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AGTER a ouvert en 2010-2011 un nouveau chantier consacré à la gouvernance des forêts. C’est un des thèmes importants de la conjoncture actuelle, à l’heure où se multiplient les débats sur l’appropriation et la destruction des ressources naturelles et sur le changement climatique. 2011, qui avait été proclamée par les Nations Unies « année internationale des forêts », s’est terminée avec l’échec de la Conférence de l’ONU sur le climat, à Durban. Les décisions ont été une fois de plus renvoyées à plus tard, à la conférence sur le développement durable « Rio+20 » prévue en juin prochain. Les forêts, et la question épineuse des crédits carbone liés aux mécanismes de REDD (ensemble de programmes en cours de conception visant à contribuer à la Réduction des Émissions de gaz à effet de serre dues à la Déforestation et la Dégradation des forêts) constituent dans les rencontres internationales dédiées au climat, un des principaux terrains de bataille entre défenseurs des populations indigènes et des petits paysans et promoteurs de l’ « investissement étranger ».
Parce qu’ils jouent un rôle fondamental dans les cycles de l’eau et du carbone et de ce fait, dans la régulation du climat, les grands massifs forestiers tropicaux sont au cœur d’enjeux cruciaux pour les équilibres écosystémiques de la planète. La dégradation des forêts et la déforestation, causées principalement par l’exploitation industrielle du bois (souvent pratiquée de manière illégale) et par l’avancée des fronts pionniers agricoles (notamment liés à l’expansion de l’élevage) connaissent aujourd’hui une forte accélération. C’est la manifestation, dans les milieux forestiers, de l’explosion des accaparements de terres à grande échelle qui touchent les territoires fertiles les plus divers de par le monde. Les effets sur les forêts sont les mêmes qu’auparavant, la conversion des forêts en monocultures ou monoplantations pour la production de matières premières requises par l’industrie agroalimentaire et non alimentaire (agrocarburants, hévéa…), mais leur ampleur est démultipliée. Face à cette évolution, les questions liées à la gouvernance des ressources forestières et des terres dont elles sont le support revêtent un caractère vital.
Grâce à l’appui de la Fondation Ford et de la Fondation Charles Léopold Mayer, AGTER a commencé à développer un travail de réflexion collective avec les organisations partenaires de la Coalition Rigths and Ressources Initiative (Initiative pour les Droits et les Ressources) de deux pays, le Guatemala et le Cameroun, en particulier avec le Centre pour le Développement et l’Environnement (CED), Cameroun Écologie (CAMECO), la Coopérative Agro-Forestière de la Trinationale (CAFT), l’Association de foresterie communautaire du Guatemala (UTZ’CHE) et l’Association des Communautés Forestières du Peten (ACOFOP). Il s’agit non seulement de mettre en valeur les travaux et les expériences de ces organisations dans le domaine de la reconnaissance et de la défense des droits des populations qui vivent dans les forêts, mais aussi d’utiliser la comparaison entre les deux pays pour faire émerger de nouvelles idées et analyses.
Un travail de recherche bibliographique approfondi et des échanges avec les partenaires nous ont permis de construire un ensemble pédagogique autour de la gouvernance des ressources forestières, composé d’une série de fiches thématiques ou d’expériences de ces deux pays aux histoires et populations très différentes. On y trouvera des éléments pour analyser les processus d’organisation collective autour de la gestion des ressources forestières au Guatemala et au Cameroun aux différents niveaux (local et national). Comment se sont construites et ont évolué les formes d’organisation collective de la terre et des ressources forestières ? Dans quelles mesures sont-elles reconnues par les cadres politiques en vigueur ? Avec quels résultats sur les pratiques locales ?
Tant au Guatemala qu’au Cameroun les forêts ont longtemps été gérées de façon collective, par des groupes organisés à l’échelle communautaire, qui ont élaboré des systèmes normatifs complexes articulant droits collectifs et droits individuels. Ces systèmes, qui sont particuliers à chaque territoire, ont le plus souvent donné lieu à une gouvernance durable des ressources : l’existence d’intérêts communs à tous et la possibilité de contrôle (et d’imposition de sanctions) offerte par l’appartenance à un groupe restreint ont permis la construction dans la durée de mécanismes de régulation qui ont pu garantir la préservation des ressources.
Les forêts sont aussi le lieu d’interactions d’acteurs aux logiques contradictoires et aux intérêts souvent divergents. Depuis le début de la période coloniale, les ressources forestières et foncières ont été convoitées, concentrées, accaparées par les administrations centrales au détriment des populations locales ; l’accès à la terre au Guatemala et aux ressources ligneuses dans le Sud du Cameroun ont été au cœur de l’accumulation privative de richesses communes et de la construction des relations de pouvoir entre les acteurs. De ce fait, les formes locales d’organisation collective ont été et sont encore aujourd’hui confrontées à des bouleversements majeurs : domination de cadres politiques et juridiques nationaux non protecteurs ou état de non-droit, dominations économiques diverses, perte des cultures traditionnelles et savoirs-faire locaux, disparition d’espèces animales et végétales, augmentation de la pauvreté …
Le travail sur la gouvernance des forêts confirme l’idée, déjà défendue par AGTER dans ses études sur les accaparements fonciers, selon laquelle une plus grande attention devrait être portée aux institutions et aux constructions sociales qui structurent dans les systèmes agroforestiers les rapports des hommes entre eux et avec les ressources. La reconnaissance de ces systèmes et la mise en place de mesures effectives leur permettant d’évoluer sans être irrémédiablement détruits seront le seul moyen de les protéger face aux intérêts économiques particuliers animés par la recherche de profits maxima sur le court terme avec un investissement minimum.
Marta Fraticelli
Chargée d’études, AGTER
DIVERS
La FAO a demandé à AGTER de préparer un des rapports thématiques de son nouveau rapport publié fin 2011 et intitulé « L’état des ressources en terres et en eau pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde. Gérer les systèmes en danger. » (SOLAW, pour le sigle en anglais). Vous trouverez le lien pour télécharger ce rapport, « Points chauds liés au foncier et aux droits sur l’eau » dans ce bulletin.
Vous trouverez aussi dans ce bulletin les premières fiches des Dossiers sur la gouvernance des forêts au Guatemala et au Cameroun. Les dossiers seront complétés au cours des prochaines semaines. Ils seront disponibles en français et en espagnol.
Les articles et vidéos présentés ci dessous en Français, Espagnol et Anglais sont différents d’une langue à une autre.
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