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Natural Resource Governance around the World

Regards critiques sur la COP21 et l’accord de Paris non contraignant sur le climat. (Ed. # 29)

Written by: Equipe salairiée d’AGTER

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Organizations: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER)

Type of document: Newsletter

Ces derniers jours, les réflexions sur la gouvernance des ressources naturelles et l’avenir de notre planète ont été focalisées au niveau mondial sur la tenue de la Conférence des Nations Unies sur le Climat, la COP21. L’adoption par les 195 délégations nationales d’un texte commun sur le chemin à suivre et d’un accord devant être soumis à la signature des Etats a suscité à la fois beaucoup d’enthousiasme et de nombreuses réserves. Greenpeace France reprend dans un article intitulé « L’avenir en demi-teinte » l’expression d’un journaliste du Guardian qui résume ainsi ces perceptions différentes : « En comparaison de ce que cela aurait pu être, cet accord est un miracle. En comparaison de ce qu’il aurait dû être, c’est un désastre ». L’accord de Paris sur le Climat est-il le premier exemple, tant attendu, de réponse universelle adaptée pour résoudre les grands défis écologiques et sociaux de notre temps ? En attendant d’avoir pu faire une analyse plus approfondie du texte et des différentes réactions qu’il suscite, nous vous livrons un premier commentaire à la lumière de nos travaux antérieurs.

L’accord a été présenté comme contraignant par le Président de la COP21, mais les mesures proposées n’obligent en fait en rien les Etats qui le signeront. L’utilisation du conditionnel à maintes reprises dans le projet en atteste. Les engagements des États se limitent, semble-t-il, à 3 points :

  • Revoir périodiquement leurs ambitions de réduction d’émission de gaz à effet de serre à venir, en ne pouvant baisser leurs objectifs antérieurs.

  • Publier périodiquement une estimation la plus précise possible de leurs émissions réelles.

  • Participer à toute une série de mécanismes destinés à faire le suivi des mesures prises pour atteindre un objectif commun défini sur le long terme de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels.

L’accord reconnaît désormais l’adaptation au changement climatique au même titre que l’atténuation et l’existence de pertes et préjudices liés à celui-ci, mais la mobilisation de financements ne se traduit pas en objectifs chiffrés. Seule est réaffirmée dans la proposition le fait de ne voir qu’un « plancher » dans les 100 milliards de dollars prévus en 2009 pour contribuer à l’adaptation des pays dits « en voie de développement ».

Par ailleurs, les experts affirment que les engagements nationaux déposés actuellement ne permettent de limiter le réchauffement moyen qu’à 3 degrés. Aucun dispositif de sanction des États qui ne respecteraient pas leurs engagements n’a été mis en place, ni même évoqué comme une nécessité pour un proche avenir. Les États n’ont pas non plus commencé à organiser la mutualisation des moyens financiers nécessaires pour mettre chacun d’eux en situation équitable d’opérer l’indispensable transition énergétique agro-écologique et pour cesser à terme l’extraction des énergies fossiles.

Nous « voudrions » croire au miracle, nous « aimerions » rejoindre Laurence Tubiana dans son appréciation de l’accord comme une « prophétie auto-réalisatrice » mais le chemin qui nous reste à parcourir pour éviter le désastre sera long et parsemé d’obstacles.

On ne peut que se réjouir d’une avancée sur la base d’un processus multilatéral global, même si celle-ci reste très insuffisante, et des échanges nombreux qui ont eu lieu avec les représentations de la société civile, même si les propositions qu’elles portaient ont été très peu prises en compte, et si certaines manifestations ont été réprimées. C’est un chemin plus porteur d’avenir que les négociations secrètes menées entre quelques États sous l’influence directe de quelques lobbies d’entreprises multinationales toutes puissantes, comme c’est le cas autour des nouveaux accords commerciaux en cours de construction. Mais les difficultés du processus de la COP21 sur le climat nous montrent que c’est tout le système de gouvernance internationale autour des « Nations Unies » qui a besoin d’être perfectionné. Ce ne sont pas de simples améliorations à la marge qui pourront suffire à garantir l’avenir commun de l’humanité.

Si les États ont des fonctions vitales à assumer, il faut cesser d’attendre que les représentations qui les dirigent prennent d’elles-mêmes les bonnes décisions. Les mouvements citoyens organisés autour de l’enjeu climatique semblent conscients de la nécessité de construire une citoyenneté transnationale pour obtenir des États qu’ils aillent au-delà de la logique de défense de leurs seuls intérêts individuels. Il convient d’instituer des règles communes véritables pour résoudre les problèmes d’exclusion, de pauvreté de la majorité des humains et pour défendre notre territoire commun, la biosphère, face aux menaces qui risquent de la rendre impropre à la survie de l’humanité toute entière. Pour cela, il faudra nous doter de règles véritablement contraignantes, protégées par des juges supra-nationaux aux décisions desquelles Etats et entreprises ne pourront se soustraire. C’est possible, comme le montre le droit international du commerce et de l’investissement transnational. Comment ne pas voir là un défi majeur et urgent ?

Les pas de temps spécifiés par l’accord de Paris risquent de ne pas permettre d’aller assez vite pour éviter l’irréversibilité des processus. Les mécanismes qui sont à l’origine de nos comportements suicidaires en matière de développement et la recherche de profit à tout prix continuent de plus belle avec l’appropriation excluante et destructrice des ressources naturelles. Ce sont même celles de l’espace que visent maintenant les plus efficaces à ce jeu, avec l’adoption du Space Act par le Congrès des Etats-Unis au moment même où la conférence de Paris était réunie.

AGTER n’a pas directement travaillé sur la problématique du climat, mais l’association est engagée depuis 10 ans dans la lutte contre l’accaparement des terres et pour la protection des droits à la terre et aux ressources de leurs usagers, paysans, éleveurs nomades, pêcheurs familiaux, communautés forestières. Ces acteurs ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ce sont les grandes exploitations qui contribuent le plus au réchauffement climatique, alors que les petits producteurs agricoles, les petits éleveurs, les pêcheurs artisanaux et les populations autochtones participent depuis toujours dans leur immense majorité à une gestion durable des ressources naturelles, laquelle va de pair avec la fixation du carbone dans les sols, les forêts, les océans. Leurs savoirs et leurs pratiques seront indispensable pour que notre société dans leur ensemble puisse opérer la nécessaire mutation de son mode de vie. Il n’y a aura pas d’avancées notoires contre les changements climatiques sur la base de seules « avancées technologiques » et de « renforcement des capacités », deux éléments qui sont au cœur des propositions de l’accord de Paris. Croissance, consommation et profit nous conduisent à un effondrement global. Il nous faut changer à la fois de paradigme de développement et de modalités de gouvernance globale.

Ces objectifs rejoignent ceux que nous avons placés au centre de la dynamique du Forum Mondial sur l’Accès à la Terre et aux Ressources naturelles FMAT 2016 (31 mars, 1er et 2 avril, à Valencia, Espagne). Plus de 400 organisations paysannes et de la société civile, 9 institutions gouvernementales et plus de 500 citoyens des 5 continents appellent aujourd’hui à y participer. Il s’agit de construire des propositions et des alliances pour commencer à stopper les phénomènes de concentration des terres et de dépossession des populations rurales et des forêts, lesquels constituent également, tout comme le réchauffement climatique, une menace globale pour l’humanité.

Divers

La journée de débats sur l’accaparement et la concentration des terres en Europe, organisée au Comité Économique et Social Européen à l’initiative d’AGTER et du CERAI, s’est déroulée avec succès le 16 novembre dernier.

Le compte-rendu des riches discussions qui ont eut lieu ce jour-là est en cours de rédaction, nous vous le transmettrons dans une prochaine newsletter. Les vidéos de cette journée seront également très prochainement diffusées.

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