Title, subtitle, authors. Research in www.agter.org and in www.agter.asso.fr
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Étude de cas pour le rapport « Agriculture familiale et société civile face aux investissements massifs sur la terre » C2A 2010
Written by: Samuel L’Orphelin, Ramesh Sharma
Writing date:
Organizations: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER), Ekta Parishad, Coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale (Coordination Sud)
Type of document: Research Paper
AGTER a préparé deux études de cas avec des partenaires en Inde et en Chine, pour contribuer à la réflexion de la Commission Agriculture & Alimentation (C2A) de la plate-forme nationale de coordination des ONG françaises (Coordination Sud) sur les accaparements de terres.
Quatre autres études de cas ont été menées (Bénin, Guatemala, Madagascar, Pérou) par les membres de la commission afin de constituer un dossier illustratif et d’alimenter un rapport de synthèse sur le phénomène. A travers ses études, la C2A a cherché à analyser l’impact des « investissements commerciaux » sur les populations locales et le secteur agricole. Elle a souhaité ainsi mettre en avant les actions de ses partenaires au Sud.
3 éléments ont donc été développés dans l’étude de cas ci-dessous :
identification des types d’investissements : origines, finalités, évolutions ;
impacts de ces investissements, notamment en termes de foncier, sur les agricultures familiales ;
rôles et moyens d’action des sociétés civiles.
L’étude réalisée par Ramesh Sharma du mouvement Ekta Parishad porte sur l’installation puis l’expansion d’une zone de prospection minière et de transformation du minerai dans l’État du Chhattisgarh.
Même si, après l’indépendance, les gouvernements fédéraux successifs ont mis fin au système foncier semi-féodal et ont initié des réformes agraires à travers le pays, la distribution foncière en Inde est encore largement inégale et les droits fonciers des paysans sont peu (ou ne sont pas) sécurisés.
Parmi ces paysans, les Adivasis (indigènes) sont très mal lotis après s’être vu privés de leurs terres par l’État pendant des années. La reconnaissance de leurs droits progresse mais la mise en pratique est longue. La situation de l’état du Chhattisgarh, créé en 2000 et qui compte une population indigène importante, illustre pleinement ces difficultés. Très rapidement après la naissance de l’État, une politique industrielle et d’exploitation minière a été lancée puisque l’État du Chhattisgarh comporte de multiples ressources minières. En revanche, aucune politique de soutien à l’agriculture familiale n’a été dessinée puisque le gouvernement a décidé de donner la priorité au développement industriel, considérant la contribution du secteur agricole à l’économie de l’État comme marginale.
C’est ainsi qu’au début des années 1990, Jindal Steel & Power Ltd a installé des petites unités d’extraction de différentes ressources : eau, charbon, or et fer. La compagnie a poursuivi et agrandi progressivement ces activités d’extraction et de transformation jusqu’à dégrader une partie importante des terres indigènes. Les populations ont pu se mobiliser et s’unir rapidement pour protester contre les premiers accaparements de ressources. Trois mouvements de la société civile se sont mobilisés : Ekta Parishad (forum de l’unité)-mouvement populaire de sans-terre indiens, Chhattisgarh Mukti Morcha (Front de libération du Chhattisgarh) - parti politique local, Lok Shakti (la force du peuple) - petite organisation locale défendant l’autodétermination des populations autochtones.
Les mouvements ont développé diverses stratégies pour lutter contre l’appropriation des terres par la compagnie :
Consultation publique et confrontation avec les autorités ;
Blocage des routes, occupation des terres et marches ;
Recours juridiques basés sur le droit environnemental puisque les populations ne disposant pas de titres de propriétés formels ne peuvent pas défendre leurs terres ancestrales sur la base du droit indigène.
En dépit du non respect évident du droit environnemental, Jindal Power & Steel Ltd a eu l’autorisation de poursuivre ses activités en juillet 2005 avec l’aval du ministère de l’Environnement et des Forêts.
Pour contrer ce déni de démocratie, Ekta Parishad a lancé l’idée d’une grande marche nationale pour proclamer les droits des sans-terre et des petits paysans. Le 2 octobre 2007, les différents groupes locaux d’Ekta Parishad se sont rassemblés à Gwalior (25 000 personnes) et ont débuté la marche Janadesh 2007 (350 Km pendant un mois jusqu’à Delhi) pour interpeller le parlement et le gouvernement central et demander la poursuite de la réforme agraire lancée 60 ans plus tôt mais jamais finalisée. Le 29 octobre 2007, face à la pression des marcheurs lors de leur arrivée à Delhi, le gouvernement indien s’est engagé à créer des commissions d’enquêtes sur la question foncière en Inde et à légiférer pour résoudre rapidement les conflits fonciers et assurer une distribution foncière plus juste dans le pays (voir les articles relatifs aux actions d’Ekta Parishad : Résultats de Janadesh 2007 et Deux ans plus tard).
La mobilisation des sans terres (indigènes et non indigènes) pour leurs droits a ainsi gagné en puissance. Toutefois, elle n’est pas encore en mesure de contrer les accaparements de terres et la privatisation des ressources naturelles puisque l’application des nouvelles lois et réformes bute sur la mauvaise volonté des gouvernements étatiques et des autorités locales, qui refusent de s’y soumettre ou qui ne dégagent pas les ressources nécessaires pour que cette application soit effective.
Mais avec l’augmentation de l’insatisfaction générale dans les campagnes, Ekta Parishad est en mesure d’organiser une nouvelle action de masse en 2012 avec 100 000 personnes, pour obliger le gouvernement central a avoir la volonté et les moyens de faire appliquer les lois foncières qui existaient avant 2007 et celles qui ont été votées depuis.