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La lutte pour les terres vierges
Merlet, Michel. NICARAGUA. El siglo XIX. Auge y derrota de la vía campesina. Communication présentée lors du Simposium Las sociedades agrarias centroamericanas. Escuela de Historia de la Universidad Nacional. Costa Rica. Juillet 1990. (inédit)
Ce sont presque toujours depuis des siècles des membres des classes dominantes qui ont écrit l’histoire du Nicaragua. Le poids de l’héritage culturel de la période coloniale est beaucoup plus lourd que ce que l’on peut percevoir à première vue. Il a fortement influencé les positions des acteurs sociaux, et ce, jusqu’à nos jours.
La thèse la plus répandue sur l’histoire économique et sociale du dix-neuvième siècle au Nicaragua fait état de l’apparition d’une grande propriété rurale distincte de l’hacienda héritée de la colonie, aux mains d’une bourgeoisie qui se développe avant tout à partir de la production du café. L’affrontement entre les anciennes classes dominantes et les nouvelles bourgeoisies est présenté par les historiens comme le fait politique central du siècle. Ils nous donnent beaucoup d’informations sur les évènements politiques et militaires qui secouent constamment le pays, ainsi que des données sur le développement du commerce extérieur.
En revanche, bien peu d’historiens parlent de l’évolution du marché national et des transformations que connait à cette époque la production paysanne. Les paysans sont vus comme constituant un secteur immobile, attardé, du fait de sa faible intégration au marché et du caractère autosuffisant de ses unités de production.
Une étude plus approfondie de l’histoire agraire du Nicaragua montre que cette vision est insuffisante, et même clairement erronée. Tout en reconnaissant la transformation des classes dominantes et l’approfondissement de leur caractère capitaliste, je présente dans ce document une interprétation radicalement différente de l’histoire agraire du dix-neuvième siècle.
Le XIXe siècle est caractérisé par l’affrontement de deux secteurs, dont les forces respectives sont très inégales:
un paysannat en expansion qui a commencé à prendre de l’importance à la fin de la période coloniale, dont le poids économique est encore réduit, et qui ne dispose pas de représentation ni de pouvoir politique, mais qui réussit à se développer en profitant de la grande faiblesse du pouvoir central.
les propriétaires terriens et les grands commerçants, issus directement de l’oligarchie criolla, qui réussissent après des luttes intestines incessantes à imposer la « dictature » du gouvernement libéral de Zelaya.
Pour la première fois depuis la conquête par l’Espagne, s’ouvre au XIXe siècle au Nicarague un espace favorable à un développement endogène. Une couche de petits et moyens producteurs agricoles commence à se consolider « en silence », c’est à dire sans expression politique visible y sans que personne ne fasse explicitement référence à elle. On assiste bien pourtant à la naissance d’un véritable paysannat, ignoré jusqu’à présent par les historiens.
J’analyse dans cet article le XIXe siècle comme un siècle de lutte entre une « voie paysanne » de développement et une « voie Junker » qui a pour théâtre les terres vierges de l’intérieur, les territoires communs, et en particulier les terres des communautés indigènes. Ces terres sont transformées en propriétés privées et elles sont clôturées.
Cette situation présente des similitudes avec les phénomènes actuels d’appropriation massive de terres, de land grabbing. De ce fait, ce travail historique est d’une actualité toute particulière.
L’écrasement du soulèvement paysan dirigé par Augusto Cesar Sandino, dans les années trente du XXe si1ècle, correspond à la déroute politique et militaire des couches paysannes, qui avaient alors été à un doigt de pouvoir accéder au pouvoir.