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Natural Resource Governance around the World

Sauver nos sols pour sauvegarder nos sociétés

16 propositions pour des sociétés durables

Written by: Alain Ruellan, Mireille Dosso, Rabah Lahmar

Writing date:

Organizations: Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH)

Type of document: Paper / Document for wide distribution

Documents of reference

Lahmar, R.; Dosso, M.; Ruellan. A. 2002. Sauver nos sols. 16 propositions pour des sociétés durables. Ed ECLM.

Les cahiers de propositions pour le XXIe siècle. Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire. www.alliance21.org

Le livre est téléchargeable gratuitement en pdf sur le site des Editions Charles Léopold Mayer ici.

Introduction

Le sol est un système fondamental pour la vie …

Le sol est le milieu naturel terrestre où prennent naissance les végétaux et les animaux et où s’achève la vie.

Le sol est cette fine couche de la « Terre», de quelques centimètres à plusieurs mètres d’épaisseur, qui se trouve entre la roche et l’atmosphère. Il se forme à partir des roches sous l’action combinée de l’air, de l’eau et des diverses formes de la vie. Ainsi, les sols varient largement dans l’espace en fonction de la topographie, des roches mères, des couvertures végétales… et de l’activité humaine.

Par rapport à la vie en général, et plus particulièrement par rapport aux besoins et au bien-être des sociétés humaines, le sol remplit des fonctions fondamentales (document 1). Il produit et contient tous les éléments néces- saires à la vie, y compris l’air et l’eau. Il filtre, transforme, épure les eaux qui le traversent.Il régule le régime des cours d’eau et le remplissage des nappes souterraines. Il retient et stocke les gaz à effet de serre (il y a quatre fois plus de carbone dans le sol que dans la végétation qui le recouvre). Il est aussi une vaste réserve génétique, abritant une grande partie de la biodiversité terrestre. Il fournit les matériaux nécessaires à la construction (utilisés non seulement par l’homme, mais aussi par les oiseaux, fourmis, blaireaux, castors…) et aux activités industrielles et artisanales. Il contient des ressources minérales (or, aluminium, fer, silex, béryl…). Il supporte les habitats et les infrastructures liées aux activités et aux loisirs des sociétés humaines, et conserve les témoignages de leur histoire.

Comme l’air et l’eau,le sol est donc une ressources essentielle à la vie. Il n’y a pas de développement durable sans une bonne gestion des sols.

… mais, partout dans le monde, le sol est mis en danger …

Les sols sont de plus en plus sollicités par les activités humaines : intensification de l’agriculture sur les sols déjà cultivés, mise en culture de nouvelles surfaces, développement des pâturages et des plantations forestières, urbanisation et industrialisation, épandage des déchets, développement des espaces consacrés aux loisirs. Ces différentes activités se développent et se concurrencent sans tenir compte de la diversité des sols, de leurs fonctions, de leurs potentiels. Cette situation est exacerbée par l’explosion démographique. Deux milliards d’humains peuplaient la terre en 1930 ; ils sont six milliards en 2000.

Tout cela concourt à la dégradation des sols. En particulier, les exemples de sols profondément modifiés ou sérieusement endommagés suite à leur utilisation agricole sont très répandus dans le monde (documents 2 et 18) : appauvrissements biologiques, organiques et minéraux ; destructions des structures et compaction ; érosions ; salinisations ; pollutions (minérales, organiques, radioactives). Au total, les fertilités baissent et les fonctions fondamentales des sols ne sont plus assurées. Partout dans le monde aussi, la croissance des villes et bidonvilles, des complexes industriels et touristiques, l’intensification des réseaux de transports, la construction de barrages hydroélectriques, le développement de l’exploitation de ressources minérales superficielles, etc., soustraient annuellement, sans espoir de retour, plusieurs dizaines de milliers d’hectares de surfaces souvent très fertiles.

Les autres milieux en subissent également les conséquences. La dégradation des sols porte atteinte à la biodiversité qui s’appauvrit, au cycle de l’eau qui se raccourcit (l’eau est moins disponible pour les besoins humains), à la qualité des eaux qui se polluent, à la qualité de l’air qui s’enrichit en gaz à effet de serre (gaz carbonique, méthane)… Bref, la santé et le bien-être des sociétés humaines sont compromis par la dégradation des sols.

… et pourtant, les sociétés humaines ignorent la menace

La deuxième moitié du XXe siècle fut particulièrement désastreuse. Dans les pays capitalistes comme dans les pays communistes, les développements à marche forcée, agricoles, industriels, urbains, furent très destructeurs des sols. Dans les pays pauvres, c’est la misère qui a contraint à cette dégradation des sols et de leurs fonctions vitales. Or, le spectre de la misère reste omniprésent dans les régions désavantagées, qui occupent près de 60 % des terres du globe (document 3).

La responsabilité en revient grandement aux choix économiques et techniques qui ne tiennent pas compte des diversités naturelles et humaines.

Cependant, s’il y a si peu de choses faites concrètement pour atténuer les dégradations des sols et pour améliorer la situation des sols déjà fortement dégradés, c’est aussi en grande partie du fait de l’ignorance, dans toutes les sphères de la société, de ce qu’est le sol et pourquoi il est nécessaire d’en préserver les fonctions. Producteurs, techniciens, administrateurs et politiques participent de cette ignorance, qui prend ses racines dans l’absence de toute découverte des sols dans le cadre de l’école. Le sol est souvent ignoré des cultures populaires : il est peu et mal connu. De ce fait, la gestion durable des sols n’est que rarement mentionnée parmi les préoccupations prioritaires (au même titre que la gestion de l’eau, des animaux et des végé- taux, de l’air) de la population, des responsables politiques, administratifs et techniques ou des propriétaires.

Il faut, en outre, souligner le faible niveau de connaissances dans le domaine des sols de la plupart des agronomes et des environnementalistes : beaucoup d’ingénieurs abordent l’agriculture et l’aménagement du territoire exclusivement sous l’angle des techniques et des conditions économiques, en oubliant la diversité des milieux naturels et des sociétés humaines.

Heureusement, tout ceci est en train de changer. La question du sol devient,lentement mais sûrement, une préoccupation pour la société civile. Il y a déjà sur le terrain des initiatives nombreuses et significatives, sur lesquelles nous reviendrons.

Un programme mondial pour les sols

La Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (FPH) a stimulé et pris en charge, dès la seconde moitié des années 1980, un large débat intellectuel qui a abouti à la finalisation, en 1993, de la « Plate-forme pour un monde responsable et solidaire ». Ce document expose les défis que l’humanité devra affronter au cours du XXIe siècle et propose des voies pour les relever.

Selon la Plateforme pour un monde responsable et solidaire, une manière de relever ces défis est de focaliser l’attention et l’énergie de tous sur cinq grands programmes mobilisateurs : les sols, l’eau, l’énergie, la revitalisation des régions sévèrement dégradées et la conversion des industries d’armement.

Il faut souligner que c’est la première fois dans l’histoire que la société civile reconnaît l’importance fondamentale des sols pour la vie et pour les équili- bres de la biosphère et qu’elle insiste sur le besoin d’utiliser les sols et les terres de manière responsable et durable.

En décembre 1995, Mireille Dosso, Rabah Lahmar et Alain Ruellan donnent corps à ce projet dans un document intitulé «Le Programme mobi- lisateur Sols – premières propositions», où ils précisent les objectifs à atteindre et définissent des actions prioritaires. Ce document fut largement discuté.

En 1996, le Programme mobilisateur Sols (PMS) est né. Il est l’un des nombreux chantiers de l’Alliance pour un monde responsable et solidaire, réseau informel de citoyens et d’organisations travaillant ensemble à mettre en œuvre les changements nécessaires pour relever les défis du XXIe siècle. Ses réflexions et actions visent à :

– faire évoluer les mentalités sur la problématique des sols ;

– amener une revalorisation du «statut» du sol ;

– mobiliser la solidarité internationale et la coopération contre la dégrada- tion des sols.

Le Programme mobilisateur Sols est fondé sur un certain nombre d’idées et d’obser vations que l’on peut résumer ainsi :

– le sol, par sa diversité et par sa multifonctionnalité, est l’un des fonde- ments les plus importants de la vie sur terre, l’un des facteurs majeurs des équilibres de la nature (document 1) ;

le sol se situe au cœur des problématiques de développement humain de notre temps. Il est notamment au centre des préoccupations alimentaires et environnementales que connaît le monde aujourd’hui. On constate cepen- dant que le sol est absent du débat : les décideurs, les médias et le grand public ne lui prêtent que très peu d’attention ;

– les sols, malgré leur rareté et leur vulnérabilité, continuent à être utilisés de manière non durable par nombre de sociétés humaines. Peu de choses sont faites concrètement pour atténuer les dégradations des sols ou pour améliorer la situation des sols dégradés dans le monde. Les systèmes économiques locaux et mondiaux sont responsables de cette situation.

– cette situation, porteuse de risque aussi bien pour les systèmes naturels que pour les systèmes humains, est en grande partie due à la méconnaissance du sol à tous les niveaux, depuis le citoyen ordinaire jusqu’au décideur politique. C’est pourquoi le sol est toujours absent du débat public et des choix de société.

Ces idées et observations ont été vérifiées et confortées. Elles permettent au Programme mobilisateur Sols d’affirmer aujourd’hui que :

  • Les sols constituent l’un des défis du XXIe siècle. Ils devraient préoccuper la communauté humaine autant ou plus que le changement climatique et/ou l’érosion de la diversité biologique terrestre, auxquels la dégradation des sols contribue d’ailleurs de manière significative (un fait longtemps ignoré). Les sols, par leur fertilité ou par leur dégradation, par leur influence sur l’eau, l’air et la vie, constituent un facteur de conflits potentiels pour le XXIe siècle.

  • Pour faire des sols un facteur de stabilité et de paix, la communauté humaine doit satisfaire, à tous les échelons, les conditions qui permettent aux divers sols du globe de remplir pleinement toutes leurs fonctions qui, somme toute, sont des services gratuits rendus à la biosphère et à l’humanité.

Le présent document

Durant la période 1995-2001, un dialogue stimulé et entretenu par le Programme mobilisateur Sols a permis l’émergence de nombreuses initiatives et propositions. Le présent document rassemble quelques perspectives concrètes de changement, susceptibles de contribuer à l’émergence de comportements et de pratiques conduisant à la préservation des sols des diverses formes de dégradation, et à la réhabilitation des sols déjà dégradés. Les présentes propositions ont été élaborées dans le cadre du Programme mobilisateur Sols. Elles ont été débattues puis mises en forme sous la direction de Rabah Lahmar, avec la collaboration de Mireille Dosso et Alain Ruellan, par : Jamin Akimaliev (Kirghizistan), Magerram Baba yev (Azerbaïdjan), Avaadorj Danzan-Ozor(Mongolie), Decoster Juliette (France), Rudi Dudal (Belgique), Rogerio Ferreira (Brésil), Zdenek Filip (Allemagne), Akif Gerayzade (Azerbaïdjan), Santosh Ghosh (Inde), Martin Held (Allemagne), Émile Houngbo (Bénin), Sabine Jourdain (France), Mamadou Khouma (Sénégal), Jaromir Kubat (République tchèque), Garib Mamedov (Azerbaïdjan), Vitaly Medvedev (Ukraine), Ali M’Hir i (Tunisie), Luca Montanarella (Italie), George Murdoch (Royaume-Uni), Aminata Niane Badiane (Sénégal), A. Otgonsuren (Mongolie), Claudia Partole (Moldavie), Michel Robert (France), Jean Baptiste Rwanika (Swaziland), Claude Saint Jarre (Canada), Yacouba Savadogo (Burkina Faso), Nicolai Smeyan (Biélorussie), Dovi Zamba (Togo)

Pour mettre en œuvre les propositions du Programme mobilisateur Sols : la création de Torba-Sols & Sociétés

Toutes les propositions mentionnées dans le présent document doivent être déclinées en objectifs à atteindre à court, moyen et long terme.

L’accomplissement de ces objectifs dépend de la mobilisation d’un grand nombre d’acteurs, personnes et institutions, et de moyens financiers. La question des sols concerne en effet les citoyens ordinaires autant que ceux qui sont investis d’une haute responsabilité, tout comme les institutions publiques ou privées, nationales, régionales ou internationales.

Il était important que le Programme mobilisateur Sols puisse continuer la promotion et la dissémination de ces idées et propositions. Les conditions devaient être créées pour lui permettre de :

  • Faire en sorte que les présentes propositions soient connues et prises en compte par toutes les structures appropriées, gouvernementales et non gouvernementales, en particulier celles concernées par l’environnement et le développement.

  • Rechercher une cohérence dans les actions de tous ceux qui agissent pour l’accomplissement de ces objectifs, en organisant la coordination et l’entraide aux niveaux local, national, régional et international.

Étant donné l’importance de cette tâche, il était nécessaire et utile que le Programme Mobilisateur Sols devienne une organisation à part entière. Les personnes et groupes impliqués dans l’élaboration de ce document ont donc créé au début de l’année 2002 l’association Torba-Sols & Sociétés, une ONG internationale.

Pour plus d’informations :

Site Internet : www.alliance21.org/fr/themes/soils.htm

SOMMAIRE

  • Préambule

  • Introduction

    • Document 1. Les fonctions remplies par les sols

    • Document 2. Agriculture intensive et dégradation des sols : le cas de la Bretagne

    • Document 3. Répartition globale des terres entre les pays développés et en développement

    • Document 4. Regards pluriculturels sur les sols

  • Première partie – Réhabilitation des sols dans la culture populaire

    • 1. Sur le plan de l’éducation conventionnelle

      Proposition 1. Mettre en place un enseignement assurant un savoir adéquat sur le sol

      Proposition 2. Mettre en place un enseignement supérieur sur les sols

    • 2. Sur le plan de l’éducation populaire et de la conscience publique

      Proposition 3. Mettre en place et accompagner des pratiques éducatives novatrices

    • 3. Un système de veille et de coordination des dynamiques éducatives pertinentes en ce qui concerne le sol

      Proposition 4. Mettre en place un système d’analyse, de soutien et de coordination

    • 4. Une symbolique forte

      Proposition 5. Mettre en place la Journée mondiale du sol

      • Document 5. Raconte-moi le sol

      • Document 6. Une communauté locale prend en main les problèmes du sol au Brésil

      • Document 7. Une expérience brésilienne d’éducation populaire

      • Document 8. Un livre de contes sur les sols en Moldavie

      • Document 9. Sols – La peau de la terre. Un projet au service de l’utilisation durable des sols

      • Document 10. Le secret de la plaine des Timbis

      • Document 11. Des timbres postaux pour la Journée mondiale du sol

  • Seconde partie – Le devoir de préserver les sols

    • 5. Aux échelles locale et nationale

      Proposition 6. Introduire des mesures incitatives

      Proposition 7. Comme les sols sont localisés, leur gestion durable doit relever en premier de la responsabilité de l’autorité locale

    • 6. Aux échelles régionale et internationale

      Proposition 8. Encourager l’application des initiatives régionales et subcontinentales visant l’utilisation durable des sols

      Proposition 9. Mettre en valeur et renforcer toutes les initiatives qui permettent d’atteindre l’objectif d’un instrument légal

      Proposition 10. Établir une série de règles irrévocables comme une convention internationale sur l’utilisation durable des sols

      Proposition 11. Signaler le sol et les impacts sur le sol dans toutes les négociations régionales et mondiales

      Proposition 12. Encourager toutes les initiatives de lutte contre la pauvreté dans le monde

    • 7. Réussir les mutations

      Proposition 13. Mettre en place des mécanismes et des politiques incitatives pour réussir les mutations dans les diverses activités en relation avec le sol

      • Document 12. L’Alliance en faveur du sol des villes et communes européennes

      • Document 13. Un réseau d’initiatives locales sur les sols

      • Document 14. Pour une convention internationale sur les sols (1)

      • Document 15. Pour une convention internationale sur les sols (2)

      • Document 16. Appel pour un Panel intergouvernemental sur les terres et les sols (PITS)

      • Document 17. Sur les aspects légaux de l’utilisation durable des sols

  • Troisième partie – La solidarité humaine pour sauvegarder un patrimoine universel

    • 8. Mobilisation et partage du savoir sur l’utilisation durable des sols

      Proposition 14. Constituer des réseaux d’information sur les sols.

    • 9. Entraide pour affronter les problèmes des sols

      Proposition 15. Mobiliser des fonds pour la conservation, la restauration, l’amélioration et, si possible, la construction des sols

    • 10. Sol et ONG environnementales

      Proposition 16. Attirer l’attention des ONG environnementales

      • Document 18. La pauvreté qui appauvrit

      • Document 19. Un système intégré pour mieux connaître et gérer les sols

      • Document 20. La séquestration du carbone dans le sol

  • Acronymes et Abréviations

  • Notes

Copyrights

© Éditions-Diffusion Charles Léopold Mayer, 2002

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