Título, subtítulo, autores. Búsqueda en www.agter.org y en www.agter.asso.fr
Búsqueda en texto completo con Google
Escrito por: Gwenaëlle Mertz
Fecha de redaccion:
Organizaciones: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER), Institut d’étude du développement économique et social (IEDES), Université Paris1 Panthéon Sorbonne
Tipo de documento: Artículo / documento de difusión amplia
Entretien avec Jean-François Réveillac.
Créée en 2006 à l’initiative de l’Association Terre de Liens, La Foncière Terre de liens est un outil d’investissement solidaire d’envergure nationale en faveur d’une gestion sociale et écologique du foncier rural, impliquant une orientation des usages par les citoyens. La Foncière permet de collecter de l’épargne citoyenne et d’acquérir des terres pour installer ou maintenir des agriculteurs ou autres porteurs de projets agri-ruraux respectant la charte de l’association Terre de liens.
Cette fiche présente l’expérience d’un éleveur ovin viande et caprin sur le Causse de Gramat à Livernon (46), qui a fait appel à la Foncière-Terre de Liens pour acheter son outil de travail : la terre, 167 ha, dont 35 ha labourables. L’acquisition s’élève à 384.000 €, dont 20 % constitue l’apport des fermiers (anciens et jeunes), 58 % ont été obtenus par une collecte locale (500 personnes), et 22 % récoltés par la Foncière.
1. L’exploitant
Jean-François Réveillac est issu d’une famille d’agriculteur de Livernon. Après son BTSA 1, il est engagé comme conseiller agricole en Auvergne, métier qu’il pratique pendant 3 ou 4 ans, en attendant de trouver des terres, l’exploitation familiale n’étant pas disponible.
C’est par son père, resté au village qu’il apprend qu’une ferme voisine est disponible à la location après le départ en retraite des propriétaires. Ils sont 6 ou 7 candidats. Ce qui joue en sa faveur est d’une part la relation d’amitié qui lie son père aux propriétaires, mais aussi le fait qu’il veuille occuper la maison de l’exploitation que les propriétaires avaient libéré exprès. Les autres candidats avaient déjà une maison et ne voulaient que les terres.
Il loue cette ferme pendant 25 ans jusqu’à ce qu’à la mort des propriétaires. Leur neveu, agriculteur au village, hérite de la ferme.
2. Les origines du projet
Celui-ci ne veut pas s’agrandir ni continuer à louer mais vendre pour disposer d’un capital, considérant que la ferme n’était pas rentable au vu des évolutions de l’agriculture. Un acheteur potentiel vient visiter la Terre, sans que le fermier soit au courant de cette décision de mise en vente. Il n’est pas agriculteur et ne souhaite pas nécessairement garder un fermier sur le domaine d’autant plus qu’il souhaiterait habiter dans la maison du fermier.
Jean-François Réveillac, qui dispose du droit de préemption en tant que fermier, n’a pas les financements nécessaires pour racheter la ferme. Le fermier hésite alors entre lâcher prise car le métier commence à devenir difficile ou bien lutter pour tenter de rester à la Terre.
3. Le projet « Vivre sur les Causses »
Nous sommes alors fin 2003. L’association « Vivre sur les Causses » est créée pour permettre de récolter de l’épargne publique. Le but est de pouvoir racheter l’exploitation collectivement. Jean-François Réveillac ne dispose pas du capital et les banques ne veulent pas lui octroyer un emprunt si important (environ 300.000 euros, montant qui a évolué au cours du temps) compte tenu de la rentabilité escomptée.
Le projet est en effet considéré par les professionnels comme atypique. Il dispose d’un petit troupeau, est en biologique, veut créer son propre atelier de transformation et vendre ses produits lui-même (vente directe). Pour la majeure partie de la profession, dans les chambres d’agricultures et parfois dans les SAFER ce projet n’est pas rentable.
D’autant plus que le paysan cherche des associés, notamment pour la transformation et la commercialisation car il est proche de la retraite et voudrait que la transmission future soit simplifiée. Aucune aide ne sera trouvée à la chambre d’agriculture, ni à l’ADASEA, pas plus que du côté de la SAFALT (la SAFER locale : Société d’Aménagement Foncier de l’Aveyron, du Lot, et du Tarn).
En effet, le droit donne la priorité au droit de préemption du fermier sur celui de la SAFER. C’est donc à lui d’acheter. Et même si lui ne peut pas, la SAFER ne pourra acheter à sa place, car elle aussi, lorsqu’elle préempte sur un bien doit pouvoir prouver qu’elle va revendre à quelqu’un qui en a les moyens. Ce n’est évidemment pas le cas de Jean-François, sinon, il aurait acheté. Les acteurs institutionnels classiques ne peuvent donc pas l’aider.
4. Les soutiens
Ce sont la Confédération Paysanne, Terre de Liens et le réseau Bio qui vont le soutenir.
Des associés (un couple plus jeune) sont trouvés et le réseau Bio permet de mobiliser des citoyens pour qui il paraît important de soutenir l’agriculture biologique face à d’autres usages. De plus, les causses lotois (comme les autres) subissent depuis les années 1960 un exode rural fort, donc la perte de population et d’agriculteurs pour entretenir l’espace. Les terres et bâtiments sont souvent rachetés par des citadins comme résidence secondaire ou pour en faire des chasses privées. Cette privatisation de l’espace (clôtures, grillages) est motif de mécontentements dans la région.
D’autre part, l’exploitation est sur la zone du Parc Naturel Régional des Causses du Quercy, ce qui suscite des contraintes et une attention soutenue sur les variables environnementales locales. L’exploitation de Jean-François n’a pas de problème à les respecter par son choix de l’agriculture biologique. L’exploitation concourt également à l’entretien de l’espace, ce qui est un enjeu majeur pour le Parc qui subit la déprise agricole. La vente de l’exploitation à quelqu’un qui ne jouerait pas ce rôle contribuerait encore à ce phénomène au lieu de l’endiguer.
5. Rebondissements et finalement, achat de la terre par La Foncière
L’association s’active pour trouver des fonds mais même si la mobilisation est forte, elle n’est pas suffisante pour couvrir la totalité du prix de l’exploitation. Elle se prépare tout de même à créer une Société Civile Immobilière (SCI) dont les statuts encadreront le fonctionnement et la gestion de la propriété collective. Un travail juridique minutieux est nécessaire afin d’élaborer des statuts qui permettent une gestion souple mais solide, tout en tenant compte du nombre élevé de petits apporteurs et des coûts que cela engendre. Ce travail dure 3 ans. La SCI ne sera finalement pas créée car La Foncière, conçue pendant le processus, deviendra propriétaire de la Terre.
Pendant ce temps, sur les conseils de juristes, une procédure judiciaire de demande de préemption avec révision des prix est lancée en 2005. Celle-ci prend du temps. Ce n’est qu’en 2008 qu’elle se termine. L’association perd, le prix, au lieu d’être baissé, augmente, dans un contexte de forte inflation du prix de la terre et du bâti dans le département.
Malgré ce revers, l’association a pu gagner du temps et La Foncière est créée fin 2006. Celle-ci accepte d’apporter 50 000 euros pour compléter la somme déjà récoltée qui lui est reversée. L’achat de la propriété est finalisé par la Foncière en janvier 2009.
6. Le bilan
Il ne s’agit encore que d’un bilan provisoire, l’installation étant trop récente pour pouvoir tirer des conclusions définitives.
L’enjeu de ce type d’initiatives est d’une part de permettre à des personnes qui se trouvent exclues des dispositifs classiques de soutien (conseil et financier) de voir leurs projets considérés, et non rejetés d’office.
Surtout, des personnes n’ayant pas la possibilité d’emprunter pour acheter leur outil de travail lorsqu’il est mis en vente, sont déchargées de ce poids du foncier. Elles évitent un endettement important, sans commune mesure avec la rentabilité escomptée de l’exploitation et bloquant tout investissement productif. On leur offre la sécurité sur le droit d’usage de leur terre à la condition de mettre en œuvre une agriculture respectueuse de l’environnement, locale et créatrice de lien social, d’emploi, etc.
1Brevet de Technicien Supérieur Agricole, diplôme de niveau bac+2.