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Escrito por: Paul Bonhommeau
Fecha de redaccion:
Organizaciones: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER)
Tipo de documento: Artículo / documento de difusión amplia
Bonhommeau, Paul. De l’installation à la transmission. Quelles réorientations de la politique d’installation ? Mai 2007. (Le document est téléchargeable en bas de cette page)
Cet article présente la réflexion d’un agronome et juriste qui connaît très bien les conditions d’application de la politique agricole française, pour en avoir vécu les transformations au cours des dernières décennies en travaillant avec un des principaux syndicats de producteurs, la Confédération Paysanne.
Après avoir souligné l’importance des changements qu’a connu le milieu rural et l’agriculture au cours des dernières décennies, Paul Bonhommeau examine les défis que posent aujourd’hui l’installation de nouveaux agriculteurs et la transmission des unités de production. Les questions qu’il pose constituent un apport intéressant à la réflexion et à la recherche des modifications qui sont aujourd’hui nécessaires aux politiques agricoles qui ont été mises en place après la seconde guerre mondiale en France.
Après plus de 50 ans de modernisation intense de l’agriculture française, l’entrée dans le métier d’agriculteur ne se pose plus dans les mêmes termes qu’au début des années soixante lorsque fut élaborée la politique d’installation des jeunes, outil essentiel d’une politique des structures visant précisément l’amélioration de structures d’exploitation agricole dans un cadre familial. Aujourd’hui, il serait non seulement souhaitable que la politique d’installation soit maintenue mais aussi que ses objectifs soient redéfinis et que des mesures efficaces et justes soient adoptées pour favoriser la transmission entre cédants et repreneurs.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, tout était à reconstruire, il fallait garantir la sécurité alimentaire des populations française et européenne et pour cela moderniser le plus rapidement possible l’agriculture française. Choisissant de s’appuyer sur une jeunesse agricole éprise de progrès et aspirant à la parité sociale, l’Etat français a élaboré une politique d’installation qui, en subventionnant l’acquisition des moyens de production, favorisait l’endettement important des jeunes installés décidés à rompre avec l’ensemble des méthodes traditionnelles de production et d’échanges que pratiquaient leurs parents. La politique de modernisation de l’agriculture – dont fait partie la politique d’installation- peut ainsi être regardée comme un objectif de destruction créatrice animé, telle une révolution silencieuse, par les fils et filles de paysans.
Cette politique a très rapidement et très amplement atteint les objectifs qui lui étaient assignés : augmentation rapide de la taille moyenne des exploitations mais qui restent encore majoritairement de type familial ; rapide montée en puissance de l’agriculture française qui devient structurellement exportatrice dès la fin des années soixante-dix.
Mais aujourd’hui, la politique d’installation fait l’objet de sérieuses critiques :
la part des installations aidées ne fait que décroître depuis le début des années 1980 et ne représente plus qu’à peine le 1/3 du total des installés en 2005 ; en outre, plus de la moitié des terres libérées par les départs à la retraite vont à l’agrandissement des exploitations, le plus souvent les plus grandes,
le renouvellement d’une agriculture de type familial n’est plus assuré par les fils et filles des paysans aujourd’hui en activité. Or, les installations « Hors cadre Familial », quoiqu’en progression depuis un peu plus de 10 ans, restent trop faibles ; elles sont plutôt mal accueillies par la profession et surtout les dispositifs d’aides actuellement proposés ne visent pas à compenser leurs handicaps spécifiques par rapport aux installations en reprise familiale,
enfin, la politique d’installation continue de favoriser les méthodes de productions intensives et l’intensité capitalistique des exploitations ; elle ne prend pas suffisamment en compte les nouvelles attentes sociétales envers l’agriculture et l’espace rural : qualité des produits, préoccupations environnementales, vitalité socio-économique des territoires, …
Il faut également prendre en compte les profonds changements de l’agriculture française : importante régression démographique (à peine 3 % de la population active), si bien que l’exode rural n’est plus un enjeu ni social ni économique ; intégration des paysans aux modes de vie et de consommation de type urbain (être paysan n’est plus un état mais un métier choisi parmi d’autres, …) ; grande diversité des méthodes et systèmes de production, si bien qu’il n’y a plus de modèle unique de modernisation à promouvoir.
Mais surtout, quels que soient leur taille ou leur système de production, le contenu de la plupart des exploitations a profondément changé du fait de leur insertion dans les échanges marchands : celles-ci sont passées d’une « exploitation-foncier » à une « exploitation-activité » faite de biens corporels (équipement, installations, cheptel, …) et incorporels (droits à produire, droits à aides, contrats, clientèle, …). Et se pose désormais la question de la transmission de ces exploitations, c’est-à-dire la rencontre de 2 volontés aux intérêts contradictoires, celle du cédant et celle du repreneur : une situation qui n’était envisagée dans les années 1960 qu’à travers la cession du foncier, par héritage en cas de propriété ou par cession familiale du bail en cas de fermage ; une cession imposée au bailleur comme prévu par la loi sur le fermage adoptée en 1947.
La politique d’installation est à la croisée des chemins. Maintenue dans les objectifs et les modalités adoptés il y a près de 50 ans, elle risque de perdre toute légitimité et, en outre, favoriser désormais ce qu’elle prétendait freiner, à savoir la généralisation de grosses exploitations, des PME d’origine agricole employant plusieurs salariés et dont la transmission se fera par cessions de parts sociales ou d’actions de sociétés, …
Pour maintenir durablement le modèle d’exploitation de type familial, y compris de plus en plus diversifié, il est donc nécessaire de réorienter la politique des structures et d’intervenir notamment sur les domaines suivants :
réorienter les aides à l’installation en faveur des systèmes d’agriculture multifonctionnelle (qualité des produits, préoccupations environnementales, valeur ajoutée, …) et en faveur des candidats dits « Hors Cadre Familial » afin de compenser, au moins partiellement, les « avantages » indirects dont bénéficient les reprises familiales (solidarités familiales, salaire différé, …)
permettre la cession en bloc de l’exploitation entre cédant et repreneur de manière à privilégier la valeur économique de l’outil plutôt que sa valeur spéculative. Cette faculté suppose également une révision du statut du fermage (cessibilité du bail en faveur du candidat Hors cadre familial). La récente loi d’orientation agricole (janvier 2006) a créé dans cet objectif le fonds agricole et un bail cessible dérogatoire du bail-type du statut du fermage, mais les modalités de ce dernier vont à l’encontre de l’objectif affiché,
réorienter vers les mêmes objectifs la politique foncière (contrôle des structures, interventions de la SAFER sur le marché foncier agricole, …).