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Escrito por: Michel Merlet
Fecha de redaccion:
Organizaciones: Institut de Recherche et d’Applications des Méthodes de Développement (IRAM), Réseau Agriculture Paysanne et Modernisation (APM), Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH)
Tipo de documento: Estudio / Trabajo de investigación
L’examen des deux premières questions, celle de la reconnaissance des droits sur le foncier et celle de l’optimisation de l’accès à la terre nous a amené à nous poser dans les deux cas le problème de la gouvernance locale, ou dit en d’autres termes, de la capacité des populations à établir des règles permettant de gérer de façon durable et socialement satisfaisantes les ressources naturelles et foncières. Cette troisième question reprend ce thème relatif à la gouvernance tout en élargissant l’approche.
Parce qu’il s’agit d’un sujet fondamental qui dépasse les enjeux des deux premières questions, nous estimons qu’il fallait le traiter à part. Cependant, nous ne pouvons dans le cadre de ce cahier que l’évoquer de façon très rapide. Du fait de sa grande complexité et de son caractère très délicat sur le plan social et politique, il faudrait pouvoir y consacrer un espace beaucoup plus important. Nous ne ferons donc ici qu’une courte introduction au débat, en espérant pouvoir aller au delà dans un travail postérieur.
Reconnaissance et délimitation des territoires indigènes
L’idée de la nécessité de la reconnaissance des Peuples Indigènes et de leurs droits sur leurs territoires ancestraux a petit à petit gagné du terrain au cours des dernières décennies. L’article 14 de la convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail87, adoptée en juin 1989 à Genève, est très clair sur ce point: elle oblige les pays signataires à reconnaître et protéger les droits de propriété ou d’usage des peuples indigènes sur les terres qu’ils occupent traditionnellement.88
Les institutions internationales appuient un certain nombre de projets visant à la délimitation des territoires indigènes89. Un certain nombre de pays ont commencé à reconnaître les droits des peuples indigènes sur de vastes étendues, avec des modalités diverses et des degrés d’autonomie très dissemblables90. D’une façon générale, la question des territoires indigènes reste pourtant toujours aujourd’hui à l’origine de très nombreux conflits et, très souvent, la façon dont les régimes fonciers spécifiques qui s’y rattachent sont définis ne prend pas en compte les évolutions et les véritables intérêts des habitants. Le degré d’autonomie accordé aux populations reste le plus souvent insuffisant ainsi que les appuis qui leur permettraient de mieux se structurer et de moderniser leurs formes de gouvernements.
Reconnaissance de la diversité culturelle
Le lien entre un groupe ethnique et un territoire ancestral est souvent complexe et plusieurs groupes sociaux ou ethniques peuvent avoir des droits sur un même territoire.
L’exemple de l’articulation entre les pasteurs nomades (Peuhls, Touaregs, en particulier) et les agriculteurs au Sud du Sahara illustre bien les situations de ce type. André Marty dans la fiche # 2 de la seconde partie de ce cahier présente la difficulté des sociétés pastorales à être véritablement reconnues dans leur différence. La définition d’un territoire ne peut ici se faire de façon simple, en traçant des limites claires et précises. Les parcours évoluent suivant les caractéristiques climatiques, les droits à l’accès aux ressources fourragères et à l’eau sont partagés, et les complémentarités avec les agriculteurs sédentaires doivent en permanence s’adapter.
Un problème plus général de gouvernance locale
La réflexion que nous avons menée nous amène tout naturellement à ne pas considérer la revendication territoriale des peuples indigènes comme étant de nature différente des besoins des populations qui ne se définissent pas comme indigènes.
Dans tous les cas, qu’il s’agisse de « minorités » ethniques ou de populations métisses ou appartenant aux groupes majoritaires dominants, nous avons constaté le besoin de niveaux intermédiaires de gestion du foncier et des ressources et donc d’une gouvernance locale effective.
La différence fondamentale, c’est que les groupes indigènes ont gardé, du fait de leur culture propre, de leurs luttes pour exister, une conscience aiguë de leur différence et de leurs propres valeurs. Ils ont aussi su le plus souvent conserver des règles sociales internes, des mécanismes de résolutions de conflits, des us et coutumes qui constituent un capital sociétal visible pouvant être reconnu comme tel non seulement par eux mêmes mais aussi par les autres groupes sociaux. Si comme nous l’avons souligné, ces systèmes spécifiques d’organisation sociale et de pensée, ces mécanismes de pouvoir local originaux et « traditionnels » ne réussissent pas toujours à s’adapter suffisamment vite aux changements de l’environnement social et économique, ils existent et servent de base au combat pour leur reconnaissance. La situation est plus complexe dans les cas des sociétés métisses qui ne peuvent se rattacher à une culture et une structuration sociale traditionnelle.
Il y a aussi des « us et coutumes », des règles localement acceptées par tous au niveau local, des mécanismes de médiation des conflits, dans les sociétés paysannes qui ne revendiquent pas leur appartenance à un groupe indigène particulier, mais elles sont encore plus difficiles à faire reconnaître.
En ce sens, le besoin de créer ou de recréer au niveau local des mécanismes de gouvernance est général. Dans tous les cas, nous avons vu qu’une part des droits sur le foncier ne peut être individualisée ni transformée en marchandise. Cette part commune, qui varie suivant les cultures et l’histoire de chaque population, constitue la base du « territoire » sur lequel une population doit pouvoir exercer son contrôle, en dictant des politiques spécifiques. Mais si cette « autonomie » relative s’articule suivant les cas de façons très diverses avec des niveaux plus élevés, les Etats et avec des instances en cours de formation regroupant plusieurs Etats (et pouvant aller jusqu’à l’échelle de la planète toute entière), nous avons vu que son existence même est toujours nécessaire.
87 Cette convention n’avait été ratifiée que par 14 pays en l’an 2000.
88 Mais ce n’est pas vraiment en terme de droits de propriété et d’usage qu’il convient de raisonner dans ce cas. La recommandation contenue dans ce même article 14 de veiller à protéger également l’accès des indigènes aux terres qui ne sont pas exclusivement occupées par eux mais qu’ils utilisent pour leurs activités traditionnelles et leur subsistance, avec une mention spécifique pour les peuples nomades et les agriculteurs itinérants ne donne pas non plus d’éléments pour aller plus loin.
89 La Banque Mondiale, par exemple, accorde une place importante à la délimitation des terres indigènes dans son projet sur le foncier au Nicaragua. Mais le régime foncier des terres des communautés indigènes dans ce pays, comme dans beaucoup d’autres, reste défini de manière très insatisfaisante.
90 Le Panama a par exemple un statut particulier pour les territoires indigènes qu’il reconnaît (comarcas). Voir également l’expérience canadienne. La loi INRA en Bolivie reconnaît les droits des peuples indigènes sur leurs terres communautaires d’origine mais son application a posé de multiples problèmes.