été reconnus comme « forêts communautaires ». Plus de 15 ans après l’introduction de ce nouveau modèle de gestion des ressources, les résultats sont largement en dessous des attentes.
Après avoir rappelé la nature des relations sociales et les rapports de force entre les différents acteurs internes et externes aux communautés qui sont impliqués dans ces processus, la fiche dégage quelques éléments clés qui permettent d’expliquer les difficultés rencontrées par la « foresterie communautaire » en termes de gouvernance. Le sujet est plus que jamais d’actualité et les leçons à tirer de cette expérience seront utiles pour aborder les nouvelles questions liées aux mécanismes REDD et au paiement de services environnementaux.
La loi de 1994 introduit une figure légale de « forêt communautaire »
La loi forestière n° 94/011 a créé pour la première fois au Cameroun un cadre normatif permettant une gestion légale des forêts par les communautés rurales. «forêt communautaire » et « foresterie communautaire » sont les mots employés par l’État pour qualifier les forêts concernées et les processus qui s’y rapportent.
D’emblée, il convient de souligner que ces termes prêtent à confusion. Une forêt communautaire est, de façon générale, une forêt gérée de fait par une communauté, que cette gestion soit ou non reconnue par l’État. Nous avons vu que d’immenses territoires forestiers étaient occupés depuis des temps immémoriaux par des populations locales, des Bantous et des Bakas, qui en assuraient une gestion communautaire, même s’ils n’exploitaient pas leurs ressources ligneuses en coupant des arbres pour vendre des grumes.
Pour éviter toute confusion entre les forêts communautaires en général, très nombreuses et couvrant de vastes surfaces au Cameroun et les « forêts communautaires » répondant aux impératifs de la loi de 1994, nous utiliserons systématiquement dans ce texte des guillemets pour qualifier les secondes alors que nous conserverons l’expression sans guillemets pour les forêts gérées de façon coutumière par les communautés, en dehors du cadre normatif de l’État.
Il est donc clair que la loi de 1994 ne crée pas les forêts communautaires. Elle ne fait que reconnaître aux communautés qui répondent aux conditions qu’elle spécifie des droits de gestion sur les ressources forestières de certains espaces forestiers. Elle permet à une communauté de solliciter la création d’une « forêt communautaire » sur les terres qu’elle occupe et pour lesquelles elle ne dispose d’aucune reconnaissance légale. Ces terres coutumières appartiennent le plus souvent au domaine national, dont seulement une proportion infime a été immatriculée. Faute d’autre option véritablement accessible pour la reconnaissance de leurs droits sur les territoires qu’elles occupent (l’immatriculation étant de fait hors de leur portée), on peut faire l’hypothèse que le fait de solliciter une « forêt communautaire » par les communautés réponde souvent à cette préoccupation. En d’autres termes, il semble que l’intérêt des communautés pour l’exploitation du bois puisse être dans un certain nombre de situations moindre que celui d’obtenir une forme de reconnaissance officielle de leurs droits sur au moins une portion de leurs territoires. Mais cette dévolution de droits de gestion sur les ressources forestières aux communautés à travers l’outil juridique des « forêts communautaires » reste tout à fait limitée.
Conditions d’éligibilité et limites du dispositif
1- Une limite de surface et de temps
Une forêt communautaire ne peut excéder en surface 5 000 hectares. La période sur laquelle porte la convention est de 25 ans. Au regard des expériences de foresterie communautaire qui ont été des succès dans d’autres pays tropicaux, il est clair qu’une surface inférieure à 5 000 hectares ne permet pas d’envisager au niveau d’une unité indépendante le montage d’une chaîne d’extraction et de transformation durable2.
2- Un modèle qui se base sur une définition de « communauté » construite artificiellement
La loi forestière impose aux communautés demandeurs d’une « forêt communautaire » de se constituer en une organisation formelle (Groupe d’Initiative Commune - GIC, Association, Coopérative). C’est cette organisation qui signe une convention de gestion de la ressource bois et des produits forestiers non ligneux avec l’administration forestière.
Ce processus introduit une notion de « communauté », d’organisation communautaire, différente de celle déjà existante. Elle se superpose à un système d’organisation sociale dans les villages de type lignager, défini comme « acéphale », c’est à dire dépourvu d’une autorité politique centrale (voir fiche C-4)3. L’organisation formelle déterminée pour la « foresterie communautaire » ne tient pas compte des formes coutumières de gestion des ressources, qui reposent en grande partie sur les liens de parenté. D’où le risque de ne pas déboucher sur un système de gouvernance légitime et viable. Dans la pratique, l’intégration des « forêts communautaires » dans la gestion locale des ressources au sein des arènes villageoises a posé de nombreuses difficultés, créant parfois de nouveaux conflits et établissant des enjeux nouveaux autour de l’appropriation des territoires.
Dans certains cas, plusieurs villages ont été regroupés pour la création d’une même « forêt communautaire » (dans les cas où l’espace forestier correspondant à un seul village s’avérait trop réduit pour justifier une telle demande ou lorsque les droits des habitants des deux villages se superposaient). Il s’agissait parfois de villages éloignés, qui pouvaient appartenir à des identités claniques différentes et qui avaient construit dans le temps des formes de gestion des ressources indépendantes les unes des autres. Dans ces conditions, la construction des nouveaux organismes de gestion collective des ressources paraît alors encore plus artificielle.
3- La « foresterie communautaire », nouvelle source de rente
La dynamique la plus évidente mise en marche par la foresterie communautaire est celle de la création d’une nouvelle rente. La ressource ligneuse, exploitée auparavant dans les villages d’une façon assez limitée (le sciage artisanal ne concernant alors que les arbres de grande valeur, de grande taille, et situés en bordure de route), se profile comme une nouvelle ressource économique maintenant accessible.
Dans la plupart des cas, quand les premiers revenus issus de l’exploitation forestière arrivent à l’échelle villageoise, aucun mécanisme de redistribution n’a été mis en place. Bien que ces revenus soient destinés a priori à la construction d’infrastructures sociales collectives, il existe une attente de la part des villageois quant à leur redistribution à titre individuel. Le paiement par l’entité juridique en charge de la gestion de la forêt communautaire à un villageois en compensation pour chaque arbre abattu au sein de ses parcelles constitue une forme de redistribution individuelle partielle de cette rente. Mais il ne couvre en général qu’un pourcentage marginal du revenu total obtenu par la vente du bois. L’essentiel de la rente forestière est souvent contrôlé par quelques individus (voir ci- dessous).
4- Modification des rapports de force au sein des villages
a- Fragilisation des autorités coutumières et conflits avec les systèmes endogènes de gestion des ressources
Les sociétés forestières du Sud Cameroun ont toujours eu en leur sein des groupes d’entraide, tontines, associations ou autres, qui se sont organisés en parallèle à la structuration sociale lignagère des villages.
Les nouvelles organisations en charge de la gestion des « forêts communautaires » dans les villages, associations, coopératives ou GIC (Groupements d’Initiative Commune) deviennent les interlocuteurs privilégiées pour l’ensemble des acteurs externes en lien avec la forêt communautaire (ONG, exploitants forestiers, chercheurs, étudiants…). Le rôle de représentation du chef de village vis-à-vis de l’extérieur, en particulier vis-à-vis des ONG, semble diminuer progressivement au bénéfice de ces nouvelles structures, considérées par les acteurs externes comme plus démocratiques4.
Les droits de gestion et d’exclusion attribués à ces nouvelles institutions en tant que gestionnaires des « forêts communautaires » chevauchent ceux des autorités traditionnelles, qu’il s’agisse des chefs des familles élargies ou nucléaires ou des chefs de villages. La légitimité de l’organisation qui gère la « forêt communautaire » est souvent remise en cause dans la prise de décisions concernant la gestion des ressources qui relevait auparavant du droit coutumier. Des conflits peuvent par exemple surgir lorsqu’une assiette de coupe annuelle se superpose à des espaces appropriés de façon coutumière par des villageois. La norme prévoyant des formes de compensation pour la coupe des arbres qui se trouvent dans des parcelles et jachères individuelles (le propriétaire coutumier se voit attribuer une partie de la valeur de l’arbre qui coutumièrement lui appartient) n’est pas toujours respectée, et ce, particulièrement, lorsque les rapports de force entre les gestionnaires de la « forêt communautaire » et le propriétaire coutumier sont asymétriques.
b- Noyautage par les « élites » et conflits de leadership
La diffusion du modèle de « foresterie communautaire » a été favorisée par des ONG, arrivées nombreuses au milieu des années 90 pour travailler dans les zones forestières du Cameroun.
Le processus de mise en place des « forêts communautaires » a été le plus souvent détourné par des personnages qui en ont profité pour consolider et perpétuer une position dominante dans l’arène villageoise. Il s’agit de personnes clé au niveau local, qui après avoir longtemps vécu en ville, sont retournées au village suite à la crise économique des années 1980. On les appelle les « élites ». Elles appartiennent souvent à une minorité intellectuelle, agissent comme des courtiers des projets de développement. Elles ont centralisé dans leurs mains la création et la gestion des forêts communautaires. Il en a résulté un manque d’implication du reste de la communauté et une forte méfiance, liée à un partage insuffisant de l’information. Un manque de transparence a souvent prévalu au sein de l’instance même de gestion de la « forêt communautaire » et de l’ensemble du village.
L’exclusion des autorités coutumières du processus de conception et de gestion de la « forêt communautaire » et leur participation seulement marginale à la prise de décisions qui concernent pourtant la communauté dans son ensemble a contribué à les délégitimer. Réciproquement la nouvelle unité de gestion a pu, grâce à de nouveaux moyens, asseoir son autorité, mais sans pour autant arriver à gagner une légitimité vis à vis de tous les habitants. Dans certains villages, des ensembles d’acteurs porteurs de stratégies et d’intérêts concurrentiels sont apparus. Au sein même des organismes de gestion de la « forêt communautaire » surgissent des conflits de leadership qui entravent leur bon fonctionnement et peuvent déboucher sur la création de bureaux instables.
L’intérêt partagé est celui de l’accaparement de la nouvelle rente mobilisée par la gestion de la « forêt communautaire ». Le reste des villageois vit de ce fait la « foresterie communautaire » comme une chose externe à la communauté, qui ne concerne que le nombre restreint de personnes impliquées dans sa gestion. L’attitude qui prédomine est l’attente passive des résultats de l’exploitation forestière. De plus en plus, de jeunes instruits qui ne trouvent pas d’emploi en ville reviennent au village. Ils s’intéressent à la foresterie communautaire comme moyen d’ascension sociale, mais les acteurs engagés depuis le début dans le processus ne voient pas d’un très bon œil l’arrivée de ces jeunes et cherchent à profiter de leur implication pour consolider leur position dominante.
L’exclusion est encore plus forte à l’égard des populations Bakas, qui sont totalement exclues des processus de prise de décision, alors que l’exploitation de la « forêt communautaire » porte souvent atteinte à des ressources (fruits et plantes médicinales) primordiales pour leur subsistance. Beaucoup d’entre eux ne savent même pas ce que signifie « forêt communautaire », encore moins qu’il en existe une dans leur communauté.
5- Conflits inter-villageois
Lorsqu’une « forêt communautaire » est créée en réunissant plusieurs villages, sa gestion est complexe et elle repose sur un consensus fragile. Dans le droit coutumier, les espaces correspondant à des villages limitrophes sont souvent entremêlés (on peut utiliser l’expression d’« espaces arlequin »). Des revendications surgissent souvent dès la rédaction du plan simple exigé pour la gestion de la « forêt communautaire », du fait notamment de la compétition pour l’appropriation de la rente issue de l’exploitation forestière.
Même quand la création d’une « forêt communautaire » ne concerne qu’un seul village, des conflits peuvent émerger avec les villageois appartenant à des villages voisins, lorsque le tracé rectiligne des forêts communautaires englobe des portions de territoires sur lesquels des villages voisins revendiquent des droits. Parfois, il peut se produire qu’une « forêt communautaire » soit mal positionnée par rapport aux villages voisins en raison du non respect des procédures de concertation lors de sa création. Des tensions importantes peuvent alors voir le jour entre le village bénéficiaire et les villages riverains, avec un risque de violences lors de la mise en exploitation.
Enjeux de gouvernance associés aux acteurs externes à la communauté : dépendances et vulnérabilités
La création d’une « forêt communautaire » implique des procédures administratives tellement nombreuses et onéreuses qu’il s’avère normalement impossible pour une communauté villageoise d’y pourvoir sans avoir recours à des acteurs externes. Après la création de la « forêt communautaire », la communauté manque de capitaux, des matériaux et des compétences nécessaires au démarrage de l’exploitation. Les villages se voient ainsi obligés de faire appel à des prestataires externes. Cette dépendance réduit la capacité des villages à se défendre face aux acteurs externes (ONG, entreprises d’exploitation, municipalité, concessionnaires forestiers (UFA), administration forestière, …).
ONG. Le positionnement des ONG dans le processus de mise en place des « forêts communautaires » fait apparaître un paradoxe qui conduit à s’interroger sur la façon dont a été pensée la « foresterie communautaire » et sur la perception que les populations en ont. L’initiative de leur création est venue du dehors et leur fonctionnement reste extrêmement dépendant de l’extérieur, alors qu’elles devaient répondre à des revendications historiques des populations forestières5.
Les « forêts communautaires » se sont souvent transformées en forêts reliées à des projets de développement. Elles ont ainsi souffert des problèmes inhérents à la plupart de ceux-ci. Les ONG qui les appuient sont souvent autant préoccupées par leur reconnaissance, visibilité et financement que par le développement des communautés. Leur implication s’organise dans le cadre de cycles de projet (de 3 à 5 ans), qui se centrent souvent sur la première étape du processus, l’obtention pour une portion de territoire du statut de « forêt communautaire ». Dans de nombreux cas, les ONG se sont ensuite retirées au moment du démarrage de l’activité d’exploitation forestière, alors que les communautés ne disposaient pas encore des moyens ni des compétences nécessaires pour l’extraction et la commercialisation du bois. Cela a porté préjudice au processus et a créé une situation de blocage. Dans ces conditions, il a été difficile de constituer face aux entreprises forestières à qui les villageois sous-traitent l’exploitation des contre-pouvoir qui auraient pu permettre des évolutions plus favorables aux communautés. Les « forêts communautaires » sont ainsi devenues dans bien des cas des sources de frustrations et de conflits internes au lieu de constituer des motifs d’espoir de développement pour les communautés.
Entreprises forestières sous-traitantes. Des rapports de force très déséquilibrés s’instaurent entre les communautés et les acteurs économiques liés à l’exploitation forestière. L’asymétrie existant dans l’accès à l’information, dans les compétences et les capacités de financement entre ces deux acteurs, rendent les communautés villageoises dépendantes et vulnérables vis-à-vis des exploitants. Les entreprises forestières qui travaillent avec les « forêts communautaires » sont de petites et moyennes entreprises camerounaises. Elles sont, semble-t-il, souvent impliquées dans le trafic de bois illégal6. Elles profitent largement des déséquilibres dans le rapport de force avec les communautés pour adopter des stratégies frauduleuses, comme la rédaction de contrats peu favorables aux communautés (un prix largement inférieur aux prix de marché, des clauses d’exploitations très contraignantes, une clause d’exclusivité mise sur l’ensemble des ressources…), le non-respect de certaines clauses établies dans les contrats, l’abandon de l’exploitation en cours sans payer ni récupérer le bois coupé, le pillage du bois coupé sans rémunération, jusqu’à l’appropriation des documents leur permettant de pratiquer du sciage sauvage en dehors de la « forêt communautaire » à laquelle se référent ces documents (par exemple les « lettres de voiture »).7
Les entreprises sous-traitantes peuvent entretenir des liens de corruption avec les administrations, afin de bénéficier de faveurs et pour opérer en toute impunité la spoliation des richesses des forêts communautaires. Les communautés villageoises se trouvent dans la plupart des cas dans l’impossibilité de recourir en justice pour faire respecter leurs droits, faute de moyens et du fait de l’inégalité de fait des parties devant le système judiciaire.
Comment améliorer la gestion des forêts par les communautés ?
La « foresterie communautaire » au Cameroun ne permet pas une véritable reconnaissance de droits de gestion des communautés sur les ressources forestières des territoires qu’elles occupent. De ce fait, les communautés ne se sont pas complètement approprié le dispositif.
La « foresterie communautaire » a pourtant bouleversé les arènes sociales et politiques villageoises et réorganisé les rapports de force autour de la gestion des ressources forestières. Bien que peu de « forêts communautaires » soient aujourd’hui en exploitation, l’introduction de ce modèle de gouvernance des ressources a produit des effets non explicitement prévus par la loi. Les stratégies mises en œuvre par différents acteurs afin de s’accaparer la rente mobilisée par la « foresterie communautaire » ont fait que les populations locales n’aient pas vraiment pu profiter du dispositif pour consolider leurs droits. Le risque de multiplication des conflits est réel. Presque vingt ans après leur mise en place, les modalités de « foresterie communautaire » devraient aujourd’hui faire l’objet d’un réexamen.
Aujourd’hui, l’intérêt des ONG vis-à-vis des communautés forestières se renouvelle grâce aux opportunités qui s’ouvrent dans le cadre de l’accord de partenariat volontaire, APV FLEGT8 ou des projets de paiements pour services environnementaux (PSE), associés aux mécanismes de Réduction des Émissions liées à la Déforestation et à la Dégradation des forêts (REDD). Les espaces forestiers des communautés apparaissent à nouveau comme un terrain intéressant pour la mise en place de projets de développement imaginés de l’extérieur. L’expérience des « forêts communautaires » risque de se reproduire, celle de l’absence d’une réelle reconnaissance des droits des communautés sur leurs territoires.
Les futures réformes de la loi forestière devront prendre en compte la réalité des rapports de force existant autour de l’exploitation forestière, afin de mettre en place les moyens qui permettraient de les rééquilibrer et de démocratiser les pratiques de gestion des ressources. Pour limiter les risques de développement de conflits, il faudra réduire la dépendance et la vulnérabilité des communautés vis-à-vis des acteurs externes, et poser les bases d’une réelle appropriation par les acteurs locaux de la foresterie communautaire en tant que levier de développement.
Parmi les problèmes qui ont été pointés par de nombreux chercheurs, soulignons l’excessive complexité et bureaucratisation des procédures nécessaires à la mise en place des « forêts communautaires » qui serait un facteur primordial dans l’émergence des difficultés liées à la foresterie communautaire. Une simplification des procédures permettrait aux communautés d’être techniquement et financièrement plus autonomes et de s’approprier plus facilement le modèle de gestion des « forêts communautaires »9 Mais les communautés ont aussi et surtout besoin de renforcer leurs capacités de gouvernance collective, leurs compétences pour réaliser les activités d’exploitation et pour s’intégrer aux marchés, dans le but de faire valoir et respecter leurs droits par les acteurs externes.
1Loi du 20 janvier 1994 portant sur le régime de la forêt de la faune et de la pêche. Voir fiche C-6.
2A titre de comparaison, les deux concessions forestières membres de l’Association des Communautés Forestières du Peten au Guatemala qui sont décrites dans le dossier sur la gouvernance des forêts au Guatemala avaient l’une 54 000 ha et l’autre 64 000 ha. Ce ne sont certes pas les mêmes forêts, mais Juan Giron, le dirigeant d’ACOFOP qui a participé au voyage d’étude organisé par AGTER en 2012 avait tout de suite souligné en visitant les forêts communautaires de Ngoyla qu’il ne lui paraissait pas viable d’organiser une exploitation durable du bois au niveau communautaire sur une surface inférieure ou égale à 5 000 ha.
3Comme nous l’avons vu, ces sociétés ne sont pas pour autant désorganisées. Elles disposent de leurs propres institutions qui se fondent sur des mécanismes de participation et sur les liens entre les individus.
4Il est intéressant de constater que certaines élites locales préfèrent refuser la chefferie pour avoir, ou maintenir, un rapport privilégié auprès des ONG.
5D’après les résultats du travail de terrain (avril - aout 2011), en accord avec les travaux de Patrice Bigombe Logo (2010)
6D’après enquêtes de terrain (avril-août 2011)
7D’après enquêtes de terrain (avril-août 2011)
8L’APV FLEGT est un accord international bilatéral signé par le Cameroun avec les pays de l’Union Européenne dans le but de s’assurer que les importations de bois en provenance du Cameroun remplissent toutes les exigences réglementaires imposées. L’accord devrait ainsi garantir que seulement le bois et les produits dérivés dont la légalité est vérifiée soient commercialisés.
9G. Topa et al., 2010
Enquêtes de terrain de Cécile Pinsart lors de son stage au Cameroun en 2011
Bigombe Logo P.. 2006. Les élites et la gestion décentralisée des forêts au Cameroun. Essai d’analyse politiste de la gestion néopatrimoniale de la rente forestière en contexte de décentralisation, CERAD-GEPAC-GRAPS/Université de Yaoundé II.
Djeumo A., Foméné T.. 2001. Développement des forêts communautaires au Cameroun : genèse, situation actuelle et contraintes. La fiscalité forestière et l’implication des communautés locales à la gestion forestière au Cameroun. Réseau de foresterie pour le développement rural, DFID, FRR.
Ezzine de Blas D. & al. 2009. External influences on and Conditions for Community Logging Management in Cameroun, World Development Vol 37, n°2, p.445-456.
Joiris D.V. et Bigombe Logo P. (coord.). 2010. Gestion participative des forêts d’Afrique centrale, Ed. Quae, Versailles.
Sardan J.P.O. (de) & Bierschenk T. 1993. Les courtiers locaux du développement, Bulletin de l’APAD n° 5.