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sobre la gobernanza de los recursos naturales en el mundo

FRANCE. « Approche socialiste du problème foncier ». Les propositions du Parti Socialiste, six ans avant son arrivée au pouvoir en 1981.

Un texte du Comité Directeur du Parti Socialiste, Mai 1975.

Escrito por: Comité Directeur du Parti Socialiste. (introduction Michel Merlet)

Fecha de redaccion:

Organizaciones: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER)

Tipo de documento: Artículo / documento de difusión amplia

Resumen

Nous reprenons dans cette fiche le texte d’un document adopté en Mai 1975 par le Comité directeur du parti socialiste français, intitulé « Approche socialiste du problème foncier ».

On y lit que « Le sol ne saurait (…) être considéré comme un bien marchand parmi les autres », qu’il est « inacceptable qu’il y ait appropriation privée des valeurs résultant de l’aménagement, lui-même financé par l’impôt » qu’il est « nécessaire que soit reconnu et progressivement instauré le droit éminent de la collectivité sur l’ensemble de son territoire ». Toutes ces affirmations sont d’une actualité étonnante : elles sont au cœur des questions que se posent nos sociétés, en France et dans le monde.

La solution proposée, la mise en place des « offices fonciers » est seulement ébauchée dans ce texte. Elle sera développée quelques années plus tard par Edgard Pisani, ancien ministre de l’Agriculture sous le gouvernement du Général De Gaulle et principal artisan de la mise en place des lois d’orientation agricole des années 60, dans son ouvrage Utopie foncière (voir la fiche correspondante) et par une partie des mouvements paysans de l’époque (voir la fiche sur la Société Civile des Terres du Larzac).

En 1981, la gauche arrive au pouvoir en France. La mise en place des « offices fonciers » fait partie du Programme Commun de gouvernement. Les gouvernements socialistes successifs sous la présidence de François Mitterrand renonceront finalement à mettre en œuvre cette politique foncière audacieuse et novatrice.

Les analyses et les propositions de ce texte étonnent par leur pertinence et leur radicalité. Les politiques qui étaient alors proposées auraient certainement demandé à être affinées et ne pourraient sans doute pas être reprises telles quelles aujourd’hui. Leur adoption en l’état s’est avéré impossible compte tenu des rapports de force existant dans les années 80.

On cherche en vain dans le programme des principaux partis qui se sont affrontés lors des élections présidentielles de 2012 des réponses aux problèmes qui se posent toujours aujourd’hui, et avec de plus en plus d’acuité, autour de l’évolution des structures agricoles et des rapports au foncier rural.

Ce texte n’est donc pas seulement une curiosité historique. Il constitue une invitation à réfléchir ensemble, quelles que soient nos positions politiques, au nouveau contrat social qu’il convient de mettre en place entre les différents acteurs autour du développement rural et agricole en ce début de XXIe siècle.

Michel Merlet

Approche socialiste du problème foncier

Comité directeur du parti socialiste Mai 1975

La propriété définie par le Code civil correspondait à une certaine situation historique, à un certain état de l’économie et de la société française, urbaine et rurale. Elle était destinée à symboliser et à consacrer la victoire de la bourgeoisie, à installer définitivement une architecture sociale où l’avoir entraîne le pouvoir. Elle dérivait en droite ligne de l’esprit de ce décret du 18 mars 1793, l’an II de la République française : « La Convention nationale décrète la peine de mort contre quiconque proposera une loi agraire ou toute autre subversive des propriétés territoriales, commerciales et industrielles. »

La propriété du Code civil a été l’un des instruments du développement dont notre pays, parmi d’autres, a été l’acteur et le bénéficiaire. Elle a été et elle demeure l’une des valeurs fondamentales, peut-être la plus significative de notre civilisation. Elle l’a tout entière imprégnée. L’acte de mariage, le diplôme, sont devenus titres de propriété ; la circonscription électorale, fief ; les métiers sont devenus corporations hostiles à tout nouveau venu ; le médecin, le commerçant en sont arrivés à acheter, à posséder leur clientèle ; les fonctionnaires, les enseignants sont détenteurs de leurs grades et, souvent, de leurs fonctions ; hier encore les parents prétendaient disposer de leurs enfants comme d’un bien. Ainsi s’est développée une société plus riche et plus inhumaine, pouvoirs établis et droit de propriété se portent mutuel appui.

La propriété s’est diffusée et les propriétaires sont légion car la terre est à la fois pour chacun un bien négociable, un refuge inviolable et une dignité sociale. Une sensibilité s’est créée mobilisant toute la nation pour la défense d’un droit que chacun, d’instinct, considère comme élémentaire et essentiel.

Et pourtant, au moment même de son triomphe, la propriété a vu naître, a fait naître, des réalités et des forces qui lui sont étrangères ou contraires. L’industrialisation met en cause la valeur relative de l’immeuble et du meuble, du bâtiment et de la ma-chine ; l’urbanisation impose des charges et des servitudes qui changent profondément le rôle de la collectivité publique et ses rapports avec les propriétaires ; il n’est pas jusqu’à la propriété foncière rurale qui ne se trouve bouleversée par les travaux d’aménagement, par les exigences de l’environnement et par l’accroissement du capital d’exploitation comme aussi par la capacité qu’a aujourd’hui un exploitant averti de faire produire, la technique aidant, les terres les plus pauvres : de plus en plus, le sol n’est que le support de cycles productifs qui ne font pas appel à ses ressources naturelles.

Pressé par la nécessité, le législateur a tenté de faire face à ces évolutions qu’il ne pouvait nier et dont il ne pouvait nier les conséquences. Mais il a prétendu le faire sans jamais mettre en cause les principes philosophiques, moraux, politiques et juridiques qui fondent le mythe de la propriété en même temps que le « pouvoir » des possédants. Le droit de propriété a été torturé, amputé, défiguré, emprisonné par mille lois dont chacune a prétendu venir à bout des contradictions qui éclataient entre un droit maintenu et une société en mouvement. Le législateur, le gouvernement se sont constamment préoccupés de ne pas aller trop loin, ils ne sont jamais allés assez loin et la législation foncière est devenue un maquis inextricable, constamment épaissi pour le plus grand profit des professionnels du foncier et pour la plus grande satisfaction des spécialistes. La préoccupation de la classe possédante a été de céder aux nécessités - pourvu que ne soit jamais mis en cause en son principe le droit de propriété, pilier de notre société.

Le texte déposé par le gouvernement, le 25 avril 1975, est fidèle à cette attitude et souligne par sa dérisoire audace des contradictions qui s’accusent désormais entre les exigences de notre société et les définitions d’un droit que l’on a défiguré plus qu’on ne l’a fait évoluer. Ainsi notre législation est-elle en retard sur les pays d’économie libérale avancée qui, comme les États-Unis, la République fédérale d’Allemagne, la Confédération Helvétique et tant d’autres, ont mis en place des mécanismes frappant les enrichissements sans cause et les situations sans risque. Le statut réel de la propriété tel qu’il est effectivement vécu par les responsables de l’aménagement de notre territoire, de nos villes et de nos campagnes, est celui d’un pays sous-développé.

En fait, la propriété du sol, pour la défense de laquelle quelques professionnels avides mobilisent l’opinion tout entière, ne comporte plus aucune garantie réelle : les cas d’expropriation pour cause d’utilité publique se sont multipliés sans limite réelle ; les diverses zones d’aménagement foncier sont venues altérer le marché sur la plupart des points sensibles du territoire urbain et périurbain ; le droit de construire a été limité, fiscalisé ; dans le domaine rural, le statut du fermage a limité la liber-té du bailleur ; les Safer sont intervenues comme des opérateurs majeurs, modifiant les rapports entre vendeurs et acheteurs, le droit de préemption bouleversant le jeu du marché, alors que depuis longtemps les opérations de remembrement et de législation sur les associations syndicales de propriétaires ont porté atteinte à la définition originelle du droit de posséder.

Les socialistes ne contesteront ces évolutions du droit de propriété que pour les trouver trop timides et trop tardives, que pour souligner les contradictions et les incohérences d’un système juridique qui ne donne satisfaction ni à la collectivité ni aux individus et qui finit par ne jouer qu’au profit d’un nombre limité d’opérateurs professionnels qui, in-formés du droit et des intentions de la collectivité, spéculent à leur seul profit. Les socialistes affirment la nécessité où se trouve la France de repenser dans leur ensemble les rapports de la collectivité, des individus et du sol dans le cadre d’un système cohérent, répondant aux principes et objectifs suivants :

  • L’espace, la maîtrise de l’espace sont, dans le « règne » humain aussi bien que dans le règne végétal et le règne animal, un élément biologique essentiel. Le sol ne saurait donc être considéré comme un bien marchand parmi les autres.

  • Le fractionnement de l’espace en parcelles rend de moins en moins compte de la complémentarité et de l’interpénétration des espaces humains. C’est en fait au niveau des paysages, des villes et des villages, des systèmes d’infrastructure, des espaces économiques que s’apprécie de plus en plus, que se crée la valeur des sols. Les promoteurs le savent qui vendent, leur publicité en fait foi, échangeurs d’autoroutes, vue sur la mer ou château de Versailles, plus encore qu’ils ne vendent l’immeuble qu’ils ont construit. La parcelle ne saurait être une entité spécifique que la propriété isole du reste de l’espace dont elle tire son sens et sa valeur. Elle doit lui être ouverte. Elle doit s’intégrer à lui, non plus seulement géographiquement, mais juridiquement.

Le rapport espace urbain (sol support) espace rural (sol actif) doit s’apprécier désormais en termes de complémentarité et de continuité. Rien ne justifie que des traitements juridiques différents demeurent.

L’aménagement de l’espace - œuvre publique et devoir public - (aménagement technique, commodité ; aménagement architectural, esthétique ; aménagement écologique, biologique) organise les rap-ports « espace rural espace urbain », ainsi que les rapports homme - collectivité - sol - paysage. Il détermine en fait la valeur des sols. Il est donc inacceptable qu’il y ait appropriation privée des valeurs résultant de l’aménagement, lui-même financé par l’impôt.

De même, il est inacceptable - objectivement et politiquement - pour la collectivité comme pour les individus - que les règles juridiques soient telles que les interventions de la collectivité en matière foncière apparaissent comme des violations du droit, comme des atteintes insupportables. Il est nécessaire que soit reconnu et progressivement instauré le droit éminent de la collectivité sur l’en-semble de son territoire, c’est-à-dire sur l’ensemble des parcelles le composant.

L’établissement par la loi de ce droit éminent confère à la collectivité la faculté et le devoir d’acquérir - par droit de préemption -la totalité des biens fonciers librement mis en vente. Il consacre la faculté qu’elle a d’acquérir par expropriation lorsque l’urgence ou la nécessité l’imposent. L’étude des transactions foncières indique que pratiquée suivant ces règles l’appropriation collective de l’ensemble des terres s’étendra sur la durée de deux générations. Sur cette durée la mobilisation des moyens financiers nécessaire à l’acquisition des sols ne représente pas une charge incompatible avec la ressource nationale et l’équilibre des finances publiques.

Les biens acquis par la collectivité sont, sauf s’ils lui sont directement utiles, concédés aux utilisateurs divers dans le cadre d’un contrat de durée déterminée et comportant des obligations réciproques.

La durée des concessions qui en principe et sauf exception ne saurait être supérieure à 90 ans ni inférieure à 60, tiendra compte aussi bien de la situation des parcelles et de leur intérêt urbanistique que de l’usage auquel le preneur destine la parcelle à lui concédée. Seules pourront faire l’objet d’une concession sans limitation de durée les parcelles affectées à la construction de maisons familiales, la concession expirant de plein droit dès lors qu’elle cesserait d’être transmise par héritage en ligne directe.

La concession donne lieu au versement d’une redevance que la collectivité affecte à l’amortissement de sa dette foncière et à des tâches d’aménagement technique, esthétique et écologique.

Ces orientations viennent confirmer et amplifier le contenu des diverses propositions de loi dont les parlementaires socialistes ont pris l’initiative au cours des récentes années. Seules leur adoption et leur mise en œuvre sont capables de mettre un terme à l’inacceptable conflit qui existe et s’amplifie entre le droit de propriété et l’aménagement du cadre de vie. Seules elles peuvent mettre un terme à la spéculation qui scandalise légitimement l’opinion.

Au demeurant, les mécanismes proposés excluent l’expropriation systématique puisque les acquisitions par la collectivité se font à l’occasion de ventes volontaires ; ils concèdent à la propriété familiale la permanence dont elle a besoin ; ils confèrent à la collectivité la responsabilité du cadre de vie et les moyens juridiques d’assumer cette responsabilité. Le contrat qui sert de base au droit d’usage exclut l’abus de jouissance mais il garantit l’usage respectueux des règles.

La collectivité publique, propriétaire éminente du sol, est la commune. Il va de soi que cette nouvelle définition des tâches des collectivités communales implique une nouvelle définition du système communal.

La nouvelle définition du système foncier est la condition nécessaire d’une politique satisfaisante d’aménagement rural et urbain. Mais elle n’en est pas la condition suffisante : un bon urbanisme, un bon aménagement rural supposent prise de conscience, étude, système décisionnel participatif, priorité donnée aux équipements publics, nouvelle conception des pouvoirs et de la société.

Il y a cohérence entre droit de propriété figé et société bloquée. Nous socialistes voulons créer une cohérence nouvelle entre société libre et responsable et maîtrise du sol et de l’environnement.

Cette fiche fait partie d’un dossier thématique élaboré par AGTER qui présente les mesures les plus significatives et les instruments originaux conçus dans le cadre de la politique foncière rurale appliquée en France après 1945, ainsi que ses acteurs les plus emblématiques.

Ce dossier est le fruit du travail bénévole de membres d’AGTER ou de personnes proches de l’Association, qui bénéficie de l’appui de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH).

Sommaire du dossier : Politique foncière agricole en France

Bibliografía

Edgard Pisani, Utopie Foncière. L’espace pour l’homme. Ed. Gallimard, 1977. Annexe p.209-213