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Escrito por: Joseph Comby
Fecha de redaccion:
Organizaciones: Comité technique « Foncier et développement » (CTFD), Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), Groupe de Recherche et d’Action sur le Foncier (GRAF), Le Hub Rural - Appui au développement rural en Afrique de l’Ouest et du Centre (Le Hub Rural), LandNet West Africa, Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER)
Tipo de documento: Artículo / documento de difusión amplia
En Afrique, on croit souvent que la sécurisation des droits sur le sol passe nécessairement par l’attribution administrative de titres fonciers donnant à chaque propriétaire tous les droits sur son terrain, par opposition à l’insécurité des différents droits coutumiers qui se superposent les uns aux autres. L’histoire de l’Europe montre au contraire que les droits sur le sol peuvent être sûrs tout en restant multiples. On y trouve de nombreuses superpositions de droits concurrents sur le même espace. Cela n’empêche pas que les conflits soient assez rares grâce à une bonne définition des droits de chacun.
Les superpositions de droit dans l’Europe ancienne
Les superpositions de droits sur la terre ont existé dans l’Europe paysanne ancienne. Un double système de superpositions de droits était largement répandu.
Le droit des paysans de cultiver la terre, appelé « propriété utile » en France et « lease hold » en Angleterre, était subordonné au respect des droits du seigneur foncier (appelé « propriété directe » en France et « free hold » en Angleterre). Chaque seigneur foncier pouvait parfois avoir des droits sur plusieurs villages ; exceptionnellement, un village pouvait relever de deux ou trois seigneurs fonciers différents. Ces droits seigneuriaux consistaient dans la perception de redevances sur les paysans et dans une série de privilèges honorifiques, en particulier lors des cérémonies religieuses. Propriétés utiles et directes pouvaient être vendues par leurs titulaires respectifs dès la fin du Moyen Âge.
Le droit du paysan sur la terre n’était lui-même qu’un droit saisonnier allant de la saison des semailles à celle des récoltes. Après les récoltes, la terre redevenait le bien collectif de la communauté villageoise (droit à la « deuxième herbe » qui repousse après que la première ait été fauchée). Dans chaque province, la coutume fixait les dates de début et de fin de la mise en commun. De nombreuses autres superpositions de droits étaient prévues par des règles locales, en particulier pour l’usage des forêts et les zones humides : droit de couper le bois d’oeuvre, droit de ramasser le bois de chauffage, droit de parcours des troupeaux, droit de chasser, avaient souvent des titulaires différents.
Les survivances d’anciennes superpositions de droits privés
Le caractère saisonnier du droit de propriété sur la terre n’a disparu que progressivement, après avoir fait l’objet de conflits sociaux violents, surtout en Angleterre où les grands propriétaires parvinrent à soustraire leurs terres aux droits des communautés villageoises (conflit des enclosures). L’une des dernières traces en est le « droit de vaine pâture » (droit de faire paître les troupeaux sur les terres privées après enlèvement de la récolte) qui a survécu en France jusqu’à la fin du XIXe siècle et le « droit de glanage » (droit de prendre ce qui reste dans le champ d’autrui après enlèvement de la récolte) qui existe toujours, mais n’est presque plus utilisé. Une grande variété de « servitudes » qui ont leur origine dans les anciennes coutumes, continuent également à régler les relations de voisinage (droit de passage sur le terrain d’autrui pour accéder à la voie publique, servitudes d’accès aux puits, etc.). Certaines de ces servitudes ont même été renforcées au cours des dernières années, comme l’obligation de laisser une bande de libre passage sur les terrains privés le long des voies d’eau et du littoral.
Les survivances d’anciens droits communs sur le sol
Indépendamment des terrains domaniaux de l’État, de nombreux espaces sont restés le bien commun des habitants d’une commune ou d’un seul village (« biens sectionaux » en France). C’est souvent le cas de forêts communales dont les produits sont répartis égalitairement entre les habitants (bois de chauffe) ou parfois au prorata des surfaces des propriétés. Plus rarement subsistent des situations de propriété commune entre les habitants originaires d’un village, même s’ils n’y résident plus, comme en Suisse, où les familles originaires d’une commune se réunissent encore chaque année pour gérer leurs biens communs (souvent des alpages et des forêts), distincts des biens communaux gérés par le conseil municipal. Les « droits de parcours » qui subsistent dans plusieurs pays pour le déplacement des troupeaux, sont également des droits communs sur les propriétés privées. On rencontre aussi des droits de circuler (voire de camper) sur la propriété d’autrui en dehors des périodes de culture dans les pays scandinaves. Les droits de chasse sont rarement exercés par le propriétaire du terrain. En France, il existe des « sociétés communales de chasse », et en Grande Bretagne, les droits de chasse hérités des anciens privilèges féodaux sont encore en vigueur, même s’ils sont contrôlés par l’État (périodes d’ouverture et de fermeture de la chasse, gibiers protégés, etc.). Il existe toujours des associations de propriétaires constituées pour réaliser en commun certains travaux d’aménagement qui profitent à tous : assèchement des marais, réalisation de canaux d’irrigation, viabilisation. En France, ces associations peuvent être soit constituées librement entre tous les propriétaires, soit rendues obligatoires par le préfet pour prendre en charge certains travaux d’intérêt commun. Dans le même esprit, depuis les années 1960, des « associations foncières urbaines » (AFU) peuvent être crées à la majorité des 2/3 par des propriétaires voisins pour réaliser ensemble et à leur frais, une opération d’urbanisme. Des systèmes similaires sont encore plus nombreux dans les pays germaniques. Dans un ordre d’idées voisin, on observe dans tous les pays européens un développement de la « propriété sociétaire » au détriment de la propriété individuelle : la terre n’appartient plus à une famille ou à un individu, mais elle est détenue par une société ou une association de plusieurs propriétaires. C’est le cas fréquent pour la gestion des forêts privées et pour les vignobles de prestige. On note également une multiplication des « copropriétés horizontales » en habitat périphérique, les différents propriétaires de maison restant copropriétaires des voies et des jardins dont ils assurent en commun l’entretien.
Le renforcement de droits publics sur les terrains privés
En dépit de la variété des modèles fonciers européens, ils ont tous en commun d’organiser deux niveaux de légitimités sur l’espace : celle de la collectivité publique et celle du propriétaire privé, avec une claire répartition des rôles entre les deux. D’un côté la collectivité publique a le droit de définir les utilisations permises, interdites ou obligatoires du territoire, soit globalement, soit zone par zone. De l’autre, chaque propriétaire gère sa propre terre comme il veut, pourvu qu’il respecte les règles d’usage fixées par la collectivité publique. Ces règles se sont multipliées depuis une cinquantaine d’années. La prise de conscience des problèmes environnementaux conduit à les renforcer encore davantage. Elles varient d’un pays à l’autre, mais aussi d’une zone à l’autre. Citons quelques exemples :
stricte délimitation des zones où la construction est autorisée (même dans les régions rurales) ;
obligation de débroussailler les terrains dans les régions exposées aux risques d’incendie ;
obligation de cultiver les terres agricoles ; définition des cultures autorisées ou interdites, homologation des semences ;
contrôle des captages d’eau et de leur débit ;
contrôle des coupes d’arbres, obligation de reboisement.
Nulle part en Europe, le propriétaire n’est totalement libre de faire ce qu’il veut de sa terre. Ajoutons que tous les pays disposent du droit d’exproprier les propriétaires (en les indemnisant) pour réaliser des travaux d’intérêt général. Par ailleurs, on trouve partout une proportion plus ou moins grande de propriétés publiques. Certains pays, dont la France, distinguent les terrains où l’État est un propriétaire comme les autres (le « domaine privé » de l’État) et ceux où il jouit de privilèges liés à l’exercice d’un service public (le « domaine public » de l’État sur les routes, le littoral, les équipements publics, etc.).
Les nouvelles superpositions de droits privés sur le sol
Les superpositions de droits privés sur le sol, qu’ils soient ou non qualifiés de « droits de propriété », sont de plus en plus nombreuses. Ce sont d’abord les droits reconnus, dans chaque pays, aux utilisateurs non propriétaires, en particulier les droits de l’exploitant agricole qui loue la terre auprès de son propriétaire. En France cette protection (issue de la loi de 1945 sur le fermage) est si forte que l’agriculteur exploitant devient un quasi- propriétaire : fermages (loyers) fixés par l’État, impossibilité pour le propriétaire de reprendre sa terre en fin de bail s’il n’est pas lui-même agriculteur. Les protections sont moins fortes dans le Sud et l’Est de l’Europe. Un nouveau pas a été franchi en 2005, avec une loi qui permet au fermier d’opter pour un statut de bail cessible, c’est-à-dire un « droit d’être locataire » que l’ancien locataire pourra vendre au nouveau, ce dernier reprenant à son compte toutes les obligations de l’ancien locataire (montant du loyer, date de fin de bail). Par ailleurs, le système du bail cessible de longue durée (le bail emphytéotique) permettait à l’origine, du fait de sa durée particulièrement longue, la plantation d’arbres fruitiers sur la terre louée. Plus tard, ces baux ont pu être utilisés par le locataire du terrain pour construire un bâtiment dont il restera propriétaire pendant toute la durée du bail. Cette séparation de la propriété du sol et de celle du bâtiment est particulièrement fréquente en Europe du Nord et dans certains autres pays comme le Japon. En France, des tentatives ont été faites dans les années 1960-70 pour en répandre le système, notamment dans le but de réduire le montant de l’investissement supporté par l’acquéreur (l’acheteur de la construction reste locataire du terrain. On a créé pour cela le « bail à construction » (d’une durée de 18 à 99 ans) qui fait de l’édification d’un bâtiment l’obligation essentielle du locataire, et peut parfois constituer la seule rémunération du propriétaire bailleur (à l’issue du bail, il devient propriétaire de la construction). La vieille pratique de la « division de propriété en volumes » (construction enjambant une ruelle, caves ou carrières souterraines appartenant à un autre propriétaire que celui du sol, etc.) qui consiste à diviser la propriété en trois dimensions, a également trouvé une seconde jeunesse avec l’urbanisme sur dalle et les grandes opérations d’urbanisme dense comme les quartiers d’affaire (exemple de La Défense à Paris).
Le contrôle des transactions
Le contrôle des mutations foncières agricoles s’est développé, avec différentes finalités : empêcher la formation de trop grandes propriétés mais également leur morcellement excessif, s’opposer à l’acquisition des terres par les filières agroalimentaires mais aussi par de riches citadins qui en feraient des espaces de loisirs au détriment de l’activité agricole. Les approches ont été différentes selon les pays. En France, l’accent a été mis sur le contrôle des ventes de terres agricoles, avec la création, à partir de 1960, de sociétés d’aménagement et d’établissement rural (Safer) qui ont un droit de préemption (droit d’acheter la terre prioritairement à toute autre personne) pour s’opposer, en particulier, aux achats de terres par des non agriculteurs, avec possibilité de faire réviser par le tribunal le prix qui était prévu, s’il s’écarte des valeurs foncières agricoles habituelles. Cette pratique semble efficace puisque la France est devenue le pays européen où le prix des terres est le plus bas. Dans les pays germaniques, l’accent a plutôt été mis sur l’encadrement des successions. La division d’une exploitation agricole entre les héritiers est interdite si elle risque de ne plus être viable. Les héritiers doivent donc se mettre d’accord sur le repreneur de l’exploitation et celui-ci leur versera alors une « soulte » à titre de compensation. Quant aux transactions foncières en milieu urbain, elles sont encore plus encadrées. Par exemple, il est interdit de vendre un terrain urbain sans demander à la Mairie un certificat précisant les règles d’urbanisme applicable et celle-ci aura souvent le droit de se substituer à l’acquéreur afin de réaliser elle-même tel ou tel aménagement.
Pour aller plus loin : www.comby-foncier.com
ctf_comby_superposition-droits_fr.pdf (110 KiB)