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Escrito por: Koffi Alinon
Fecha de redaccion:
Organizaciones: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER), LandNet West Africa, Le Hub Rural - Appui au développement rural en Afrique de l’Ouest et du Centre (Le Hub Rural), Groupe de Recherche et d’Action sur le Foncier (GRAF), Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), Comité technique « Foncier et développement » (CTFD)
Tipo de documento: Artículo / documento de difusión amplia
Les conflits portant sur la gestion des ressources naturelles et sur le foncier en particulier tendent à s’aggraver de plus en plus. Le système judiciaire en principe chargé de régler les conflits fonciers se révèle incapable de trouver des solutions efficaces dans le contexte caractéristique des pays africains, où des législations nationales et des coutumes se côtoient. Les mécanismes alternatifs de gestion des conflits fonciers ne constituent-ils pas la réponse appropriée à explorer par les États ?
La gestion du foncier est complexe et délicate surtout, dans les contextes des pays subsahariens où les législations étatiques coexistent de fait avec des coutumes encore vivaces. L’expression la plus flagrante de cette réalité apparaît dans les conflits qui opposent entre eux les différents usagers des ressources naturelles.
Les États africains ont réservé l’exclusivité du pouvoir de règlement des conflits fonciers à l’autorité judiciaire. En conséquence, lorsqu’un différend foncier vient à naître entre deux ou plusieurs personnes, le juge tranche dit-on, en disant le droit, c’est-à-dire en appliquant uniquement la loi.
La pratique montre cependant que cette approche judiciaire du règlement des conflits fonciers n’est pas toujours efficace. Non seulement ce n’est pas à la loi que les parties se réfèrent pour se justifier, mais encore le juge n’est pas l’autorité à laquelle elles recourent spontanément pour régler leur différend. De plus, de nombreuses informations montrent que même en cas d’intervention du juge, la décision judiciaire qui en découle n’est pas effectivement mis en œuvre pour des raisons diverses.
La présente fiche suggère qu’en mi- lieu rural les efforts de règlement des différends fonciers à travers les mécanismes de gestion alternative des conflits sont généralement plus efficaces que l’approche judiciaire.
Multiplicité et diversité des conflits fonciers
Selon la FAO, le conflit foncier est un « différend relatif à des terres qui se manifeste lorsque des intérêts individuels ou collectifs sont divergents […]. Le différend s’explique autant par la dynamique générale des rapports de voisinage que par des problèmes fonciers concrets». Les conflits fonciers diffèrent par conséquent les uns des autres et présentent des intensités variables selon les acteurs concernés, la nature des intérêts en cause, ou encore les périodes et les lieux où ils éclatent. Les conflits préoccupent de plus en plus l’ensemble des acteurs du foncier en Afrique de l’Ouest, car ils ont tendance à augmenter et à être de plus en plus graves, provoquant quelquefois des destructions de biens et des pertes en vies humaines.
La typologie la plus communément utilisée s’appuie sur les types d’acteurs impliqués : conflits agriculteurs/éleveurs ; conflits entre éleveurs ; conflits fonciers impliquant les pêcheurs ; conflits autochtones/migrants; conflits intrafamiliaux ; conflits intercommunautaires; conflits opposant État et populations. Une analyse de ces différents types de conflits indique que derrière ces confrontations d’acteurs se trouvent en fait des enjeux économiques, politiques et sociaux majeurs ayant pour terrain d’expression la scène foncière.
Ainsi, des objectifs différents d’utilisation d’un même espace apparaissent comme un facteur conflictuel important, traduisant la lutte entre des systèmes productifs différents pour survivre dans un environnement caractérisé par la rareté des ressources. Ces situations conflictuelles sont aggravées lorsque la mobilité des populations locales (agriculteurs, éleveurs ou pêcheurs) confère une dimension ethnique à la lutte pour l’accès aux ressources. D’autres facteurs d’aggravation des tensions locales autour du foncier sont liés aux évolutions écologiques, économiques, démographiques et sociales. Enfin, le contrôle des espaces comporte de très importants enjeux locaux. On observe des luttes pour détenir ce pouvoir de contrôle des territoires entre des chefs locaux ou des communautés locales.
Le règlement « formel » des conflits et ses limites
En application des Constitutions en vigueur dans l’ensemble des États ouest-africains, ce sont les cours et tribunaux qui sont les institutions chargées d’assurer le règlement des conflits fonciers. Le juge a le pouvoir légal d’imposer aux parties en conflit la solution qui résulte de l’application des législations foncières en vigueur. Théoriquement, le règlement judiciaire des conflits fonciers présente de nombreux avantages: procédures impartiales; application d’une règle de droit clairement et préalablement établie et d’une sanction clairement définie; professionnalisme des juges.
Cependant, on reproche aux instances judiciaires l’application de règles uniformes et donc rarement adaptées à la diversité des réalités locales. Un procès judiciaire aboutit forcément à un « perdant » et un « gagnant », ce qui est difficilement accepté dans les communautés rurales ouest-africaines. Le caractère impartial de la procédure est aussi sujet à caution au vu de la corruption souvent dénoncée du personnel judiciaire.
En fin de compte, les cours et tribunaux sont engorgés de dossiers de conflits fonciers, trahissant la faible efficacité du système judiciaire. À cela, il faut ajouter une justice inaccessible pour les pauvres, en raison des coûts élevés des procédures, des lenteurs administratives et de la faible couverture judiciaire du territoire national. Lorsque les parties ont malgré tout pu surmonter les obstacles procéduraux et de coûts pour soumettre leur différend à l’appréciation du juge, les décisions rendues par ce dernier sont in- comprises et correspondent rarement aux attentes des citoyens.
Ce sont de tels constats ainsi que le besoin d’améliorer la situation de sécu- risation foncière des acteurs ruraux en général qui ont conduit à s’intéresser de plus en plus aux mécanismes alter- natifs de gestion des conflits fonciers.
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La gestion alternative des conflits : définition
La FAO définit les méthodes alternatives de gestion des conflits comme des processus de recherche d’un consensus en vue de résoudre des conflits. Ces méthodes ont été conçues pour éviter les insuffisances précédemment constatées au niveau du système judiciaire. En effet, elles cherchent à gérer le conflit en se basant sur les intérêts communs et en recherchant des points de convergence. Elles sont d’un accès aisé et d’un coût réduit, en rapport avec les ressources réelles des populations rurales. De telles approches alternatives de gestion des conflits sont particulièrement adaptées à des contextes ruraux où ce qui importe le plus, c’est moins de déterminer qui a raison que de préserver l’intérêt général et la solidarité locale, tout en sauvegardant l’honneur de tous.
Principales méthodes de gestion alternative des conflits
Diverses méthodes sont mises en œuvre dans le cadre de la gestion alternative des conflits. Les principales, exposées ci-après, rendent compte de ce qui est pratiqué sur le terrain.
La négociation: le principe de base des négociations consensuelles est que les parties prenantes jouent le rôle majeur: elles identifient elles-mêmes leurs besoins et leurs intérêts, et s’entendent pour trouver des solutions avantageuses pour tous. La négociation nécessite un degré de collaboration élevé et repose sur l’hypothèse que les parties ont la bonne volonté nécessaire pour communiquer tout au long du processus. La négociation permet d’aboutir à des règlements qui peuvent être plus satisfaisants et plus facilement applicables, du fait que les parties en conflit élaborent elles-mêmes leurs solutions.
La médiation: dans la médiation, les parties interviennent également elles-mêmes, mais bénéficient des services de facilitation d’une tierce personne appelée médiateur. La médiation est un processus de concertation volontaire entre parties en conflit, géré par un ou plusieurs tiers indépendants qui facilitent la communication et tentent de conduire les parties à trouver elles-mêmes une solution. Le succès d’une telle méthode suppose l’adhésion des parties à un ensemble de valeurs communes, qui font qu’il est raisonnable de s’attendre à un respect de l’accord par les parties.
La résolution du conflit devra garantir le rétablissement des relations interpersonnelles et préserver la « bonne réputation », ou l’image, des parties prenantes. En effet, la nécessité de ne pas « perdre la face » est primordiale pour les parties en conflits comme cela a été démontré par plusieurs études.
La conciliation: il y a ici aussi une tierce personne qui intervient, le conciliateur. Cette méthode de gestion alternative des conflits consiste pour le conciliateur à rapprocher les positions au départ divergentes des parties en conflit. La différence principale avec la médiation est que le conciliateur fait des propositions pour trouver la solution au problème, qui pourra ensuite être consignée par écrit.
Les caractéristiques des méthodes de gestion alternative de conflits et leurs différences avec les approches formelles sont rappelées dans l’encadré ci-dessus. Elles se basent toutes les trois sur un principe fort: la recherche de solutions gagnant-gagnant, de solutions qui tiennent compte des intérêts de tous les acteurs en conflit, de solutions où aucun des acteurs en conflit ne va s’estimer être désavantagé dans la solution retenue. C’est en premier lieu ce qui les oppose aux arbitrages et aux décisions des cours et tribunaux.
Limites des mécanismes alternatifs de gestion des conflits
Il y a des similitudes entre les méthodes décrites ci-dessus et la gestion coutumière des conflits telle qu’elle est pratiquée depuis longtemps par les communautés et leurs leaders. Ces formes coutumières ont longtemps été efficaces parce que les populations se «retrouvaient» en elles et surtout parce que les autorités traditionnelles disposaient d’une capacité à faire appliquer les décisions. L’environnement administratif et institutionnel local dans bon nombre de nos pays a toutefois connu des changements significatifs, notamment sous l’influence de la décentralisation et avec l’émergence de nouveaux types d’acteurs qui ont affaibli les autorités traditionnelles.
Il paraît plus pertinent d’institutionnaliser le règlement coutumier dans la procédure juridique nationale sous forme par exemple d’étape préalable obligatoire à laquelle les parties en conflits devraient avoir recours avant de saisir le juge, comme c’est le cas au Niger, et dans une moindre mesure au Burkina Faso. Une telle option nécessite un contrôle des institutions coutumières concernées afin d’éviter les cas d’abus souvent relevés.
Un reproche souvent fait à la gestion alternative de conflits est qu’elle n’arrive pas à résoudre tous les types de conflits fonciers, notamment ceux opposant des parties dont le pouvoir et l’influence sont trop dissemblables. Il en est de même pour les inégalités structurelles et les injustices trop criardes vis-à-vis des groupes défavorisés qui ne peuvent être réglées qu’à travers des réformes plus profondes de nature politique ou législative. Enfin le caractère non contraignant des méthodes alternatives de gestion des conflits peut aboutir à rendre les solutions obtenues peu durables à long terme (risque de « rebondissement »).
Conclusion
La négociation, la médiation et la conciliation sont couramment pratiquées dans les zones rurales lorsque les conflits fonciers viennent à éclater. Il est commun en effet que les conflits soient réglés au niveau de la communauté ou du village. En réalité, porter les différends au niveau de la justice est mal jugé et est même souvent contre-productif. L’idée d’une institution judiciaire neutre, dont la mission est de condamner et sanctionner uniquement en application d’une loi pré-établie, est étrangère à la perception et à la conception que les acteurs locaux se font de la justice. La sagesse populaire nous enseigne qu’« un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». Les instruments de gestion alternative des conflits offrent des cadres souples de dépassement des conflits fonciers qui entravent, parfois pendant de longues périodes, les activités rurales.
Documents utilisés pour préparer la fiche
Herrera A. et Da Passano M., 2007, Gestion alternative des conflits fonciers, Rome, FAO, Manuels sur les régimes fonciers no 2.
ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/010/a0557f/a0557f00.pdf
Hendoux Alain, 2008, Les procédures de conciliation dans les conflits fonciers, Document de l’Ordre des géomètres experts, Belgique.
Engel A. et Korf B., 2006, FAO, Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles, Rome. ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/ 008/a0032f/a0032f00.pdf
Autres ressources
Gestion alternative : www.conflictsensitivity.org