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La terre, une ressource à respecter au même titre que l’eau et l’air
Rédigé par : Robert Levesque
Date de rédaction :
Type de document : Article / document de vulgarisation
Robert Levesque, « Pour une politique foncière durable: La terre, une ressource à respecter au même titre que l’eau et l’air » in Chambres d’agriculture,n°963, mai 2007.
L’usage des sols et donc les politiques foncières se trouvent intimement liés aux grands défis de notre siècle à savoir : la lutte contre le réchauffement climatique, l’alimentation de 9 milliards d’habitants à l’horizon 2050, la satisfaction des besoins énergétiques, le maintien de la biodiversité et de la qualité des ressources naturelles comme l’eau et la satisfaction des besoins en infrastructures et en logements.
Le risque d’emballement du réchauffement climatique est important avant même l’atteinte de l’objectif de Kyoto pour 2050 : 450 ppm de CO² dans l’atmosphère. Plus la hausse de la température est importante, plus les capacités de la planète à absorber le gaz carbonique s’amenuisent, renforçant dans une spirale infernale le processus de réchauffement. Lutter contre le réchauffement climatique revient à obtenir, le plus rapidement possible, un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et leur capture. 7,2 gigatonnes de gaz carbonique ont été émises en 2006 alors que la planète n’en absorbe qu’environ 3. Il ne faut ni attendre 2050 ni atteindre 450 ppm en ce qui concerne le CO².
Les sols jouant un rôle essentiel dans le cycle du carbone, leur gestion est essentielle dans la lutte contre le réchauffement climatique. On estime qu’à l’échelle de la planète, ils stockent trois fois le carbone atmosphérique et quatre fois celui de la biomasse végétale. Or cette capacité de stockage est amoindrie par le réchauffement climatique qui accélère la décomposition de la matière organique dans les sols, par l’extension des terres arables au détriment des forêts et des prairies naturelles et par l’extension urbaine.
Par ailleurs, les besoins en alimentation humaine vont augmenter du fait de l’augmentation de la population et de la nécessité d’améliorer l’alimentation des populations sous et mal nourries : 1,5 milliards d’hectares supplémentaires de terres arables au détriment notamment des forêts amazoniennes et africaines seraient nécessaires. Les besoins en bioénergie notamment pour les carburants pourraient se développer, dans certains scénarii énergétiques, sur plus de 2 milliards d’hectares. La fonction de puits de carbone de la forêt nécessiterait 1 à 2 milliards de forêts supplémentaires. Les besoins de préservation de la biodiversité, de la faune, de la flore, de la qualité de l’eau devraient conduire à préserver des écosystèmes sur des milliards d’hectares. Les biocarburants et autres « biomatériaux » de substitution aux dérivés du pétrole pourraient mobiliser plusieurs centaines de milliers d’hectares.
Par ailleurs, l’urbanisation et les infrastructures pourraient, sur les modalités d’extension urbaines des dernières décennies, s’étendre sur plus de 360 000 hectares d’ici 2050, souvent en concurrence avec les meilleures terres agricoles de la planète.
Dès maintenant, à l’échelle mondiale, l’alimentation, les biocarburants, la biodiversité, la préservation de l’eau et l’urbanisation exercent entre eux une concurrence de plus en plus forte sur un peu moins de 9 milliards d’hectares de sols aptes à supporter des végétaux (1, 5 milliards d’ha de terres arables, 3 milliards d’ha de prairies naturelles et 4 milliards d’ha de forêts). Les besoins supplémentaires cités ci-dessus sont d’une certaine manière les prolongements de nos modes de production et de consommation. Ceux-ci doivent être revus rapidement.
La planète est finie et fragile. La question foncière devient, avec les défis mondiaux à relever, un sujet de préoccupation mondiale. La terre apte à supporter des végétaux pour capter l’énergie solaire et à stocker du carbone s’avère être une ressource rare et non renouvelable à respecter, comme l’eau et l’air. En France et en Europe, il convient de reconstruire la ville sur la ville, de minimiser l’extension urbaine, de la réorienter vers des sols moins intéressants du point de vue agronomique et écologique et de développer des politiques de compensation de potentiels écologiques (réserve utile en eau, critère de drainage, aptitude à accueillir des biotopes).