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Fondo Documental Dinámico
sobre la gobernanza de los recursos naturales en el mundo

MALAWI. Ferteleza. Histoire d’une autonomie alimentaire africaine

2008 - 2010

Escrito por: Goulven Le Bahers

Fecha de redaccion:

Tipo de documento: Artículo / documento de difusión amplia

Resumen

Début 2010, le Dr. Bingu Wa Mutharika, président du Malawi, a pris la tête de l’Union Africaine. Ce petit pays enclavé aux confins de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique Australe, discret et méconnu, s’est enfin révélé comme un acteur important du développement en Afrique. L’agriculture est le secteur clé du pays, pourvoyant la majorité des emplois et des exportations. Mais ce secteur est dual et instable : d’un côté, une agriculture vivrière et familiale qui peine à subsister et de l’autre une agriculture industrielle exportatrice, gourmande en terre et en main d’œuvre. Malgré les foudres des bailleurs internationaux, c’est en choisissant d’aider les fermes paysannes que le président Bingu Wa Mutharika a permis au pays de vaincre les disettes chroniques et d’atteindre une sécurité alimentaire, certes encore fragile mais bien réelle. En réussissant ce pari tout en affirmant son indépendance sur le plan des politiques agricoles, le pays est donc porté en modèle dans toute l’Union Africaine. Se pose maintenant la question de la pérennité de cette situation. Le pays reste très pauvre, le système agraire polarisé entre agriculture familiale et agriculture capitaliste et les politiques agricoles dépendantes de la classe dirigeante et du marché des intrants.

Le Malawi est un petit pays d’Afrique Australe qui longe le grand rift africain au sud de la Tanzanie. C’est une fine lame de terre de 900 km de long et 150 km de large accolée au lac qui porte le nom du pays. L’altitude varie de 400 m à 3000 m et le climat y est tropical avec des nuances liées aux reliefs.

Avant son indépendance en 1964, le Malawi était un protectorat britannique et portait le nom de Nyassaland. Les premières élections conduisirent au long règne du Dr. Kamuzu Banda, qui dirigea le pays d’une main de fer jusqu’à sa mort en 1994. Depuis, deux présidents élus démocratiquement se sont succédés. Le président actuel, Dr. Bingu Wa Mutarika, est entré en fonction en 2004 puis a été réélu en 2009.

Avec 120 hab./km² le Malawi est un pays densément peuplé. La population est très majoritairement rurale et le secteur agricole représente 75% des actifs du pays. En effet, le climat du Malawi est propice à l’agriculture et la richesse de ses modulations permet une grande diversité de productions. Depuis le protectorat, l’agriculture est le pilier de l’économie du pays. Le Malawi a régulièrement dégagé des excédents de maïs et les grandes cultures de rente comme le thé, le café, le tabac ou la canne à sucre représentent une part déterminante des exportations. Malgré cette tendance et le fait que la croissance soit soutenue depuis de nombreuses années, le PIB /hab place le Malawi au 193ème rang mondial et le pourcentage de population sous-alimentée était encore de 35% en 2004. Comment un pays régulièrement exportateur de denrées agricoles peut-il maintenir une si grande partie de sa population sous un tel niveau de pauvreté ?

Pour bien comprendre la situation, examinons la situation agronomique et économique des fermes. La période productive se situe pendant la saison des pluies qui va globalement de novembre à avril. Les exploitations familiales doivent donc tirer parti de cette période pour produire les réserves qui permettront de faire vivre une famille pendant toute une année. Ces fermes sont de taille très réduite – environ 0,5 hectare pour une famille type de 2 adultes et 3 enfants – et leurs moyens de productions sont dérisoires : une ou deux houes et une machette. On est encore loin de la plus rudimentaire mécanisation. La principale culture est celle du maïs qui constitue, sous forme de nsima (sorte de polenta), le plat de base des Malawiens. Dans les champs, le maïs est associé à de nombreuses autres cultures, notamment des légumineuses telles que le pois d’angole ou l’arachide qui constituent la principale source de protéines de la population. Sur ces petites exploitations, la production est d’abord destinée à l’autoconsommation mais les surplus, quand ils existent, peuvent être vendus sur le marché local ou aux stocks d’intervention de l’Etat via l’ADMARC (Agricultural Development and Marketing Corporation).

Parallèlement, les fermes familiales produisent quelques cultures de rente qui leur permettent d’acquérir un revenu monétaire. C’est le cas notamment du tabac qui, même s’il est aussi produit à grande échelle dans les plantations industrielles, est massivement cultivé par les petits paysans malawiens. Ces familles rurales ont énormément de mal subsister grâce à leur activité agricole : la pression foncière due à la démographie est telle que la surface par exploitation devient trop petite pour subvenir aux besoins de la famille ; les difficultés d’accès aux intrants et aux crédits ne favorisent pas l’utilisation de moyens de production plus performants ; l’ouverture des marchés ne permet pas aux paysans d’avoir accès à des prix rémunérateurs. Il leur est donc nécessaire de trouver des revenus externes à leur ferme grâce à des petits commerces ruraux peu lucratifs, à des prélèvements sur le milieu naturel qui mettent en danger l’environnement (coupe de bois de chauffage pour la confection du charbon…) ou simplement en vendant leur force de travail à des exploitations plus importantes ou à des grandes propriétés. Les paysans pauvres passent donc moins de temps sur leur exploitation et entretiennent ainsi le cercle vicieux de la paupérisation.

Mais lorsque l’on traverse le pays, on distingue bien, dans les maillages des minuscules parcelles en cultures associées, d’immenses champs de thé, de tabac ou de maïs en monoculture. Les plants vigoureux sont semés en ligne, rien ne pousse entre les rangs et les champs sont bordés de miradors. Ces parcelles contrastent avec les petits champs paysans, et pour cause, elles sont la propriété de grandes exploitations industrielles. Ici, pas de cultures vivrières, les plantations ne sont pas là pour nourrir une famille mais pour rentabiliser un capital. La production est entièrement destinée à être vendue et, en majeure partie, exportée.

Certaines de ces propriétés remontent au protectorat britannique mais d’autres se constituent encore ou s’agrandissent sur les terres villageoises. Ces exploitations sont souvent issues de capitaux étrangers qui investissent au Malawi pour bénéficier du climat et du faible coût des terres et de la main d’oeuvre. En effet, les petits paysans vendent leur force de travail car leur ferme ne leur permet plus de nourrir leur famille pendant toute l’année. Les grands « Estates » peuvent donc puiser dans cette réserve de main d’oeuvre non-qualifiée à des salaires parfois inférieurs à un euro par jour.

Concernant la culture du thé, par exemple, au total 11 compagnies détiennent l’ensemble des plantations industrielles ce qui représente 85% des terres plantées en thé et 93% de la production du pays. Certains petits exploitants produisent aussi du thé, ils sont 6500 au total, exploitent 15% des surfaces en thé et récoltent 7% de la production nationale. Ces chiffres témoignent de l’extrême concentration de ce secteur. Mais le cas de la canne à sucre est encore plus éloquent. Une seule compagnie, d’origine Sud-Africaine, concentre l’ensemble de la production de canne sur près de 20 000 ha et a le monopole de la vente de sucre dans le pays. Elle emploie 10 000 salariés permanents et saisonniers sur deux sites de productions pourvus de raffineries.

Les petits producteurs se retrouvent donc en concurrence avec ces immenses exploitations à la fois sur le marché local et sur le marché international. Or, sur ces marchés, les prix sont sûrement rémunérateurs pour une entreprise ayant les moyens de produire de manière industrielle, mais pas pour un petit fermier qui cultive 0.5 ha avec sa seule houe.

On comprend mieux maintenant la précarité des paysans malawiens dans un système aussi dual et inégal.

Afin de soutenir le développement économique et de favoriser la sécurité alimentaire du pays, plusieurs politiques agricoles ont été mises en place depuis l’indépendance. Le régime autoritaire de Banda reposait sur le secteur agricole et le pays, bien que faisant partie des pays les moins avancés, dégageait régulièrement des excédents de maïs. L’intervention de l’Etat consistait essentiellement en la mise en place d’agences commerciales d’Etat : d’abord le FMB (Farmer Marketing Board) puis l’ADMARC (Agricultural Development and Marketing Corporation) à partir de 1969. Celles-ci avaient pour rôle de réguler

les prix des denrées agricoles et d’organiser des réserves de grain. Parallèlement à cela, des politiques de promotion de nouvelles techniques et de subventions aux intrants ont été mises en place à destination des petits producteurs. A la fin du règne de Banda en 1994, le nouveau président élu, Bakiliri Muluzi, a souhaité maintenir de telles politiques.

Mais le Malawi était très endetté et subissait les plans d’ajustement structurel de la Banque Mondiale et du Fond Monétaire International (FMI). En 1998, il est entré dans la liste des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). Le FMI et la Banque Mondiale ont alors demandé au pays de lourds efforts en matière de privatisation des structures gérées par l’Etat, notamment dans le secteur agricole. Sous ces pressions, les agences agricoles gouvernementales ont dû déstocker pour alléger les dépenses dues à la conservation des stocks, entrainant ainsi la fonte des réserves de maïs. Ce phénomène, couplé à des périodes de sécheresses et d’inondations, a fini par déboucher sur une importante famine début 2002. Cette situation illustre bien les résultats des politiques de développement des institutions de Breton Woods qui prévalent depuis une vingtaine d’années. La privatisation des services agricoles et le désengagement des Etats dans ce secteur de l’économie ont peu conduit à une reprise en main efficace par le secteur privé comme cela était censé se passer. Et lorsque ce fut le cas, ce n’était pas souvent dans l’intérêt général des communautés.

De crise alimentaire en crise alimentaire, le Malawi a commencé à drainer une aide internationale de plus en plus importante provenant des ONG et autres organisations caritatives. Le nombre de petits projets agricoles, portés par la charité du nord ou par le souci de communication de bailleurs occidentaux, se sont multipliés dans les campagnes jusqu’à aujourd’hui. Ils permettent aux bénéficiaires d’avoir accès à des intrants et d’assurer une production de subsistance à court terme. Mais on peut se poser des question sur l’impact de ces actions dans le long terme. Les projets sont parfois lancés sans coordination efficace avec les services de l’Etat et peuvent répondre à un certain clientélisme avec les autorités locales. Les principes de mise en oeuvre sont imposés par les cahiers des charges des bailleurs et ne correspondent pas toujours aux réalités sociales locales. Enfin, la multiplication de ces projets et des distributions tous azimuts d’intrants, de nourriture voire parfois d’argent, entrainent dans certaines zones une dépendance des bénéficiaires et ne favorise pas l’émergence de dynamiques locales.

En 2005, le scénario de la crise de 2002 semblait vouloir se répéter. Le Dr. Bingu wa Mutharika, nouvellement élu président du Malawi, a décidé de renouer, sur les fonds propres du gouvernement, avec une politique de subvention aux intrants au grand dam des bailleurs de fonds internationaux, du FMI et de la Banque Mondiale. Cette décision très audacieuse a porté ses fruits. Les prix d’accès aux engrais ont baissé de 80% et les paysans ont pu s’approvisionner en semences améliorées pour 30 kwachas le kilo au lieu de 650 kwachas. De manière spectaculaire, la récolte de maïs a plus que doublé en 2006 en passant à 2,7 millions de tonnes. Les mesures ont été répétées les années suivantes et le Malawi a non seulement pu satisfaire ses besoins intérieurs mais aussi vendre plusieurs centaines de milliers de tonnes de maïs au Programme Alimentaire Mondial et à des pays voisins. Face à ce succès, les bailleurs de fond, au départ scandalisés par cette politique, ont fini par admettre son bien-fondé. Le Malawi fut érigé en modèle sur le continent Africain et plusieurs pays tels que le Sénégal, la Zambie ou le Ghana ont décidé de le suivre dans cette démarche.

La situation agricole du pays et les politiques mises en place par le gouvernement font du Malawi un pays singulier qui s’éloigne des clichés que l’on peut se faire d’un pays d’Afrique aujourd’hui : pas de conflits armés, pas de famines dévastatrices et un gouvernement qui tient tête aux grandes institutions en gardant une ligne démocratique. Espérons que le président saura maintenir ce cap fragile et adapter ses politiques pour les inscrire dans un développement durable. En effet, ce programme de subventions doit déjà faire face à de nouveaux défis et de nombreux autres sont à venir. Ainsi, les autorités en charge de la distribution des subventions ne doivent pas céder aux sirènes de la corruption et du clientélisme. Les subventions doivent rester dans une mesure réaliste par rapport aux prix de marché des intrants dans un contexte de hausse des prix du pétrole afin de ne pas affaiblir les finances de l’Etat. Et enfin, bien que l’objectif de sécurité alimentaire soit prioritaire, il est impératif que les services agricoles travaillent avec les paysans sur des solutions techniques alternatives aux intrants chimiques issus des grandes firmes multinationales. Le développement de l’agriculture du pays, pour qu’il soit durable, doit être respectueux des hommes, de leur autonomie et de leur environnement.

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