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Fonds documentaire dynamique sur la
gouvernance des ressources naturelles de la planète

Autres modalités d’articulation entre des dispositifs d’exploitation de la forêt et les populations locales : deux exemples d’une gouvernance souvent problématique

Quelques problèmes soulevés par les concessions forestières au Cameroun

Documents sources

Stage de fin d’études d’Ingénieur de Cécile Pinsart

Résumé

Le travail de terrain qui a été réalisé pour l’élaboration de ce dossier s’est surtout centré sur l’analyse des « forêts communautaires ». Mais les « forêts communautaires » ne constituent pas les seuls dispositifs qui aient été mis en place au Cameroun pour faire le lien entre les populations locales et l’exploitation des forêts.

Deux études de cas ont été réalisées par Cécile Pinsart lors de son stage avec AGTER et le CED en 2011. Elles portent sur :

  • les interactions entre les concessions, « Unités Forestières d’Aménagement » (UFA) et les communautés et les villages de leur voisinage;

  • les forêts communales.

Compte tenu de l’importance spatiale et économique des UFA et de l’intérêt de la création d’unités de gestion décentralisée opérationnelle des ressources forestières autour des communes, nous avons choisi d’en présenter une synthèse dans ce dossier. Elles aident à mieux comprendre la situation actuelle de la gouvernance des forêts au Cameroun.

Partant d’une observation ponctuelle de terrain, sans prétention aucune de décrire l’ensemble des situations qui peuvent se présenter dans ces deux cas de figure, et grâce à un travail bibliographique et à des entretiens avec des personnes ressources, ces deux fiches constituent avant tout une invitation à approfondir la réflexion.

Les enjeux de gouvernance des ressources naturelles dans le cadre des concessions forestières

1- Une certaine confusion entre intérêts privés et intérêt collectif

L’exploitation commerciale du bois au Cameroun est principalement le fait d’acteurs privés industriels. Des surfaces de forêt très étendues, souvent de plusieurs centaines de milliers d’hectares, en un ou plusieurs blocs, leur sont confiées pour la « production » de bois dans le cadre de concessions, les « Unités Forestières d’Aménagement » (UFA). Ces territoires chevauchent souvent des espaces qui étaient utilisés par des populations locales.

En 2010, 7 des 16,5 millions d’hectares de forêts denses de basse altitude1 du Cameroun étaient classés au titre des forêts destinées à la production industrielle de bois à long terme dans le cadre d’UFA2. Le bois est destiné essentiellement à l’exportation, après peu ou pas de transformation. Bien que l’exploitation industrielle soit sensée se conformer à un cadre normatif et à des plans d’aménagement de plus en plus exigeants, ses impacts écologiques et sociaux ne sont pas véritablement contrôlés.

Depuis l’époque coloniale, le choix politique de confier à des grandes entreprises d’exploitation la gestion de vastes aires de forêt est justifié par le pouvoir politique par la difficulté d’aménager et de contrôler des territoires très étendus et difficiles d’accès. Ce choix est sous-tendu par l’idée que ces concessionnaires peuvent assurer, en échange de la possibilité d’exploiter les ressources des territoires forestiers obtenus, des fonctions d’aménagement du territoire (construction des routes, aménagement des centres urbains…) que l’État n’est pas en mesure d’assumer. Cette idée, relancée lors des privatisations du secteur forestier à la fin des années 1980, persiste encore aujourd’hui. Elle conduit à une confusion entre intérêt collectif et intérêt privé3.

L’objectif des entreprises privées demeure bien sûr la recherche de la plus grande rentabilité du capital investi. La tentation de maximiser les profits sur le court terme en hypothéquant l’avenir sur le long terme existe et existera toujours. Les conditions nécessaires pour que soit garantie la pérennité des ressources communes qui leur sont confiées – les forêts – sont difficiles à réunir dès lors que celles-ci sont l’objet même de leur activité. Actuellement, la délégation aux entreprises concessionnaires privées de certaines fonctions publiques est encadrée par les directives contenues dans les cahiers des charges des concessions. Mais les difficultés de contrôle et de sanction rendent la pratique de cette délégation risquée.

Troncs d’arbres (grumes) dans la scierie d’une entreprise forestière industrielle Photo : M. Merlet

2- Des relations globalement défavorables aux populations malgré quelques initiatives pour tenter de les améliorer

a- Des rapports de force à l’échelle locale depuis toujours très asymétriques

Depuis longtemps, les relations entre populations locales et exploitants forestiers se matérialisent par des transferts en nature qui permettent aux exploitants d’assurer une cohabitation paisible avec les populations locales. Fréquemment, les autorités administratives entretiennent à l’égard des communautés des préjugés tenaces qui les conduisent à leur tenir des discours « moralisateurs ».

Les populations locales, elles, ont le sentiment que les exploitants forestiers pillent les ressources des forêts qu’elles habitent depuis des décennies. Elles n’ont pas l’impression de recevoir de justes compensations, ni d’être informées quant aux volumes et aux bénéfices générés par leur exploitation.

L’asymétrie entre entreprises et communautés est considérable. Les entreprises disposent d’importants moyens financiers, et ont des contacts politiques à de nombreux niveaux. Les communautés n’ont ni moyens ni contacts. Seuls quelques « élites » peuvent dans certains cas faire le lien avec l’extérieur, avec les problèmes qui ont été soulignés plus haut.

b- Des conflits persistants autour de l’accès aux ressources et aux bénéfices qu’elles génèrent

La réforme de la loi forestière de 1994 a introduit des obligations nouvelles pour les exploitants quant au respect de l’environnement mais aussi des communautés locales. Les exploitants privés sont soumis à un cahier de charges comportant des mesures dites « sociales » en direction de leurs employés et des communautés riveraines. La loi impose la participation des populations locales à la délimitation du périmètre des concessions forestières et à la définition des aires affectées aux divers usages (appelées « séries ») sur le territoire qu’elles couvrent. Des enquêtes socio-économiques servent identifier les usages des communautés à l’intérieur du périmètre de forêt assigné à la concession. Ensuite le Plan d’aménagement définit un modèle de gestion des ressources qui inclut la participation des utilisateurs locaux et prévoit des mécanismes pour la résolution de conflits. Une fraction des taxes prélevées auprès des entreprises d’exploitation est désormais affectée directement aux collectivités locales et aux villages riverains. C’est le cas de la Redevance Forestière Annuelle (voir plus bas). On peut voir dans certaines de ces dispositions une forme d’institutionnalisation et de réglementation des transferts qui étaient opérés jusqu’alors de manière informelle4.

Le respect des mesures prévues par la loi est cependant encore insatisfaisant. Les mécanismes de contrôle et de sanction nécessaires sont insuffisants ou font défaut. Les pratiques liées à la corruption restent très répandues dans le secteur forestier et les exploitants profitent souvent d’une situation d’impunité de fait en cas de litige avec les communautés. Les autorités locales, sous-préfet, gendarmes, chefs de poste …, censées exercer un rôle d’arbitrage et garantir le respect des conditions d’exploitation, sont souvent partiales. Avec leur appui, les exploitants peuvent facilement dissuader les communautés d’entreprendre des procédures légales et les convaincre d’accepter un règlement à l’amiable dont les termes sont le plus souvent inéquitables, et en tous cas éloignés des niveaux de compensations prévues par la loi5.

La pratique des « doléances » sur laquelle se sont construites historiquement les relations entre exploitants forestiers et populations riveraines se maintient encore largement et participe à la persistance des rapports clientélistes.

Les forestiers perçoivent l’implication des populations dans la gestion forestière comme une contrainte. Les populations locales, relayées par les ONG, dénoncent fréquemment les manquements de ces derniers à tout ou partie de leurs obligations « sociales ». Le respect des dispositions sociales figurant dans les cahiers des charges des exploitations semble néanmoins connaître quelques progrès. Certaines entreprises forestières y voient le moyen de limiter les conflits et de préserver leur image à l’international.

En 1998, les Normes d’Intervention en Milieu Forestier, NIMF6, améliorent la prise en compte des droits des populations riveraines, en imposant aux exploitants forestiers la réalisation d’une cartographie participative de l’espace obtenu en concession. La cartographie doit permettre de repérer les espaces utilisés par les communautés locales et les droits que celles-ci ont établis sur les ressources (champs agricoles, arbres fruitiers, arbres sacrés, arbres utilisés pour la récolte de graines et aires ayant une valeur particulière pour les habitants). Les NIMF spécifient toutefois que la prise en compte des droits des populations locales, lors de l’ouverture des pistes et de l’activité d’exploitation, ne se fera que « dans la mesure du possible», et ne relève donc pas du contraignant. Cependant les sociétés forestières ont tendance à tenir de plus en plus compte des droits des populations locales et de réaliser une cartographie qui les documente, dans le souci d’éviter des conflits qui seraient trop coûteux.

Les rapports de force entre les exploitants et les populations locales restent toutefois encore aujourd’hui extrêmement inégaux. Les communautés ne sont, dans la pratique, que marginalement intégrées dans la gestion des ressources au sein des concessions et les nouveaux droits que la loi leur attribue en ce sens sont seulement partiellement respectés.

Des conflits surgissent souvent, en particulier au moment de la définition des limites des concessions qui, dans de nombreux cas, ne respectent pas les espaces sur lesquels portent les droits coutumiers des populations7. Ces dernières se trouvent alors évidemment lésées.

c- La création d’emplois, argument fallacieux

Les entreprises concessionnaires usent de l’argument de la création d’emplois comme d’un palliatif pour faire admettre aux populations locales l’appropriation des ressources forestières qu’elles opèrent. Mais la logique propre à l’exploitation industrielle suppose de minimiser le nombre d’emplois créés, le montant des salaires et les coûts nécessaires au maintien de conditions décentes de travail. En attestent les conditions salariales et de travail dans les exploitations forestières : des témoignages rapportent des salaires mensuels de l’ordre de 35 à 50 euros par mois. Les accessoires de protection nécessaires aux ouvriers font souvent défaut. Sanitaires et eau potable sont fréquemment absents. La situation dans de nombreuses entreprises de transformation du bois est similaire.

Malgré cela, la situation du marché du travail dans les zones rurales du Cameroun est telle que la condition de travailleur dans l’industrie du bois est considérée comme meilleure que celle de bien des actifs. Elle permet de percevoir un revenu fixe et de bénéficier de quelques avantages en nature (accès à une infirmerie et à une pharmacie subventionnée par l’entreprise, bourses scolaires pour les enfants…).

d- La certification, voie d’amélioration des relations entre communautés et exploitants ?

Diverses certifications existent à l’heure actuelle en matière d’exploitation de la filière de commercialisation du bois. Elles sont proposées par des partenariats d’acteurs privés de l’exploitation, de la transformation et de la commercialisation pouvant associer des organismes publics étrangers. L’éco-certification vise à améliorer la gestion des ressources forestières par les exploitants et le respect de leurs obligations en matière de contribution au développement local. L’entreprise qui souhaite pouvoir se réclamer d’une certification doit appliquer les règles propres au cadre choisi (souvent relatives à la cohabitation avec les populations locales, aux conditions de travail des employés, et à l’environnement).

Section de tronc. Photo : M. Merlet

Elle doit aussi accepter de se soumettre aux contrôles réguliers réalisés par les agents employés par les acteurs du dispositif. Le respect des règles posées est ainsi censé être mieux garanti. Certaines dispositions légales peuvent parfois se voir ainsi renforcées.

 

 

C’est par exemple le cas de la cartographie participative des aires en concessions et du respect de ses résultat, qui deviennent une des exigences imposées dans le cas de la certification du « Forest Stewardship Council » (FSC)8.

e- Des processus de redistribution locale de la Redevance Forestière Annuelle peu transparents

La loi établit qu’une part du prélèvement fiscal que constitue la Redevance forestière Annuelle est destinée à des actions de développement local dans la zone d’emprise de la concession forestière9. Elle doit permettre de financer des infrastructures socio-économiques collectives d’électrification et d’adduction d’eau, des centres de santé, des écoles, … 10.

Depuis 1996-1997 une soixantaine de communes forestières sont concernées par la redistribution de la RFA. En 2004, le revenu généré par la fiscalité sur l’activité forestière par le biais de la RFA a atteint 40 millions de dollars EU. En 2005, la RFA restituée aux communes et aux populations s’est élevée à un peu plus de 6 milliards de franc CFA soit plus de 9 millions d’euros. Les montants de la RFA représentent des sommes considérables à l’échelle des économies familiales et paysannes. Ils auraient dû constituer un levier de développement local important. Cependant les effets de cette ressource apparaissent encore très faibles au plan local. Dans beaucoup de cas, la concrétisation des versements est dérisoire. La gestion locale des revenus dérivés de la RFA demeure peu transparente et ils connaissent souvent des détournements, à l’origine de conflits.

Ces revenus sont l’objet de stratégies d’accaparement, notamment de la part de personnes appartenant à la catégorie sociale des « élites ». Ces individus et réseaux locaux jouissent d’un pouvoir informationnel, économique et politique relatif important par rapport à la majorité de la population locale11.

Les dispositifs prévus par la loi pour gérer la redistribution des taxes de l’exploitation forestière, tels que le Comité de gestion à l’échelle communale12 et les sous-comités villageois, ne fonctionnent souvent pas de manière démocratique. C’est à eux qu’il revient en théorie de proposer les projets de développement susceptibles d’être financés par la part des revenus de la fiscalité forestière destinée aux échelons administratifs locaux. Quant aux 10% du total de la RFA versé par une exploitation forestière qui doivent être reversés aux communautés riveraines, ils sont, dans certains cas, bloqués au niveau de l’administration communale.

Illustration à partir d’observations dans l’arrondissement de Djoum

1- Quelques améliorations consécutives à la réforme de 1994

L’exploitation commerciale des forêts dans l’arrondissement de Djoum débute au milieu des années 1990 avec l’arrivée de l’entreprise Rougier Dassié qui crée la société forestière CAMBOIS, renommée en 1997 « Société forestière et Industrielle de la Doumé », SFID. L’exploitation n’était alors « encadrée » qu’au moyen de simples permis d’exploitation laissant de l’espace pour l’exploitation illégale des forêts et propices à la négation quasi-totale des droits des communautés riveraines.

En 2001, de nouvelles sociétés forestières arrivent à Djoum : la société camerounaise Patrice Bois, à capitaux italiens, qui obtient la gestion de trois Unités Forestières d’Aménagement8 , la société camerounaise SIBM et la SFB (Société Forestière Bondongo) qui obtient les UFA 09-009 et 09-010 (qu’elle exploite encore à l’heure actuelle). Aujourd’hui, la SFID opère uniquement une scierie à Djoum, ses concessions forestières se trouvant dans d’autres régions du Cameroun9.

La mise en place du nouveau cadre réglementaire après 1994 et, parallèlement, la sensibilisation des acheteurs de bois tropical dans les pays occidentaux qui s’est traduite par la mise en place de certifications de filières d’exploitation et de commercialisation semblent avoir permis une diminution certaine du pillage illégal des ressources forestières. La société civile camerounaise, à Djoum comme ailleurs, se montre souvent réservée quant à l’effectivité du respect des normes imposées par la certification, à cause de la corruption et des difficultés de contrôle auxquelles font face les organismes certificateurs indépendants10. Les effets de l’application de la certification sur les relations entre communautés et exploitants forestiers ne peuvent pas encore être mesurés dans l’arrondissement de Djoum, puisque aucune entreprise n’en disposait encore au moment où cette fiche a été rédigée11.

2- Les conflits restent fréquents

Malgré quelques avancées, l’exploitation forestière industrielle dans l’arrondissement de Djoum continue dans de nombreux cas d’être opérée sans que les normes prévues par les plans d’aménagement soient respectées. Les populations locales dénoncent des ouvertures de pistes ayant détruit des cultures vivrières et le fait que la cartographie participative n’ait pas été réalisée avant le démarrage de l’exploitation, tout comme n’ont pas été mises en place les autres formes de consultation préalable des populations.

Même si elles ne sont pas gérées par la société française SFID, la plupart des UFA de l’arrondissement de Djoum sont en contact avec elle et la scierie qui lui appartient. D’une certaine façon, cette société qui a connu dans le passé plusieurs conflits avec les communautés continue d’y avoir une réelle influence.

Des habitants ont dénoncé des dégradations de plantations, cultures et sites sacrés survenues avec la mise en exploitation des UFA et le pillage de leurs ressources. Les conflits causés par l’ouverture des pistes d’exploitation ou par des coupes de bois à proximité des habitations ont souvent donné lieu à une répression violente des communautés12.

a- Une gestion non transparente de la redevance forestière annuelle

Dans l’arrondissement de Djoum, la gestion de la redevance forestière annuelle (RFA) par les autorités municipales comme par les membres des comités de gestion villageois a été l’occasion de nombreux détournements. Cette part de la rente tirée de l’exploitation forestière a été appropriée par quelques individus en charge de la gestion des comités villageois et leurs réseaux d’amis ou alliés. Les autorités municipales ont alors décidé, de façon unilatérale, de dissoudre les Comités de Gestion Villageois et de centraliser à nouveau la gestion des revenus issus de la RFA au nom de la lutte contre ces malversations.

Le bénéfice de la RFA censé bénéficier à l’ensemble des habitants a été très maigre pour la plupart d’entre eux alors que les sommes destinées aux localités auraient permis de subvenir à des dépenses de portée majeure pour tous (par exemple des services de financement des investissements agricoles familiaux, des soins médicaux, de matériel scolaire…). L’utilisation du budget communal dérivé de la RFA semble avoir été très peu transparente à Djoum. Différentes stratégies sont utilisées pour détourner les fonds, que les préfets et les autorités administratives départementales n’ont pas la capacité de contrecarrer faute de moyens pour effectuer des contrôles. La gestion de la RFA dans l’arrondissement de Djoum illustre la faiblesse des résultats de la décentralisation de la gestion forestière. La mise en œuvre des procédures communales est souvent menée autoritairement par un nombre restreint de personnes. La sanction citoyenne politique au moment des élections locales est difficile du fait des pratiques diverses de rétribution qui peuvent rendre les victimes des accaparement des ressources fiscales communes redevables vis-à-vis des responsables. De manière plus générale, les rapports de force demeurent déterminés par des logiques de patronage et du clientélisme13. Les populations, qui partagent souvent une identité clanique forte, sont ainsi poussées à s’unir autour du candidat de leur canton dans l’espoir que ce dernier investira en priorité les revenus publics dans son lieu d’origine. La gestion des ressources forestières collectives est encore loin d’être démocratique.

b- Des usages qui se superposent

La carte ci dessous montre comment la définition de l’espace forestier par le zonage entre en conflit avec les usages que font des ressources les communautés de la moitié nord du canton Fang Centre. Dans deux villages, Essong et Efoulan, environ la moitié des terres sur lesquelles les villageois exerçaient des activités agricoles sont situées dans des UFA.

Superposition du zonage forestier aux usages des ressources forestiers par les communautés, dans la moitié nord du canton Fang Centre (élaboration de Cécile Pinsart, à partir de la carte communautaire d’utilisation des ressources forestières, réalisée par l’ONG américaine Carpe en 2004 sur la base d’un important travail de cartographie participative).

Avec la création d’une forêt communale, de nouveaux enjeux de gouvernance viennent s’ajouter au panorama de cet arrondissement, déjà caractérisé par la présence importante de concessions forestières industrielles. Les droits des populations locales sont à nouveau mis en danger par l’imposition de ce nouveau cadre de gestion de l’espace forestier (voir la fiche C-9).

L’arrondissement de Djoum et son canton Fang en particulier, vont connaître dans les prochaines années une expansion démographique consistante, du fait du goudronnage de la route qui relie la ville de Sangmelima au Congo. L’accroissement démographique va accroître la pression sur les ressources et les conflits avec les autres utilisations de l’espace forestier, en particulier les concessions industrielles. Il sera nécessaire de revoir les limites du Domaine Forestier Permanent, ou de promouvoir la transition vers des systèmes agro-forestiers moins demandeurs en réserves foncières.

 

1De Wasseige et al., Les forets du Bassin du Congo. Etat de forêts 2008, COMIFAC, 2009

2Celle-ci est conduite pour l’essentiel par des compagnies d’origine française, italienne, chinoise, libanaise et néerlandaise. A. Molnar et al., Large scale adquisition of rights on forest lands for tropical timber concessions and commercial wood plantations, RRI, CIRAD, ILC, 2011.

3Elle se traduisait, avant la réforme de 1994, par une tendance à étendre les droits de gestion des entreprises concessionnaires sur les ressources forestières à l’ensemble des ressources naturelles du territoire considéré. A. Karsenty, 2010

4Karsenty, ibidem

5Par exemple, en cas de dégradation de cultures et de plantations par l’activité forestière, la loi prévoit un barème pour la compensation des propriétaires locaux (ses valeurs ont été fixées en 1998, aucune réévaluation n’a été réalisée depuis pour tenir compte de l’évolution des prix des denrées alimentaires). Les producteurs ignorent les valeurs fixées par le barème et acceptent généralement l’offre faite par l’exploitant.

6Décision No 0108/D/MINEF/CAB

7Les conflits concernant la revendication de droits de gestion sur la ressource bois mis en danger dans le cadre des concessions forestières, concerneraient au Cameroun 2 638 communautés (RRI, 2011).

8Les UFA 09-004B COFFA, 09-006 SFF (Société Forestière Fanga) et 09-016 (COFA, à Oveng, Vengan)

9On peut lire sur le site de l’entreprise Rougier que celle-ci est installée au Cameroun depuis 1969 au travers de sa filiale SFID, qu’elle exploite aujourd’hui dans le pays 624 000 ha de forêts pour une production de 220 000 m3 de grumes par an et emploie plus de 1 000 personnes. (www.rougier.fr/fr/rougier-afrique-international/12-sfid-societe-forestiere-et-industrielle-de-doume.html) (consulté en juillet 2013)

10Voir par exemple : La RSE en Afrique : l’arbre qui cache la forêt ? Michel Capron - Forum citoyen pour la RSE. Article Web - 09 avril 2010. hors-série n° 9 de la revue trimestrielle de solidarité internationale Altermondes et Alternatives économiques dont les interrogations portent précisément sur le Groupe Rougier.

11Alors que l’édition de ce document était en cours de finalisation, la Société Rougier a informé la presse le 25 mars 2013 qu’elle avait obtenu le certificat FSC de bonne gestion forestière [FSC-C014550] délivré par Rainforest Alliance pour les UFA 10038, 10056 et 10054 représentant un total de 285 667 hectares de forêts, mais celles-ci ne se trouvent pas dans la région de Djoum. La scierie de la SFID ne dispose que d’une certification TLTV-VLC, par la société SGS, Vérification de la Légalité et Traçabilité du Bois.

12En l’absence de réponse des forestiers à leurs doléances, le seul moyen que les populations locales perçoivent pour faire valoir leurs droits est le blocage des routes. Ces pratiques sont violemment réprimées par la police et l’armée, à qui les exploitants forestiers et les autorités locales font appel pour y mettre fin. Les habitants du village de Mveng ont dénoncé avoir subi des tortures et des humiliations de la part des militaires qui opèrent dans la zone, suite au blocage de la piste qui conduit à une des UFA.

13 D’après George Courade (ed.), L’Afrique des idées reçues, Ed. Belin, Paris 2006