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Des analyses qui restent d’actualité au XXIe siècle
Rédigé par : Gwenaëlle Mertz
Date de rédaction :
Organismes : Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER), Institut d’étude du développement économique et social (IEDES), Université Paris1 Panthéon Sorbonne
Type de document : Article / document de vulgarisation
«Voici quelqu’un qui n’est pas un simple économiste mais le chef de file des Benthamiens, un apôtre du libéralisme»1. C’est ainsi que Mark Blaug, auteur reconnu notamment pour son histoire de la pensée économique, présente John Stuart Mill dans un de ses écrits. Il est vrai que John Stuart Mill est généralement rangé dans le camp des libéraux par les économistes. Lui-même se voyait comme un disciple de Ricardo, ce qui paraissait inévitable dans la mesure où il a été formé à l’économie par son père, James Mill, ami proche de Ricardo et de Bentham.
Pourtant, Mark Blaug nuance son propos quelques lignes plus loin: «C’était un défenseur acharné de la taxation de l’héritage, de la petite propriété paysanne, du partage de la valeur ajoutée, des coopératives de producteurs et de consommateurs»2 autant de mesures qui ne sont pas réputées libérales. C’est que sa pensée ne se limite pas à une reprise de celle de ses trois maîtres, loin s’en faut. Elle s’apparente plus à une synthèse entre les économistes classiques anglais (Ricardo, Smith, Malthus…) qu’il a repris et enrichi et des socialistes français et anglais. Il s’inspire ainsi de Comte, Sismondi et discute les théories de Fourier et Owen, entre autres.
Ses réflexions sur la propriété de la terre, en particulier, ne renient pas certaines idées «socialistes» mais son éducation «classique» les modère. L’inverse est aussi vrai, ce qui lui permet d’arriver à un exposé assez nuancé. Parmi ses nombreux textes, le livre II des Principes de l’économie et leurs applications à la philosophie sociale (1848 pour la première édition en anglais), traite de ce sujet d’un point de vue théorique.
John Stuart Mill a également été président d’une association éphémère, la « Land Tenure Reform Association », pour laquelle il a participé à l’élaboration d’un programme de réforme de la propriété de la terre, créant ainsi un pont entre la théorie économique et la réalité pratique.
I. La propriété de la terre d’un point de vue théorique
Pour introduire son propos sur la propriété, J-S Mill met l’accent sur une différence fondamentale entre les lois causales régissant la production et celles ayant trait à la distribution des richesses -qui inclut la propriété- dont il est question dans ce livre II des Principes.
A. La différence entre production et répartition de la richesse
«Les lois et les conditions de la production de richesse n’ont en elles-mêmes rien de facultatif ou d’arbitraire. Tout ce qui est produit par l’homme doit l’être d’après les modes et les conditions imposés par la nature constitutive des choses extérieures et par les propriétés physiques et intellectuelles inhérentes à leur propre nature. […] Les opinions ou les vœux qui peuvent exister au sujet de ces diverses matières n’exercent aucune influence sur les choses elles-mêmes. […] Il n’en est pas de même à l’égard de la distribution des richesses : c’est là une institution exclusivement humaine. Les choses étant créées, l’espèce humaine individuellement ou collectivement, peut agir avec ces choses comme elle l’entend. Elle peut les mettre à la disposition de qui elle veut, et aux conditions qui lui conviennent. Dans l’état social, en outre, lorsqu’il s’agit de tout autre situation que la solitude absolue, cette faculté de disposer des choses ne peut exister que du fait du consentement de la société, ou plutôt des individus qui dirigent sa force active. Et même, ce qu’un individu a produit par ses efforts individuels, sans être aidé par personne, il ne peut le garder qu’avec l’assentiment de la société. Non seulement la société peut le lui enlever, mais des individus le pourraient également et le feraient si la société restait seulement passive, si elle n’intervenait pas en masse, si elle n’employait ou ne payait d’autres individus pour empêcher qu’il ne fut troublé dans la jouissance de ce qu’il possède. La distribution des richesses dépend donc des lois et des coutumes de la société. Les règles qui déterminent cette distribution sont comme les font les opinions et les sentiments de la partie dirigeante de la société et varient considérablement, suivant les différents siècles et les différents pays; elles pourraient varier encore davantage si les hommes en décidaient ainsi.»3
Si l’on peut trouver les causes de la production dans des lois physiques, celle de la distribution de la richesse sont à rechercher dans des choix de société. Ce constat permet de rappeler que l’institution de la propriété individuelle privée de la terre n’est pas plus évidente et justifiée théoriquement qu’une autre forme de propriété. Il rappelle que l’institution de la propriété ne s’est pas faite dans le but de servir les intérêts qu’on veut lui reconnaître maintenant mais pour des raisons non justifiables moralement, qui tiennent essentiellement à une lutte pour la domination des propriétaires sur ceux qui ne le sont pas.
B. Une relecture de l’instauration de la propriété privée
«Nos lois sur la terre sont les survivances d’un système qui, comme nous le dit l’histoire, a été créé pour maintenir la classe dirigeante au pouvoir. Elles ont été faites dans le but de permettre aux familles qui possédaient les plus grandes exploitations possibles et par ce moyen de continuer à gouverner le pays.»4
«L’organisation sociale de l’Europe moderne a eu pour point de départ la distribution d’une propriété qui était le résultat non d’une juste répartition, ou d’acquisitions faites à l’aide de l’industrie, mais de la conquête et de la violence; malgré ce que l’industrie a fait depuis tant de siècles pour modifier l’oeuvre de la force, le système conserve de nombreuses et profondes traces de son origine. Les lois de la propriété ne se sont jamais encore conformées aux principes sur lesquels repose la justification de la propriété privée. Elles ont fait une propriété de choses qui ne devraient jamais être considérées comme telles, et créé une propriété absolue là où il n’aurait dû exister qu’une propriété conditionnelle. Elles n’ont pas créé une répartition équitable entre les créatures humaines, mais elles ont accumulé les obstacles pour quelques-uns, afin de donner des avantages au reste de la société; elles ont, à dessein, entretenu les inégalités et empêché que tous ne puissent s’élancer sans obstacle dans la carrière. Que tous puissent s’élever dans des conditions parfaitement identiques, c’est ce qui est en désaccord avec toute loi fondée sur la propriété individuelle»5
Afin de justifier ultérieurement sa position, John Stuart Mill étudie les arguments habituellement proposés par les protagonistes du débat sur ce que doit être la propriété de la terre. Il discute un à un les arguments des deux bords, fervents défenseurs de la propriété privée comme ceux qui proposent d’en (re-)venir à la propriété collective selon divers modes.
C. La discussion des arguments justifiant la propriété privée
1) La remise en cause de l’argument de l’impossibilité de mise en pratique de la propriété collective
« Quels que soient les mérites ou les défauts de ces systèmes, on ne peut dire avec vérité qu’ils sont impraticables. Aucun individu raisonnable ne peut mettre en doute qu’une communauté fixée dans un village, composée de quelques milliers d’habitants, cultivant en commun la même étendue de terrain qui nourrit aujourd’hui cette quantité d’individus et produisant à l’aide de travail combiné et des procédés les plus perfectionnés les articles fabriqués dont ils ont besoin, ne puisse créer une somme de produits suffisante pour les entretenir dans l’aisance, et ne puisse trouver les moyens d’obtenir, et, au besoin, d’exiger la quantité de travail nécessaire à cet effet, de tout membre de l’association capable de travailler »6
2) La remise en cause de l’argument de la moindre incitation à produire quand ce n’est pas pour son propre bénéfice
« L’objection faite ordinairement contre le système de communauté de la propriété et de l’égale répartition des produits : que chaque individu serait incessamment occupé à échapper à sa juste part de travail,cette objection signale sans aucun doute, une difficulté réelle. Mais ceux qui arguent de cette objection oublient sur quelle vaste échelle cette même difficulté existe, sous l’empire du système qui régit aujourd’hui les neuf dixièmes des affaires de la société. Cette objection suppose qu’on n’obtient un travail honorable et productif que des individus qui eux-mêmes doivent recueillir individuellement le bénéfice de leurs efforts personnels. Mais quelle faible partie de tout le travail accompli en Angleterre depuis le plus chèrement jusqu’au plus faiblement rétribué, est faite par des individus travaillant à leur profit! […] Un ouvrier de manufacture a moins d’intérêt personnel dans son ouvrage qu’un membre d’une association communiste, puisqu’il ne travaille pas, ainsi que ce dernier, pour une association dont il fait lui-même partie. […] Je ne veux pas déprécier la puissance du stimulant donné au travail, lorsque toute la part, du moins une part considérable, du bénéfice dû à des efforts extraordinaires appartient au travailleur. Mais sous l’empire du système industriel adopté de nos jours, ce stimulant, la plupart du temps, n’existe pas. Si le travail du communiste est poussé avec moins de vigueur que celui du paysan propriétaire ou de l’ouvrier travaillant pour son compte, ce travail sera probablement plus énergique que celui d’un ouvrier salarié, qui n’a aucun intérêt personnel dans son travail. La négligence, de la part des classes sans éducation de travailleurs à gages, des devoirs qu’ils s’engagent à remplir est tout à fait patente dans l’état actuel de la société. »7
3) Une limite importante de la propriété privée
«Ce sont là les raisons qui, au point de vue économique, constituent la justification de la propriété de la terre. On voit qu’elles ne sont valides qu’autant que le propriétaire de la terre est aussi celui qui l’améliore. Toutes les fois que dans un pays quelconque, le propriétaire, généralement parlant, cesse d’améliorer la terre, l’économie politique n’a rien à dire pour défendre cette propriété, telle qu’elle y est établie. Dans aucune théorie bien entendue de la propriété, on ne s’est jamais proposé que le propriétaire de la terre ne fût qu’un simple sinécuriste résidant. »8
D. La propriété privée telle qu’elle devrait être
« La propriété individuelle, toutes les fois qu’on entreprend sa défense, est supposée impliquer la garantie aux individus des fruits de leur propre travail et de leur propre abstinence. La garantie des fruits du travail et de l’abstinence des autres, qui leur est transmise sans aucun mérite ou effort de leur part, n’est pas l’essence même de l’institution mais une conséquence purement passagère qui, arrivée à un certain point, ne favorise pas, mais combat les fins qui rendent légitime la propriété individuelle. »9
« L’institution de la propriété, bornée à ses éléments indispensables, consiste dans la reconnaissance, à l’égard de chaque individu, du droit qu’il a à disposer exclusivement de tout ce qu’il peut avoir produit par ses efforts personnels, ou reçu des producteurs à titre de don, ou par consentement loyal, sans employer la force ni la fraude. La base du tout est le droit des producteurs sur ce qu’ils ont produit eux-mêmes. On peut donc objecter que l’institution, telle qu’elle existe aujourd’hui, reconnaît des droits de propriété à des individus sur des choses qu’ils n’ont pas produites. »10
J-S Mill met en évidence le fait que le droit de propriété tel qu’il existe à son époque ne répond pas à ce qui le justifie. En rappelant sur quel principe il devrait être construit, il marque la différence entre le fruit du travail et ce qui ne l’est pas.
« Le principe essentiel de la propriété étant d’assurer à tous les individus ce qu’ils ont produit par leur travail et accumulé par leur épargne, ce principe ne peut s’appliquer à ce qui n’est pas le produit du travail, la matière première de la terre. Si la terre tirait entièrement sa puissance productive de la nature et nullement de l’industrie, ou s’il existait quelque moyen de distinguer ce qui découle de l’une ou de l’autre source, non seulement il ne serait pas nécessaire, mais ce serait le comble de l’injustice de laisser le don de la nature accaparé par des individus. L’usage de la terre dans l’agriculture, doit sans doute, à l’époque où nous sommes, être nécessairement exclusif. Il doit être permis de récolter au même individu qui a labouré et semé; »11
II. La propriété de la terre en pratique
Statut de la terre et nature des droits de propriété
J-S Mill présente dans un document pour la « Land tenure Reform Association » ainsi que dans ses Principes les droits de propriété sur la terre qu’il pense être les mieux à même de servir l’intérêt de la communauté dans son ensemble, en tenant compte du statut particulier qu’a la terre.
« La Société pense qu’en permettant que la terre devienne une propriété privée, l’État aurait du se réserver l’accès au revenu, et que le temps qui passe ne doit pas annuler par prescription les droits à compensation que cela peut créer en faveur des propriétaires terriens, quels qu’ils soient. La terre est l’héritage originel de l’humanité dans son ensemble. L’argument habituel et de loin le meilleur en faveur de son appropriation par des individus, est que la propriété privée est la meilleure manière d’inciter à rendre le sol le plus productif possible. Mais cet argument est valable uniquement dans la mesure où on laisse au propriétaire l’intégralité du bénéfice de tous les ajouts qu’il fait à la terre par ses propres efforts et dépenses. Il n’y a rien qui justifie de l’autoriser à s’approprier une augmentation du produit pour laquelle il n’a rien fait, mais qui lui revient, grâce à la croissance générale de la société, c’est-à-dire non du fait de son propre travail ou de ses dépenses, mais grâce à ceux d’autres individus, de la communauté dans son ensemble. La Société ne veut pas perturber les acquisitions passées des propriétaires mais qu’ils certifient le droit de l’État à ce type de revenu dans le futur. […]
Si, au lieu de se soumettre à une taxe spéciale sur l’augmentation future de sa rente, un propriétaire terrien préfère abandonner sa terre à l’État, la Société défend l’idée que l’État doit leur acheter au prix du marché. […] De cette manière, cette augmentation de la richesse qui va actuellement dans les coffres de personnes privées aux dépens du progrès de la société et non par les sacrifices les rendant méritantes, va graduellement et dans une proportion grandissante, être déviée vers la nation dans son ensemble, vers ceux dont elle découle vraiment par leurs efforts et leurs sacrifices. L’État va recevoir l’intégralité de la rente des terres que les possesseurs lui auront vendu volontairement, en même temps qu’une taxe sur l’augmentation future de la rente sur les terres que les propriétaires auront gardé, faisant suffisamment confiance au sens de la justice et à la modération de l’État. Ces propriétaires devraient être autorisés à changer d’avis à n’importe quel moment dans le futur, et céder leurs terres au prix offert précédemment; ou à un prix supérieur s’ils peuvent montrer qu’ils ont fait entre-temps des améliorations substantielles à leurs frais. »12
Ce passage contient le coeur de l’argumentaire de Mill pour défendre les propositions de son Explanatory statement of the Programme of the Land Tenure Reform Association13 de 1871. Les propriétaires, par la récupération de la rente bénéficient des progrès de la société dans son ensemble (par la croissance démographique en particulier qui crée une pression sur les terres agricoles car sur la nourriture) sans faire aucun effort. Or c’est contraire au principe qui fonde la propriété privée selon lui.
Des propositions précises
La société pour laquelle il a fait ce rapport, dont il est membre, veut réformer la loi sur la terre. Le pouvoir d’en disposer représente un avantage sur la communauté, qui doit être taxé par l’État, pour qu’il redistribue équitablement ces bénéfices. Voici quelques uns des points de son programme tel qu’il les a formulé pour le résumer en notes de bas de page deExplanatory statement of the Programme of the Land Tenure Reform Association[>(14) 14}:
Réclamer pour le compte de l’État la récupération, par le biais d’un impôt, de la future augmentation de la rente de la terre non méritée (ne provenant pas du travail, dans la mesure où on peut le prouver) ou une grande partie de cette augmentation […] réserver aux propriétaires la possibilité de céder leurs terres à l’État à la valeur du marché qu’elles peuvent avoir atteint depuis le moment où le principe a été adopté par le corps législatif
Promouvoir l’agriculture coopérative, à travers l’achat par l’État, de temps en temps, de propriétés sur le marché et leur location avec des règles appropriées à des associations coopératives si l’on a la preuve de leur volonté et des perspectives de rentabilité des projets
Promouvoir de la même manière l’acquisition de terre afin de les louer à de petits cultivateurs, à la condition que, tout en leur pourvoyant ce qui est nécessaire à la culture, soit assuré un intérêt durable du cultivateur à sa culture
Les terres appartenant à la Couronne, aux établissements publics ou aux fondations et autres institutions de bienfaisance, doivent être rendues accessibles dans les mêmes buts, quand les conditions le permettent, ainsi que l’amélioration des habitations des ouvriers. Et aucune terre ne doit passer entre des mains privées à moins que cela ne soit dans le but de servir les fins mentionnées ci-dessus ou pour des raisons particulières et exceptionnelles
Toutes les terres qui sont actuellement gaspillées, ou qui demandent une loi autorisant leur enclosure[[phénomène de clôture des parcelles qui a abouti à la constitution d’immenses propriétés au détriment des terres communes]] ne doivent pas être distribués afin de les garder pour les usages nationaux, des compensations étant prévues pour les droits seigneuriaux et les communs
Bien qu’il soit préférable de mettre une large part de la terre aujourd’hui à l’abandon en culture pour tous les buts et les principes énoncés dans les articles précédents, il serait souhaitable que les parcelles les moins fertiles soient laissées à l’état de nature sauvage, surtout celles qui sont situées dans des zones peuplées, pour le plus grand plaisir de la communauté et pour encourager dans toutes les classes le goût pour les choses saines, naturelles mais aussi pour laisser aux générations futures le choix de leur emploi définitif
Obtenir pour l’État le pouvoir de prendre possession avec un objectif de préservation de tous les objets naturels ou des constructions artificielles attachées au sol, qu’elles aient un intérêt historique, scientifique ou artistique, ainsi que toute la surface jugée nécessaire aux alentours, les propriétaires étant indemnisés pour la valeur de la terre récupérée de la sorte.
Des questions qui restent d’actualité au XXIe siècle
Après avoir ajouté sa pierre à l’édifice de l’économie avec ses Principles of Political Economy, John Stuart Mill n’est pas resté cantonné à la seule théorie. Sur différents sujets qui lui tenaient particulièrement à coeur, comme la propriété de la terre, il a utilisé ses réflexions à des fins pratiques, afin de soutenir la politique qui lui paraissait la plus opportune.
En l’occurrence, avec la Land Tenure Reform Association, il a proposé une véritable évolution du droit de propriété sur la terre et se heurtant du même coup à des obstacles de taille. Ainsi, la mise en place d’un impôt sur la rente foncière allait à l’encontre des intérêts de propriétaires terriens souvent étroitement liés au pouvoir en place.
Une des propositions était aussi de stopper voire même d’inverser la tendance aux {enclosures et à la mise en place d’immenses domaines, privilégiant plutôt la petite propriété familiale}}, sans toutefois sacrifier l’efficacité. Pour cela, il prônait la coopération entre de petites exploitations notamment en terme d’investissement matériel.
D’une manière plus générale, comme d’autres auteurs de l’époque, il envisageait la terre comme une ressource commune à toute l’humanité -comme l’est encore l’air aujourd’hui- qui, de ce fait, devait voir les bénéfices qui en sont tirés partagés entre tous les individus.
À cette époque comme aujourd’hui, il est difficile de faire accepter des idées qui sont contraires aux intérêts à court terme des personnes en mesure de changer les choses. Pourtant, les deux situations se ressemblent : la pression sur les terres est forte. Des spéculations sur la terre ont pris de l’importance, notamment avec la crise financière qui a entraîné un report d’une partie des fonds spéculatifs sur des valeurs jugées plus sûres, dont la terre, pariant sur la forte croissance démographique pour faire augmenter les prix. De plus, un mouvement sans précédent d’accaparement de terre touche les pays en développement, qui vendent ou louent une partie de leurs terres fertiles à des entreprises ou États étrangers alors qu’ils ne sont souvent même pas autosuffisants en matière alimentaire.
La question des limites de la propriété de la terre se repose donc avec acuité, et avec elle celle de savoir si une instance supérieure peut et doit gérer et coordonner l’utilisation de la terre sur un territoire. Enfin avec le creusement des inégalités dans le monde, l’accès à la terre risque de devenir problématique pour les populations les plus pauvres qui sont pourtant celles qui en ont encore le plus besoin pour leur survie.
Une réflexion globale sur la propriété sur la terre paraît ainsi nécessaire dans une optique de réduction de la pauvreté -objectif affiché par l’ONU entre autres- et les idées de Stuart Mill peuvent s’avérer très utiles au débat.
1 Thomas Robert Malthus (1766-1834) and John Stuart Mill (1806-1873), edited by Mark Blaug, Elgar Reference Collection, University Press Cambridge, 1991, Introduction p. x.
2 Thomas Robert Malthus (1766-1834) and John Stuart Mill (1806-1873), edited by Mark Blaug, Elgar Reference Collection, University Press Cambridge, 1991, Introduction p xi.
3 Principes d’économie politique, J-S Mill, Paris, Guillaumin, 3è éd. 1873, trad. H. Dussard et Courcelle-Seneuil, p 233-234.
4 Essays on economics and society, J-S Mill, Vol 2, éd. 1967, réed 1975, University of Toronto Press, p 689.
5 Principes d’économie politique, J-S Mill, Paris, Guillaumin, 3è éd. 1873, trad. H. Dussard et Courcelle-Seneuil, p 243-244.
6 Principes d’économie politique, J-S Mill, Paris, Guillaumin, 3è éd. 1873, trad. H. Dussard et Courcelle-Seneuil, p 238.
7 Principes d’économie politique, J-S Mill, Paris, Guillaumin, 3è éd. 1873, trad. H. Dussard et Courcelle-Seneuil, p 239-240.
8 Principes d’économie politique, J-S Mill}, Paris, Guillaumin, 3è éd. 1873, trad. H. Dussard et Courcelle-Seneuil, Livre II, Chap. II, §6, p 268.
9 Principes d’économie politique, J-S Mill, Paris, Guillaumin, 3è éd. 1873, trad. H. Dussard et Courcelle-Seneuil, Livre II, Chap. I, §3, p 244.
10 Principes d’économie politique, J-S Mill, Paris, Guillaumin, 3è éd. 1873, trad. H. Dussard et Courcelle-Seneuil, Livre II, Chap. II, §1, p 253.
11 Principes d’économie politique, J-S Mill, Paris, Guillaumin, 3è éd. 1873, trad. H. Dussard et Courcelle-Seneuil, Livre II, Chap. II, §5, p 266-267.
12 Essays on economics and society, J-S Mill, Vol 2, éd. 1967, réed 1975, University of Toronto Press, pp 691-692.
13 in Essays on economics and society, J-S Mill, Vol 2, éd. 1967, réed 1975, University of Toronto Press, p 687 et suivantes.
14 ibid.