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Fondo Documental Dinámico
sobre la gobernanza de los recursos naturales en el mundo

Régulation des marchés fonciers et de l’utilisation de la terre: des outils pour réduire les inégalités. Illustrations à partir d’exemples européens

Escrito por: Michel Merlet

Fecha de redaccion:

Organizaciones: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER), International Land Coalition (ILC)

Tipo de documento: Estudio / Trabajo de investigación

Resumen

RÉSUMÉ EXÉCUTIF

Ce document analyse les expériences de régulation des marchés fonciers menées dans quatre pays : la France, l’Allemagne, l’Espagne et la Roumanie. Son objectif est d’aider les membres de l’ILC et les lecteurs en général, du Nord comme du Sud, à réfléchir à ce qu’il faudrait imaginer et construire dans leurs propres pays pour éviter une explosion des inégalités foncières. Il illustre le rôle central que la régulation des marchés fonciers a joué dans les pays développés au XXe siècle. S’appuyant sur des faits, il prend le contrepied des discours dominants qui affirment que le développement d’un marché libre des locations et des achats/ventes de terres serait la meilleure façon d’optimiser leur utilisation partout dans le monde, et tout particulièrement dans les pays du Sud.

Une croissance importante des inégalités d’accès aux terres agricoles a des conséquences néfastes pour toutes les sociétés, tant sur le développement économique et social que sur l’environnement et sur la paix. Depuis toujours, des mécanismes de natures très diverses ont permis aux sociétés humaines de contrôler le développement de ces inégalités. L’accès à la terre doit être constamment réajusté en fonction de l’évolution des unités de production, des transferts entre générations, des évolutions techniques, des contraintes écologiques, du développement des échanges, etc. Mais aujourd’hui, avec la transformation des « sociétés traditionnelles » en « sociétés marchandes », la plupart de ces mécanismes ne fonctionnent plus.

Les marchés fonciers n’étant pas susceptibles de s’autoréguler du fait des spécificités des ressources foncières et naturelles, ils deviennent irrémédiablement des marchés d’exclusion et de concentration où les inégalités ne cessent de s’accentuer. Abolir toute forme de marché et confier la gestion de l’accès à la terre uniquement aux États ne constitue pas une solution. Laisser les marchés fonciers se développer indépendamment de la société ne peut pas non plus fonctionner. Aujourd’hui, pour réduire les inégalités d’accès à la terre de façon durable et optimiser l’usage des sols afin de satisfaire l’intérêt général, il est indispensable de mettre en place des politiques de régulation des marchés fonciers, sous des formes adaptées à chaque situation. Si ces politiques peuvent être dans certains cas complétées par d’autres mécanismes (réformes agraires redistributives, modalités d’héritage, politiques fiscales, etc.), elles doivent dans tous les cas occuper une place centrale dans les politiques publiques du XXIe siècle, sur les différents continents, comme cela a été le cas dans la plupart des pays européens au cours du siècle passé.

En mettant en avant à la fois les réussites mais aussi les limites et les échecs des cas étudiés, le présent document souligne qu’il n’existe pas de modèle transférable clefs en main. Il faudra, dans chaque pays, que les citoyens construisent progressivement de nouvelles institutions pour gérer le commun que constitue la terre, en fonction des rapports de force en vigueur et suivant des modalités adaptées au contexte culturel, politique et social.

MESSAGES CLÉS

Pour durer, toutes les sociétés humaines ont dû contrôler la croissance des inégalités. Elles ont à cet effet développé des pratiques s’appuyant sur des types de familles très variés, sur des systèmes de production, des valeurs, des cultures et des systèmes politiques extrêmement divers. Avec le développement généralisé des rapports marchands, ces mécanismes traditionnels de contrôle deviennent inopérants. Les sociétés peinent à en inventer de nouveaux, ne parvenant plus à adapter leur gouvernance face à des transformations en accélération constante.

L’Europe a été un des pôles du développement des rapports marchands, mais aussi le centre des empires coloniaux qui ont profondément transformé le monde. Si la plupart des pays européens ont mis en place dans la durée des politiques de régulation des marchés fonciers qui ont joué un rôle central dans leur développement, ils ont imposé avec les autres « pays développés » des politiques totalement différentes dans les pays « en voie de développement ».

L’Amérique latine a connu un grand nombre de réformes agraires au XXe siècle, mais les inégalités d’accès à la terre y sont toujours parmi les plus fortes au monde. Une réforme agraire ne peut être qu’une mesure d’exception, limitée dans le temps. Ses effets de redistribution ne seront durables que si d’autres mécanismes permanents permettent d’éviter une re-concentration des terres : régulation des marchés fonciers, politiques fiscales, modalités d’héritage, etc.

La régulation des marchés fonciers est une modalité de gouvernance impliquant des « communautés » et exprimant les droits des personnes en tant que membres de ces « communautés ». Elle implique de reconnaître ou d’instituer des entités de contrôle politique disposant de droits collectifs, et pouvant établir des règles avec une certaine autonomie. L’ILC parle de « gouvernance foncière centrée sur les personnes ».

Les petits producteurs paysans et indigènes n’opèrent pas dans une logique de maximisation des profits. Ils intègrent l’intérêt des générations futures, en préservant la biodiversité, les sols, les forêts, etc. Ils produisent aussi plus de richesse nette par unité de surface que les entreprises capitalistes. C’est une des raisons pour lesquelles il est de notre intérêt à tous de stopper l’explosion des inégalités de l’accès à la terre entre les producteurs.

Comment limiter le développement des inégalités d’accès à la terre ? La réponse ne sera pas la même dans tous les contextes. Contrôler le développement de la concentration de la propriété foncière, renforcer et sécuriser les droits des locataires par rapport aux propriétaires, sont des mesures qui ont donné de bons résultats en France et en Allemagne dans la deuxième partie du XXe siècle. Mais des effets inverses ont été obtenus en Espagne, en Roumanie ou en Ukraine et ces mesures ne fonctionnent plus aujourd’hui en France avec le développement de l’agriculture sociétaire.

C’est aujourd’hui la concentration des droits d’usage sous toutes leurs formes qu’il convient de réguler. Avec la financiarisation de l’agriculture, ce sont aussi et surtout les droits d’usage « de fait » dont il importe de limiter la concentration, des droits qui sont transmis par des ventes d’actions ou de parts sociales ou par le recours à des entreprises de services. Le développement d’une maîtrise collective, par les habitants d’un territoire, de ces transferts permettra de promouvoir les formes d’agriculture répondant au mieux à l’intérêt général.

PLAN DU DOCUMENT

  • 1. Défis et cadre d’analyse

    • Introduction

    • Pourquoi les réformes agraires ne peuvent-elles pas toujours être des instruments adéquats ou suffisants pour corriger les inégalités d’accès à la terre ?

    • Les mécanismes de contrôle du développement des inégalités foncières dans la durée

    • Fondements théoriques

    • La régulation des marchés fonciers en Europe, une longue histoire

      • Rappel de quelques définitions

      • La régulation du fermage et du métayage

      • La régulation des marchés d’achat et de vente de terres agricoles

      • Que faut-il contrôler pour réduire les inégalités foncières : la concentration des droits de propriété ou celle des droits d’usage ?

  • 2. Exemples de régulation des marchés des locations

    • Le statut du fermage en France, élément clé de la modernisation de l’agriculture après 1945

      • Antécédents historiques et contexte

      • La mise en place de la régulation des locations de terres agricoles et de politiques visant à freiner le développement des inégalités foncières : les politiques des structures

      • Les finalités : sécuriser les producteurs face aux propriétaires

      • Les principales dispositions du statut du fermage

      • Impact et limites de l’application de la loi sur le fermage en France

      • Conclusions

    • Espagne, Roumanie : des évolutions qui invitent à ne pas idéaliser l’expérience française du statut du fermage et à préciser les conditions d’une politique efficace pour réduire les inégalités foncières

      • Les lois sur le fermage en Espagne de 1977 à aujourd’hui

      • La situation du fermage dans les régions de grande culture en Roumanie

  • 3. Exemples de régulation des marchés d’achat-vente de terres agricoles en Europe

    • L’expérience française de 1960 à aujourd’hui : les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) – intérêt, conditions du succès et limites

      • Les finalités du dispositif

      • Description détaillée des mécanismes

      • Impact et limites

      • Évolutions du dispositif

    • Allemagne. Une régulation beaucoup plus ancienne qu’en France

  • 4. Régulation des ventes de parts sociales/d’actions impliquant des transferts de droits d’usage des terres agricoles : un retour aux mécanismes du contrôle des structures

    • Limites des mécanismes fondés sur un droit de préemption d’un organisme de régulation

    • Ouverture sur d’autres dispositifs possibles, en s’inspirant des expériences passées du contrôle des structures

      • Les caractéristiques du contrôle des structures mis en place en France à partir des années 1960

      • De nouvelles commissions pour contrôler localement le creusement des inégalités foncières ?

  • 5. Conclusions

    • Privilégier les fermiers, les propriétaires terriens, ou les actionnaires des agroholdings ?

    • Créer de nouvelles institutions de gouvernance, de nouvelles « communautés » pour gérer la part de commun que recèle la terre

    • Quelques points essentiels à retenir pour générer de bonnes pratiques

  • Bibliographie citée dans le document

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