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Rédigé par : Michel Merlet, Christophe Maldidier, Traduction en français: Michel Merlet (2023)
Date de rédaction :
Organismes : Universidad Centroamericana UCA de Nicaragua (UCA)
Type de document : Article scientifique
Merlet, Michel; Maldidier, Christophe. El movimiento cooperativo, eje de la sobrevivencia de la revolución. ENCUENTRO, Revista de la Universidad Centroamericana en Nicaragua. # 30. Janvier-Avril 1987. repositorio.uca.edu.ni/id/eprint/1700
Pourquoi traduire cet article aujourd’hui et le publier sur ce site de ressources documentaires, 37 ans après la communication faite à Managua en 1986?
Ce n’est pas seulement parce l’implication des auteurs dans les évènements qui sont décrits ici était grande et que cette expérience a beaucoup alimenté leur réflexion et leurs travaux ultérieurs.
C’est aussi et surtout parce que les évolutions récentes de la situation au Nicaragua posent aujourd’hui de nombreuses questions. Le retour au pouvoir par les élections du premier président de la période révolutionnaire n’a pas, loin s’en faut, permis de retrouver l’enthousiasme des années 1980 et s’est traduit par une dérive autoritaire qui n’a cessé de s’amplifier depuis les manifestations populaires de 2018 violemment réprimées.
Comment expliquer ces évolutions? Les façons d’aborder la construction du pouvoir populaire, mais aussi la question agraire sont probablement essentielles à examiner pour mieux comprendre ce qui s’est passé.(1)
Le lecteur trouvera dans cette communication un exposé détaillé du déroulé des sept premières années de la révolution sandiniste et l’analyse que les deux auteurs pouvaient faire à cette époque de la façon dont la question agraire était abordée par les dirigeants du FSLN dans les années 1980. Les auteurs plaidaient clairement pour l’approfondissement de la construction du mouvement coopératif, qui seul pourrait permettre à leur avis de renforcer la révolution. Mais les changements de politique agraire que le FSLN avait dû opérer pour faire face à la guerre contrerévolutionnaire n’ont pas été prolongés une fois que la situation militaire s’est améliorée. De fait, ce n’est qu’après la perte des élections par le FSLN en 1990 que sera officiellement créé un organisme fédérant l’ensemble des coopératives au niveau national.
Dans une vidéo réalisée para Felix Zurita (Alba Films) pour le trentième anniversaire de la réforme agraire nicaraguayenne, le Commandant de la révolution Jaime Wheelock, Ministre de la Réforme Agraire et du développement agricole durant toute la période sandiniste (1979-1990), nous livre sa conception de la question agraire et du rôle que devaient jouer les paysans et l’agriculture dans le développement du Nicaragua. Nous reprenons ici ses propres mots, après traduction en français.
« L’activité agricole, traditionnellement, au cours des cent dernières années, a été l’activité la moins rentable. C’est dans la mesure où un pays abandonne l’agriculture comme secteur principal et se réfugie dans l’industrie ou dans les services qu’il parvient à se développer.
Si vous me posez la question en tant que chrétien et homme juste, je vous dirai que nous devons défendre les gens qui sont pauvres. Mais si vous me posez la question en tant que personne qui a étudié le développement économique, je vous dirai : non! Je ne voudrais pas que mon pays soit un pays de paysans, un pays sous-développé. Je ne voudrais pas cela parce que nous n’allons jamais nous en sortir.
Bon, mais si vous me dites que le paysan est un élément culturel, folklorique ou touristique, oui, c’est vrai. Mais ce n’est pas ça qui va résoudre nos problèmes de développement, qui va positionner le Nicaragua dans le vingt et unième siècle. » (2)
Ces propos, extrêmement clairs, confirment le bien-fondé de l’analyse du projet de développement agricole et de réforme agraire du gouvernement sandiniste des années 1980 présentée dans cette communication.
Michel Merlet
(1) La thématique revient à l’ordre du jour. Ainsi, Bernard Duterme, (directeur du CETRI le Centre tricontinental de Louvain la Neuve, Belgique et auteur du livre « Toujours sandiniste, le Nicaragua? » - 2017) vient de publier un article dans Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, intitulé Les coopératives sandinistes et zapatistes: deux idées du socialisme, écrit en s’appuyant largement sur neuf témoins de l’une ou l’autre de ces expériences, parmi lesquels figure un des coauteurs de la communication que nous reprenons ici.
(2) Vous pouvez retrouver le film Tierra Nuestra en intégralité et en version originale sur ce site (voir colonne de droite). L’extrait antérieur figure au début de la partie 4.
RÉSUMÉ
NICARAGUA, 1985-86 : la crise économique s’aggrave ; la guerre d’agression s’intensifie. Afin de survivre, la révolution commence à reconsidérer ses alliances, ses politiques économiques et l’organisation du pouvoir.
Dans la perspective de la prolongation de la guerre et des difficultés, développer les capacités de résistance du Nicaragua exige des prises de décisions de plus en plus pertinentes, les erreurs entraînant des coûts économiques et politiques croissants.
En ce qui concerne le secteur agricole, de nouvelles questions se posent et voient le jour de nouvelles propositions, de nouveaux axes de travail, de nouvelles difficultés et de nouvelles conceptions. Ressurgissent d’anciens débats sur la collectivisation, la réforme agraire, la politique d’investissement, l’organisation des paysans, les échanges entre zones rurales et urbaines et l’alliance entre ouvriers et paysans.
De par son importance dans la production d’aliments pour les villes et pour les combattants, et d’une façon plus globale dans la génération des excédents, le secteur agricole représente le plus grand « potentiel » de résistance. Parmi les trois secteurs sociaux qui composent le secteur agricole , la production à petite et moyenne échelle, qu’elle soit individuelle ou coopérative, joue un rôle économique et politique de plus en plus important.
Alors que certains pensent que l’agression conduit la révolution nicaraguayenne à s’éloigner de la démocratie et de l’économie mixte, nous soutenons au contraire que les possibilités de résister à l’agression et de faire face à la crise augmentent si le caractère populaire de la révolution est approfondi. Le mouvement coopératif peut devenir le principal instrument d’exercice de la démocratie et la meilleure alternative économique.
Nous analysons dans cet article le rôle et le sens du mouvement paysan tout au long des sept années de révolution et discutons la contribution qu’il peut apporter aux processus de survie et de résistance.
TABLE DES MATIÈRES
1. ÉLÉMENTS D’ANALYSE
L’organisation paysanne et la double nature du mouvement coopératif
Institutionnalisation du pouvoir du peuple
La nature de classe de l’État
2.LES GRANDES ÉTAPES
Première période: avant juin 1979. Dictature somociste : un mouvement paysan constamment réprimé
Deuxième période : juin 1979 à avril 1981. De l’insurrection populaire à la reconstruction
Mobilisation populaire dans les campagnes
Reconstruire sans bouleversement
Un mouvement coopératif, produit et expression de la mobilisation populaire
Troisième période : avril 1981 à la fin de 1984. Transformations de l’agriculture et résistance paysanne
La création de la UNAG
Le projet de développement
Évolution de l’organisation paysanne. La UNAG
Les formes de lutte et les résistances paysannes
Quatrième période : de 1985 à aujourd’hui. Face à la guerre et à la crise, le renouveau du mouvement paysan
La révolution en danger : guerre et crise économique
La réponse de l’État
Un retour à la mobilisation populaire
3. LES QUESTIONS A DÉBATTRE
Mouvement paysan et défense politico-militaire de la révolution
Mouvement coopératif et défense économique de la révolution
Un mouvement politique et économique populaire, la UNAG et le mouvement coopératif
Quelques interrogations
Contrôle des échanges commerciaux. Où vont les excédents ?
Développement agricole et paysannerie
Entreprise territoriale et paysannerie