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Natural Resource Governance around the World

Synthèse finale du Forum Mondial sur l’Accès à la Terre.

FMAT 2016. Texte soumis aux participants lors de la séance de clôture du Forum

Documents of reference

Forum Mondial sur l’Accès à la Terre - FMAT 2016. Actes. 266 pages

Summary

Henri ROUILLE D’ORFEUIL, Académie d’Agriculture, France – Modérateur de la séance

« (…) Comme vous l’imaginez ce n’est pas un exercice simple d’écrire une déclaration finale avec autant de richesse, de diversité. La déclaration est un point commun entre nous tous, elle cherche à montrer, à partir de la diversité, qu’il y a une unité de propositions dans notre mouvement. Il faut aussi penser aux acteurs qui ont la possibilité de faire évoluer ces situations souvent déplorables.

Ici est réuni le comité de rédaction qui est composé des trois grands mouvements : le ROPPA pour l’Afrique de l’Ouest, la CONTAG et la COPROFAM pour le Brésil et l’Amérique du sud, et EKTA PARISHAD, ainsi que d’Hubert Cochet et Michel Merlet qui ont suivi tout le processus depuis le départ et qui évidemment avaient la mémoire de tous les échanges préalables.

Hubert Cochet va lire cette déclaration. C’est la déclaration finale, nous n’avons pas trop les moyens de la négocier en détail, mais on va quand même vous demander après de l’enrichir, l’illustrer par vos actions, vos projets. Nous n’aurons pas le temps d’entendre tout le monde évidemment, donc on va vous demander de nous remettre des petits papiers et surtout d’écrire après au secrétariat du FMAT pour donner des informations complémentaires, des illustrations des propositions. La ligne reste ouverte. »

Le Forum Mondial sur l’Accès à la Terre et aux Ressources Naturelles (FMAT 2016) s’est tenu à Valencia, Espagne, du 31/03 au 02/04. Appuyé par plus de 1200 organisations paysannes et de la société civile, institutions nationales, internationales, experts et professionnels de plus de 70 pays, il a rassemblé plus de 400 personnes, venues de tous les continents, qui ont librement témoigné et débattu de ce sujet.

Diagnostic

Douze ans après le Forum Mondial sur la Réforme Agraire (FMRA, Valencia, Espagne, 2004), dix ans après la Conférence Internationale sur la Réforme Agraire et le Développement Rural (CIRADR/FAO, Porto Alegre, Brésil, 2006) les participants de ce Forum ont constaté que les politiques de redistribution de la terre avaient été abandonnées et que les politiques mises en place ne prennent pas en compte la réalité locale des communautés de base. Le manque d’accès à la terre et aux ressources productives est toujours une cause majeure de la pauvreté, de la perte de souveraineté alimentaire, et de la marginalisation dont souffrent la plupart des populations rurales et urbaines du Monde. Ils ont aussi témoigné qu’en de nombreux pays, cette déplorable situation s’est encore aggravée, suite aux divers processus d’accaparement des meilleures terres agricoles, de l’eau, des espaces forestiers et pastoraux, des pêches et des semences par un petit nombre de personnes qui accumulent de plus en plus de pouvoir.

Depuis plus de trente ans, les grandes entreprises agricoles à salariés gagnent du terrain au détriment des exploitations familiales et paysannes. Dès la fin des années 1970, ces entreprises ont profité de la libéralisation des mouvements de capitaux pour commencer à s’étendre dans certains pays d’Amérique latine et d’Asie du sud-est, attirées par les bas prix de la terre et de la main d’œuvre et par les avantages offerts par certains gouvernements. Dans les années 1980-90, elles ont profité de la mondialisation néolibérale (ouverture des marchés liée aux plans d’ajustement structurels, accord sur l’agriculture à l’OMC, divers accords internationaux de libre-échange, dérégulation financière) pour s’étendre dans tous les pays du Monde. Et elles profitent de l’affaiblissement des exploitations familiales et paysannes, suite à l’abandon des politiques agricoles qui leur étaient favorables, pour s’étendre. Les ressources naturelles ont été considérées comme des marchandises, au détriment de l’environnement, de la souveraineté alimentaire, et des droits des peuples à l’alimentation.

Ces entreprises agricoles spécialisées et basées sur l’emploi de travailleurs salariés ne produisent pas toujours plus de nourriture et de valeur ajoutée par unité de surface que l’agriculture familiale et paysanne à laquelle elles se substituent. Les participant ont souligné, dans le prolongement de l’Année Internationale de l’Agriculture Familiale (2014), l’efficacité productive, sociale et environnementale des unités de production familiales et paysannes, notamment quand les politiques publiques leur sont favorables. Au contraire, l’efficacité des grandes entreprises privées se limite à générer des profits financiers. Ces profits proviennent du très bas coût d’accès à la terre, à l’eau et aux ressources naturelles, des bas salaires et de l’absence de fiscalité. Ils ne proviennent pas d’une réelle efficacité agronomique ou économique.

En matière environnementale, l’attribution de larges surfaces de terre aux investisseurs va de pair avec la promotion de systèmes de production axés sur la monoculture et faisant appel à l’utilisation massive d’énergie fossile et d’intrants d’origine industrielle présentant des risques de pollution des sols et des eaux. Ces projets contribuent à la dégradation de la biodiversité, à la crise écologique et au changement climatique.

La mise à l’écart de centaines de millions d’agriculteurs, faute d’un accès suffisant à la terre, à l’eau d’irrigation et aux autres moyens de production, alimente aujourd’hui un processus global de marginalisation et de perte de dignité, porteur de déséquilibres majeurs. La situation actuelle - persistance de la faim et de la malnutrition, inégalités croissantes entre les pays et à l’intérieur de chaque pays, exclusion, violences structurelles, chômage massif, crise environnementale et perte de souveraineté alimentaire – est intolérable. Les peuples indigènes ainsi que les femmes et les jeunes souffrent tout particulièrement de cette situation.

L’adoption en 2012, par le Comité de la Sécurité Alimentaire (CSA), des « Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale » a été le principal résultat de la CIRADR. Mais leur application concrète se heurte au manque de volonté politique des États.

Le FMAT dénonce et condamne les crimes, violences et intimidations commis contre ceux qui luttent pour avoir accès à la terre et aux ressources naturelles dans des conditions plus justes, ou qui luttent pour conserver leurs droits. Il condamne les pressions exercées contre les organisations qui défendent ces droits et leur fréquente criminalisation. Il réaffirme les principes démocratiques, les libertés et le respect des droits humains.

Le FMAT appuie les multiples initiatives qui voient le jour dans le Monde pour trouver des solutions à ces problèmes.

Propositions

Face à ce constat, le FMAT 2016 affirme que l’accès à la terre et aux ressources naturelles est à la base de la souveraineté alimentaire des peuples. En conséquence il appelle :

  • 1/ à stopper les processus d’accaparements et de concentration fonciers partout où ils se manifestent dans le Monde,

  • 2/ à restituer le plus rapidement possible les terres injustement spoliées aux populations déplacées et non compensées à la hauteur du préjudice subi,

  • 3/ à corriger les inégalités d’accès à la terre et aux ressources naturelles (eau, ressources forestières et pastorales, espaces de pêche) par la relance de politiques redistributives et en particulier de la Réforme Agraire,

  • 4/ à reconnaître le rôle essentiel des femmes, à garantir leur participation effective aux décisions, et à supprimer toutes formes d’inégalités d’accès aux ressources dont elles sont encore trop souvent victimes.

  • 5/ à faciliter l’accès à la terre et aux ressources naturelles aux jeunes pour qu’ils puissent en vivre dignement ; et à promouvoir un dialogue entre générations de façon à concilier transmission des savoirs locaux et autonomisation des jeunes,

  • 6/ à mettre en place des outils de régulation pour décourager la concentration foncière : politiques fiscales, mécanismes d’interventions sur les marchés de la terre, de la location et des parts de capitaux,

  • 7/ à faire en sorte que les gouvernements s’engagent à faire appliquer dès maintenant les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers, applicable aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale (DV) ; et à promouvoir la mise en place d’observatoires autonomes du foncier,

  • 8/ à engager dès maintenant un processus destiné à transformer ces Directives en engagements obligatoires des Etats et des institutions internationales,

  • 9/ à décourager la constitution de très grandes unités de production spécialisées, fortement mécanisées, faisant largement appel aux intrants de synthèse et à l’énergie fossile, et reposant sur l’exploitation de la force de travail salariée.

  • 10/ à remettre l’agriculture familiale et paysanne au centre des politiques publiques, à reconnaître son efficacité, sa capacité à augmenter la production alimentaire, à générer de l’emploi et à réduire la pauvreté tout en préservant les écosystèmes,

  • 11/ à garantir que la terre, disponible en quantité limitée, puisse avoir la fonction sociale de produire de façon durable le plus possible d’aliments et de richesse par unité de surface,

  • 12/ à réorienter l’ensemble des soutiens publics directs et indirects vers l’agriculture familiale et paysanne, notamment vers les systèmes de production agro-écologiques,

  • 13/ à promouvoir des politiques commerciales permettant aux petits producteurs de vivre dignement de leur travail,

  • 14/ à consulter les citoyens sur l’opportunité de la mise en place de traités de libre échange qui risquent de ruiner les producteurs les moins bien dotés en terres, en ressources naturelles et en équipements, et de violer le droit des populations à assure leur souveraineté alimentaire,

  • 15/ à promouvoir la gouvernance des territoires par les populations qui y vivent (en particulier les peuples indigènes) en permettant aux communautés de définir les règles et les droits d’usage de leurs communs, et de mettre en oeuvre les modes de vie les plus conformes à leurs choix techniques, écologiques, économiques et culturels,

  • 16/ à faire cesser immédiatement la répression dont sont encore trop souvent victimes ceux qui luttent pour un accès plus équitable à la terre et aux ressources naturelles, et à appuyer, partout où ils se manifestent, les mouvements de paysans pauvres, de paysans sans terres, de pêcheurs, de peuples indigènes, de femmes et de jeunes qui luttent pour leurs droits,

  • 17/ à poursuivre et à unifier les luttes qui se sont exprimées au cours de ce forum,

  • 18/ à élargir les alliances citoyennes, rurales et urbaines, et à organiser une vaste mobilisation de la société civile, seule susceptible de conduire à mettre en place des mécanismes de gouvernance capables de stopper la concentration des ressources par une minorité, et les conflits extrêmement graves qui en résultent,

  • 19/ à créer, au sein des Nations Unies et de leurs agences spécialisées, une institution indépendante garante des intérêts des générations futures,

  • 20/ Le FMAT demande aux institutions internationales (FAO, CSA, ONU) de convoquer, dans la continuité de la CIRADR 2006 et du FMAT 2016, une nouvelle conférence mondiale des gouvernements et de la société civile sur la question de l’accès à la terre et aux ressources naturelles.

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