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Fondo Documental Dinámico
sobre la gobernanza de los recursos naturales en el mundo

Les enjeux de la gestion communale au Pérou face au néolatifundisme

Resumen

En s’appuyant à la fois sur l’analyse des manifestations du néolatifundisme réalisée par le Centre d’Etudes Péruviennes Economiques et Sociales (CEPES) et sur la reconnaissance de la pluralité des droits sur les ressources, cet article est une introduction à la diversité et à l’ingéniosité des modes d’organisation et des systèmes fonciers communaux que l’on rencontre dans les Andes péruviennes, que la reconcentration de la propriété foncière contribue aujourd’hui à détruire.

L’histoire de la propriété des terres agricoles au Pérou est à l’instar de nombreux pays d’Amérique latine marquée par de très fortes inégalités dans la répartition de la terre. La propriété agraire péruvienne au début des années 50 est essentiellement polarisée autour du latifundio et du minifundio. D’après le recensement agricole de 1961, 84% des exploitations agricoles possédaient à peine 4,33% des terres, alors que 1,2% en contrôlaient 54%. A la suite d’un intense processus de redistribution de la terre mené d’une main de fer par le gouvernement militaire au pouvoir en 1975, la grande propriété traditionnelle et les propriétaires terriens sont éliminés en tant que classe dominante. Si le latifundio disparait, la réforme agraire n’a pour autant pas résolu le problème du minifundio. Elle laisse de côté une proportion importante de petits propriétaires : en 1994, le recensement agraire établit que 70% des unités agraires détiennent moins de 5 hectares.1 Ce phénomène s’est accru dans le temps conduisant à la prolifération d’unités agricoles d’infra subsistance et à l’accroissement de la pauvreté rurale.

Parallèlement à ce processus, les revirements idéologiques des gouvernants péruviens depuis cinquante ans sur la question de la propriété foncière agricole ont été d’une telle force que l’on arrive aujourd’hui à la résurgence d’une situation que l’on avait pourtant tenté d’enrayer à la fin des années 1960. Depuis la dictature d’Alberto Fujimori arrivé au pouvoir en 1990, les portes sont ouvertes vers de nouvelles formes de concentration de la terre non pas pour reconstruire les latifundios traditionnels mais en tant que modalité essentielle de la modernisation de l’agriculture, orientée vers les marchés externes. Sous l’impulsion du gouvernement du président Alan Garcia (2006-2011), un véritable processus d’accaparement des terres par les investisseurs nationaux est mis en place. Dans un contexte où les terres agricoles sont rares et dominées par des unités familiales de faibles superficies, la sécurité alimentaire d’une large frange de la population rurale est mise en péril. Ce sont particulièrement les communautés paysannes qui sont visées par ces politiques car les terres qu’elles occupent représentent 40% des terres agricoles du pays. Ces communautés regroupent une population vivant sur un territoire parfois mouvant dont le groupe partage une identité commune ainsi qu’un ensemble de règles culturelles et de prestations sociales. Il en découle une pluralité juridique des droits sur les ressources liée à la gestion communale de la zone de production.

L’objet de cet article est d’analyser comment les droits communaux sur les ressources se trouvent menacés par ce nouveau processus d’accaparement des terres. Pour ce faire, l’étude s’articule en deux temps. Il s’agit premièrement d’analyser la pluralité des droits sur les ressources des communautés. Cela implique d’aller au delà d’un droit positif écrit contenu dans les lois et de reconnaître la « coexistence d’une multiplicité d’espaces sociaux dans un même espace géographique » 2 sans laquelle toute tentative de compréhension des systèmes de droits fonciers des communautés péruviennes serait considérablement réductrice. Une seconde partie s’intéresse à démontrer comment l’assortiment de droits légaux mis en place à partir des années 1990 appuient le développement de néolatifundios et fragilisent les droits fonciers des communautés paysannes.

Le fonctionnement des droits de propriété sur les terres communales

Sur les 7,5 millions de ruraux au Pérou, on estime que 3 millions font partie de communautés paysannes. On dénombre six mille communautés paysannes présentes au Pérou dont la majorité se trouve dans la sierra. Pour ces raisons cette étude s’inspire majoritairement des communautés andines dont la rationalité agricole implique une gestion foncière particulière. Néanmoins, il s’agit de chercher à dégager des tendances générales communes aux principales communautés andines et amazoniennes.

La première caractéristique qui leur est propre est l’existence d’une multiplicité de droits qui varient d’une communauté à l’autre selon des facteurs multiples. Le droit légal est insuffisant pour saisir la complexité et la variété des droits fonciers qui régissent les différentes règles de propriété et qui pourtant parviennent à s’articuler dans le cadre du Droit Civil péruvien. Les lois et les règlements étatiques ne sont pas connues par les communautés et dans la pratique il s’applique des règles qui ont peu avoir avec les normes légales. En réalité la législation étatique n’interagit avec les normes communales uniquement si elle octroie une facilité ou une utilité pour les intérêts communaux. Selon la législation péruvienne en vigueur, la propriété de la terre dans les communautés est formellement collective. A travers cette vision, on suppose que chaque famille comunera a accès à la terre et de façon relativement uniforme. La réalité est pourtant bien différente.

La pluralité des droits dans une même zone communale est tout d’abord liée aux différents ayants droits en présence : ils peuvent être individuels ou d’une seule famille, d’un groupe de familles ou communaux. Le fonctionnement communal implique que les comuneros3 ne détiennent pas en leur nom la terre qu’ils exploitent mais ils en récupèrent les récoltes ou des revenus. En revanche le bétail est toujours la propriété d’une famille voire d’un individu. C’est le degré de contrôle communal qui révèle les possibilités des différents ayants droit de pouvoir jouir d’un degré d’appropriation de la terre plus ou moins grand4. La communauté n’intervient que dans certains aspects de la production : usage de l’eau, repos des terres, pâturages communaux, corvées pour la construction et entretien des infrastructures. Selon le degré de contrôle communal, les comuneros peuvent également prendre une partie ou l’ensemble des décisions productives, établir des contrats de métayage et transmettre les parcelles qu’ils cultivent à leurs héritiers. En revanche aucune communauté n’admet la cession de parcelles à des tiers en dehors de la communauté parce qu’elles sont considérées comme une partie du territoire inhérentes à l’intégrité de la communauté.

Un haut niveau d’appropriation de la terre correspond donc à la possibilité de cumuler totalement ou en partie des droits d’accès, d’extraction, d’aliénation, de location, de gestion productive à un niveau individuel, familial ou par un groupe de familles. Ce paquet de droits est fonction d’un ensemble de critères qui sous-tendent la rationalité organisationnelle des communautés. Ces droits peuvent dépendre notamment du fonctionnement de la nécessité à coopérer, du système de production agraire, de l’environnement physique et notamment à la possibilité d’irriguer, du statut historique des terres et enfin des différentes positions sociales au sein de la communauté et plus particulièrement de la relation qu’entretiennent les comuneros avec la communauté.

Dans les Andes, comme l’analyse Carmen Bernand, la particularité des communautés provient du fait que « l’exploitation de niches écologiques différentes et complémentaires est une tradition andine ancestrale dont la conséquence est la discontinuité spatiale de la propriété foncière»5. Les enjeux fonciers s’analysent donc à travers le degré nécessaire de collectivisation des tâches réalisées sur différents étages écologiques. Dès lors, comprendre les droits fonciers implique d’analyser ce que la communauté permet au paysan pour des productions déterminées et inversement. Chaque famille cultive de petites parcelles dispersées sur lesquelles selon le degré d’altitude elles détiennent des droits de gestion plus ou moins importants. Le degré de contrôle communal et donc d’appropriation de la terre varie dans le même sens que l’altitude. C’est-à-dire que sur les terres qui peuvent être utilisées de façon permanente car plus fertiles, les paysans veulent être d’avantage indépendants dans leurs décisions. Certains champs situés plus bas sont parfois même considérés comme des propriétés privées en raison de l’absence de contrôle communal. Inversement les champs situés sur l’altiplano (hauts plateaux de la Cordillère des Andes) impliquent des contraintes communales plus fortes. C’est donc la contrainte objective à coopérer qui détermine le poids des décisions communales ou individuelles dans le droit de gestion de la terre. Sur l’altiplano où ils sont plus importants, les efforts productifs sont par conséquent répartis sur l’ensemble des familles. Par conséquent, au sein d’une même zone de production se conjuguent une autonomie individuelle ou familiale et un contrôle communal qui conduit à dépasser une analyse en terme d’antagonisme entre propriété collective et privée.

La configuration du milieu et la contrainte objective à coopérer comme facteurs d’appropriation des droits jouent également sur d’autres éléments. Les terres peu ou pas irriguées correspondent quasiment toujours à un usage familial et définissent une grande amplitude de droits pour les comuneros. Sur le versant occidental aride des Andes, ce n’est pas tant le degré d’altitude qui joue comme précédemment expliqué mais l’eau d’irrigation. Le contrôle communal s’exerce à travers l’eau dont le rationnement détermine quelles plantes peuvent être cultivées dans les différentes zones de production. Il définit les hiérarchies et préséances clairement visibles dans le domaine de l’irrigation des terres6. Au contraire les pâturages correspondent à un usage collectif, dans lesquels les familles ont des niveaux d’appropriation faibles. Cela s’explique par le fait que l’accès à la terre ou sa propriété dépend du coût d’en exclure d’autres personnes. Pour ces raisons, les pâturages sont des terres collectives car les clôtures y sont trop couteuses. Sur ces terres, dont les bénéfices sont exclusivement utilisés pour les dépenses de la gestion communale, les familles ne disposent que d’un droit d’accès. La communauté contrôle les différents droits des zones de production dont il découle un ensemble d’obligations : fourniture de travail, participation à l’élaboration des règles d’utilisation et faenas (imposition locale généralisée en travail gratuit).

Le degré de contrôle communal est par ailleurs déterminé par le calendrier agricole décidé communalement et permettant d’établir la hiérarchie des prérogatives et le processus de rationnement. C’est donc également l’organisation de la production qui va déterminer les droits d’accès ou d’extraction.

Par ailleurs, le statut historique et social des terres communales est producteur de droits différenciés sur les terres. On distingue entre autres les anciennes terres appelées tierras antiguas qui ont traditionnellement appartenu à la communauté, des nouvelles, incorporées à la communauté a posteriori que ce soit pour la vente ou la cession des terres des haciendas voisines ou par adjudication durant le processus de réforme agraire. Les terres antiguas sont celles conquises par les anciens qui, avec le temps, ont acquis une reconnaissance particulière des comuneros. Sur ces terres, les familles comunerasont une pleine liberté d’usufruit et d’aliénation. Elles peuvent être transmises à la famille sans restrictions et elles peuvent également être vendues dans la communauté sans aucune nécessité d’accords préalables.

Pour celles qui sont en revanche distribuées par la communauté, il existe un système complexe de possession avec des normes qui régulent l’utilisation des parcelles restreignant des éléments comme les extensions ou les périodes d’usage et particulièrement la vente des parcelles et les successions familiales. Enfin, les nouvelles terres acquises durant la réforme agraire par vente ou cession des terres des haciendas voisines ou par acquisition durant le processus de réforme agraire sont clairement identifiées par les comuneros sur lesquelles ils définissent des droits fonciers très variables.

Il existe également des droits différenciés induits par les statuts des habitants de la communauté. Certains habitants ne possèdent pas de terres et offrent leur force de travail dans les champs des autres comuneros. Tous n’ont pas les mêmes droits d’accès à la terre car cela dépend notamment de la relation qu’entretiennent les comuneros à la communauté. La distribution des parcelles par l’organisation communale est un des mécanismes les plus importants d’accès à la terre. Pour pouvoir bénéficier de ces terres et avoir accès aux terres communes, les habitants doivent avoir la catégorie de comunero actif. Pour cela ils doivent être inscrits dans le recensement communal, être majeur, ou avoir une famille, et surtout avoir obtenu la reconnaissance de la communauté.

Il existe dans la communauté d’autres statuts de comuneros (honoraire, beau-fils, résident, professionnel, retraité) qui autorisent différents devoirs et droits pour l’accès à la terre. Par ailleurs, la relation comunero/communauté donne de l’importance à l’âge du comunero, de telle sorte que les plus jeunes ont des droits d’accès à la terre moindre que les plus âgés.

Par ailleurs, il existe en dehors de la distribution de parcelles d’autres mécanismes d’accès à la terre qui ne dépendent pas de la communauté et qui en principe ne marginalisent pas les jeunes ou les femmes: il s’agit de la possibilité d’acheter et vendre des terres, de les louer et de pratiquer le trabajo al partir qui correspond selon la définition de Pierre Morlon à un « équivalent d’un métayage, généralement réalisé entre des parents ou des compadres ou parrains aboutissant le plus souvent au partage en deux parts égales de la récolte ou du gain »7. Cependant, l’achat-vente et location excluent les plus pauvres. Le travail al partir est la forme la plus importante d’accès à la terre des jeunes et des femmes.

Enfin, en dehors de ces pratiques clairement identifiées dans beaucoup de communautés, il existe également des différences dans l’accès à la terre induites par le positionnement d’acteurs qui remplissent dans la communauté des rôles différents dont il découle des relations de pouvoir améliorant pour certains les conditions d’accès aux ressources. Au sein même de l’organisation communale interagissent des familles et leurs différents niveaux de pouvoir, les individus différenciés par âge et du « genre » de comunero. Cette institution a sa propre logique, dans laquelle il est possible de rencontrer quelques régularités qui deviennent des règles explicites et acceptées collectivement. Cela concerne surtout les descendants des antiguos, et ceux qui ont joué un rôle particulier lors de la réforme agraire. Le critère général pourrait se définir ainsi : « A mayor participación en la defensa de las tierras, mayores derechos sobre ellas », une participation majeure dans la défense des terres accorde plus de droits fonciers sur ces terres8. La variété des droits existants est à mettre en relation avec le pouvoir relatif des individus ou des groupes d’individus.

La complexité de la gestion foncière communale est méprisée et ouvertement ignorée des gouvernants péruviens. C’est là une des premières raisons de l’évolution des droits de propriété légaux depuis une vingtaine d’année. Mais le tournant pris depuis 1990 s’inscrit dans un processus plus global sur lequel il convient de s’attarder plus longuement.

La mise en péril de la gestion communale des ressources : les politiques d’investissements agricoles à grande échelle favorisent le « retour du latifundio »

L’évolution du droit légal applicable sur les communautés rurales

Traditionnellement les terres communales ont été l’objet d’une législation protectrice jusqu’au début des années 1990. La loi des communautés natives de 1974 reconnait un droit aux établissements des populations indigènes et leur octroie la propriété légale de leurs terres. La Constitution de 1979 consacre la protection foncière des terres communales en déclarant les terres de propriété indigène non aliénables, imprescriptibles et insaisissables. Ces éléments repris par la loi générale sur les Communautés Paysannes de 1987 sont toutefois progressivement remis en cause par l’orientation prise par le gouvernement de Fujimori dans les années 1990. En 1991 il met en place un décret de promotion des investissements dans le secteur agricole éliminant les restrictions antérieures pour la vente et l’achat et l’hypothèque des terres qui ont fait l’objet d’une réforme agraire. C’est-à-dire qu’il établit des droits de propriété individuels sur les anciennes terres des coopératives agricoles9. Le transfert et l’hypothèque des terres communales sont également levés par la Constitution de 1993. Enfin en 1995, un décret de loi rend possible pour les communautés paysannes de décider d’une parcellisation privée des terres lorsque 50% des comuneros le décide en Assemblée.

Mais les changements les plus importants ont été insufflés sous l’effet du PETT (Proyecto Especial de Titulación de Tierras y Catastro Rural), créé en 1992 sous l’impulsion de la Banque Mondiale, ayant pour fonction de régulariser la propriété privée. Cette titularisation des terres communales sous l’usage direct des communautés a généré des conflits internes et accru les inégalités à l’intérieur même des communautés. Mais elle a surtout rendu les communautés plus vulnérables face à des processus et des agents externes. Nombre de délivrances de titre de propriété foncière par l’Etat ont servi ultérieurement les initiatives légales pour retirer du pouvoir des groupes indigènes. Cette attribution foncière marginalise les communautés de l’accès et du contrôle des zones de leur territoire qui sont déclarées par erreur comme étant disponibles et libres, pour être ensuite cédées au contrôle et à l’exploitation des industries extractives10. Les conflits qui opposent les communautés et les entreprises extractives ou agraires sont un combat inégal entre d’un côté les populations natives dotées de leurs connaissances et pratiques ancestrales ; et de l’autre l’Etat et les entreprises qui ont le pouvoir des lois, le capital, la connaissance occidentale, la parole écrite et l’idéologie de la modernisation. Le PETT impose aux communautés un usage fixe de la terre, bien qu’elles aient pour certaines un usage continu mais itinérant de l’ensemble de ressources sur son territoire. Ce nouveau cortège de lois s’inscrit clairement dans une vision libérale favorisant la propriété privée au détriment des droits de propriété collective. L’Etat met en forme un développement entrepreneurial en suivant une approche de marché et non de droits.

Les raisons d’une évolution libérale

Depuis les années 1990, un certain consensus s’est installé au sein des classes dirigeantes selon lequel le manque de productivité du secteur agricole est dû à la surreprésentation d’unités agricoles de faibles superficies dans le pays. Eblouis par le succès des exportations agraires non traditionnelles (surtout de fruits et légumes), le seul intérêt porté à l’agriculture ne concerne que l’agroexportation ou les productions qui en auraient la potentialité. Il s’agit donc d’investir dans les régions de culture d’agro exportation de la costa et de la selva générant des revenus élevés et de permettre le développement d’entreprises privées dont le dynamisme et la logique de rendements croissants sont les seuls à pouvoir enrayer la faiblesse du secteur agricole péruvien. Actuellement au Pérou, le parti pris du gouvernement de Alan Garcia est la simplification du rôle que joue l’agriculture dans les communautés rurales, estimant comme vacantes des terres non cultivées et jugeant ainsi ces communautés arriérées, sans aucune vision moderne permettant l’augmentation productivité. La marginalisation de la petite agriculture familiale est le résultat conjugué d’une volonté de moderniser uniquement les grandes exploitations axées sur l’exportation et d’appuyer l’élargissement des surfaces de ces exploitations au détriment des petites unités familiales. Les politiques néolibérales mises en place depuis le début des années 1990 vont dans le sens de nouvelles formes de concentration de la terre. Le marché foncier destiné à l’activité agricole s’est mis en marche vers une concentration du contrôle sur la terre dans laquelle le rôle de l’Etat est fondamental. La transformation radicale de la structure de la propriété foncière concernent des dizaines de milliers d’hectares de terres cultivables principalement situées sur la costa qui sont peu à peu rassemblées dans les mains de quelques personnes.

L’Etat au Pérou se fait le principal promoteur des investissements des entreprises pour le motif principal qu’elles apportent beaucoup plus de rentes à l’Etat que les paysans11. De larges concessions ou vente de terres ont été réalisées pour permettre la culture d’intrants et la production d’agrocarburants surtout au nord de la costa. A cela s’ajoutent les concessions octroyées par l’Etat aux industries extractives minières, pétrolières, du bois, le plus fréquemment sur les terres des communautés paysannes parfois accaparant des villages de la sierra et de la selva. En dépit des possibilités de recourir à des procédures administratives pour dénoncer ces situations, la législation et le comportement des agences gouvernementales sont sauf exceptions systématiquement biaisées et en faveur des intérêts des entreprises.

A titre d’exemple, les grandes extensions de territoires des communautés Kandozi y Achuar dans la selva se sont transformées en zones de libre disponibilité pour les pêcheries, l’exploitation du bois, ou pétrolière réalisées sans consultation initiale des populations indigènes12. Ces sociétés ont souffert des conséquences environnementales issues de la présence de ces entreprises : leurs écosystèmes ont été contaminés, leurs ressources détériorées et les cultures décimées. Victimes directes des dommages sanitaires et environnementaux causés par la présence pétrolière sur leur territoire, leur population a été décimée. Les activités extractives ont transformé les systèmes socio écologiques prélevant des ressources sans jamais améliorer les conditions de vie des populations locales. La menace de la destruction des écosystèmes implique de mettre en risque la survie des éléments d’identité indigène. Depuis le début des années 1990 un mouvement des communautés paysannes et indigènes a fait surface pour revendiquer l’accès à la terre devant la violation de leurs droits fonciers par les industries extractives et les grands investissements qu’ils soient privés ou publics. Mais il ne s’agit pas d’une revendication de la terre uniquement comme facteur de production mais comme territoire, comme espace de reproduction sociale, culturelle et économique des communautés. C’est-à-dire un espace gouverné selon les normes et coutumes de ces populations.

 

1 D’après une traduction de l’article « La reforma agraria en el Perú » de Fernando Eguren in Debate Agrario Analisis y Alternativas, n° 44, 2011, CEPES

2 Merlet Pierre, Pluralisme juridique et gestion de la terre et des ressources naturelles, AGTER, Décembre 2010, n° 44

3 Est appelé comunero un individu se rattachant à une communauté paysan et étant reconnu comme tel.

4 L’analyse en terme de niveau d’appropriation de la terre est tirée de « Los derechos de propiedad sobre la tierra en las comunidades campesinas », Eguren Fernando, Castillo y Burneo, in Debate Agrario Analisis y Alternativas, n° 44

5 Bernand Carmen, « Etat ethnicité et pouvoir dans les Andes », in Revue Française de Science Politique, n°38, 1988

6 D’après une traduction d’un article sous la direction Fernando Eguren « Los derechos de propiedad sobre la tierra en las comunidades campesinas », in Debate Agrario Analisis y Alternativas, n° 44 , 2011, CEPES

7 Morlon Pierre, Comprendre l’agriculture paysanne dans les Andes centrales, édition INRA, Paris, CNRS, 1992

8 D’après Eguren Fernando, Castillo y Burneo, « Los derechos de propiedad sobre la tierra en las comunidades campesinas », in Debate Agrario Analisis y Alternativas, n° 44 , 2011, CEPES

9 La Réforme agraire de 1975 met en place un coopérativisme agricole dans lequel les communautés sont soit sommées de fonctionner en coopératives, soit intégrées dans des coopératives aux territoires plus étendus.

10 Constanza Ocampo-Reader V., « Tierras ociosa o productivas ? El impacto y el significatio cultural de la agricultura indigéna de la Amazonia peruana », in Debate Agrario Analisis y Alternativas, n° 44 , 2011, CEPES

11 D’après une traduction de : Eguren Fernando , « La reforma agraria en el Peru », in Debate Agrario Analisis y Alternativas, n° 44 , 2011, CEPES

12 Constanza Ocampo-Raeder V., « Tierras ociosa o productivas ? El impacto y el significatio cultural de la agricultura indigéna de la Amazonia peruana », in Debate Agrario Analisis y Alternativas, n° 44 , 2011, CEPES

Bibliografía

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  • Constanza Ocampo-Raeder V., « Tierras ociosa o productivas ? El impacto y el significatio cultural de la agricultura indigéna de la Amazonia peruana », in Debate Agrario Analisis y Alternativas, n° 44 , 2011, CEPES

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