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ALBANIE: du collectivisme absolu à une parcellisation égalitariste radicale.

Escrito por: Adrian Civici, (fiche éditée par Michel Merlet)

Fecha de redaccion:

Organizaciones: Institut de Recherche et d’Applications des Méthodes de Développement (IRAM), Réseau Agriculture Paysanne et Modernisation (APM), Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH)

Tipo de documento: Artículo / documento de difusión amplia

Fuentes documentales

Entretien avec Adrian Civici; Adrian Civici, « La réforme foncière et la consolidation de la propriété », article inédit (oct. 2001); Adrian Civici & François Lérin, « Albanie, sans transition » in Courrier de la Planète, N°47, septembre - octobre 1998.

La période collectiviste

L’installation au pouvoir des communistes en Albanie en 1945 avait été marquée par l’adoption immédiate d’une loi de réforme agraire entraînant l’expropriation sans indemnisation des grands propriétaires terriens, suivie de la confiscation de leurs moyens de production « superflus » et de tous les vignobles, vergers, potagers, jardins, pâturages et forêts dépassant les limites légales. En moins de deux ans, l’inégale distribution du foncier issue de la structure ottomane et du deuxième servage avait cédé la place à une société égalitaire de petits paysans; mais celle-ci allait aussi très vite disparaître du fait de la collectivisation forcée. La nouvelle structuration du secteur agricole s’était accompagnée d’une limitation du droit de propriété (interdiction des transactions foncières, vente, achat, location) et de la création de coopératives qui se concentreront de plus en plus. La collectivisation totale et forcée de l’agriculture, mise en place sous contrôle étroit de l’Etat conduira en vingt ans seulement à la socialisation complète des moyens de production. La Constitution de 1976 proclama l’abolition de la propriété privée, l’interdiction des lopins privés, mais aussi de la possession d’animaux. Nulle part ailleurs dans le monde, la stratégie de l’homme nouveau n’aura à ce point aboli les conditions matérielles de l’existence d’un travail paysan.

La rapidité du passage d’un système agricole profondément inégal à l’artifice « égalitaire » de la collectivisation a toutefois encore été dépassée par le caractère fulgurant du passage de la collectivisation à la privatisation totale de la terre.

Une privatisation radicale

L’effondrement du régime communiste en 1990 laisse l’Albanie dans un état de désorganisation absolue. La remise en cause par la population (et en particulier par les paysans) des structures collectives, allant jusqu’à leur destruction, conduit le régime pluraliste nouvellement élu à amorcer une réforme agraire, en promulguant la « Loi sur la terre », en Juillet 1991, quatre mois seulement après son accession au pouvoir.

Cette loi rétablit la propriété privée des moyens de production et fixe les règles relatives à la distribution foncière. La terre est rendue aux paysans de manière strictement égalitaire, en fonction du nombre de membres de chaque famille. Les terres cultivées dont disposaient les Coopératives Agricoles à la fin de l’année 1990, a servi de base à la cession gratuite aux familles paysannes enregistrées comme membres des coopératives au 31 juillet de la même année. Dans un premier temps (3-4 ans) il est interdit aux bénéficiaires de vendre, d’acheter ou de donner en location les terres reçues, afin d’éviter des transactions irrationnelles effectuées sous le coup du désordre dans lequel est plongé le pays au départ des communistes. Le principe de l’indemnisation des anciens propriétaires d’avant la réforme agraire de l’année 1946 est voté.

En 1990, les 700.000 ha de surface cultivée se répartissaient entre 160 fermes d’Etat de 1070 ha et 492 Coopératives de 1057 ha (en moyenne). Toute la terre est partagée en quelques années et en 1993, le secteur se compose de 467.000 nouvelles micro-exploitations, d’une superficie moyenne de 1,3 hectare, découpées en 1,8 millions de parcelles et d’un petit secteur privées de 30 exploitations de grande taille (2,2% de la surface agricole totale).

Ce phénomène de privatisation radicale, sans équivalent dans le monde, ne se limite pas à l’agriculture. La distribution sans transition de tout le patrimoine de l’Etat à la population a permis d’assurer une relative cohésion nationale et l’adhésion de la population, dans une situation ou le gouvernement ne disposait plus ni d’un véritable appareil d’Etat, ni de stratégie économique alternative. Le commerce privé et l’économie familiale agricole sont alors devenus le socle de la nouvelle société albanaise, le secteur agricole occupant 47% de la population active et contribuant pour 45% à la PIB.

Selon ces dispositions, environ 575.000 ha de terres agricoles devaient être distribués à plus de 450.000 familles de paysans. Ce sont alors crées environ 460.000 petites exploitations agricoles privées avec des surfaces variant de 0,5 à 3 ha par famille.

Surface cultivée selon la forme de propriété (en milliers ha) : Source : MAA, statistiques 2000
 1990199319971999
Surface cultivée704702700699
Secteur d’Etat1701702020
Coopératives agricoles504000
Secteur privé30533680679

Bien que la loi prévoie une répartition égale des terres, selon le nombre des membres dans chaque famille sur tout le territoire national, la réalité a été différente, notamment pour des raisons géographiques. Paradoxalement, c’est dans les régions où dominent les terres agricoles de plaine (et donc sur les meilleures terres) que les exploitations sont les plus grandes (dimension moyenne des exploitations 1,2 à 1,7 ha). En revanche, dans les zones de montagne (où les terres sont pauvres et morcelées), les exploitations ont une superficie moyenne de 0,2 à 1 ha seulement.

En 2000, 30% des exploitations ont entre 0,1 et 0,5 ha; 24% entre 0,6 et 1,0 ha; 35% entre 1,1 et 2,0 ha; et 11% des exploitations plus de 2,0 ha. (INSTAT, 2000).

Des problèmes spécifiques

Mais, en recherchant une égalité entre les types de terre et les conditions de production (terre irriguée ou non, terre en zone de plaine, de colline ou de montagne, proche ou éloignée de la route, etc.), les commissions de distribution de la terre ont morcelé encore plus le foncier revenant à chaque famille, créant quelques 1.800.000 parcelles. Cela fait qu’une famille paysanne possédant une surface de 1,3 ha peut disposer de 4 à 7 petites parcelles de 0,1 à 0,2 ha chacune, avec des distances de 1 à 10 km de la maison ou d’une parcelle à l’autre.

Ces données montrent que la majorité des familles des exploitants agricoles exercent leur activité productrice dans les conditions de structures foncières extrêmement petites. C’est un fait d’une grande importance qui influe sensiblement sur l’activité productrice de la ferme, sur les structures de production, la destination de la production, l’utilisation de la mécanique agricole, l’irrigation, etc.

Ce morcellement extrême a créé, ces dernières années, trois phénomènes négatifs en ce qui concerne l’agriculture et le développement rural:

  • l’anéantissement de tous les efforts de modernisation de la production (mécanisation, utilisation efficace de l’eau, réalisation de la rotation des assolements, etc.) ;

  • la mise en friche des terres éloignées de l’habitation. Selon les enquêtes réalisées, on voit que, pour les parcelles les plus proches, le pourcentage moyen d’abandon est de 10% alors que, pour les parcelles les plus éloignées, ce chiffre atteint 47% ;

  • de nombreuses difficultés pour la location et la vente des terres.

Dans ce contexte, de 1995 à 2000, les efforts des gouvernements et des autres institutions engagées dans ce domaine se sont concentrés sur trois directions principales :

  • Finaliser la distribution de la terre et fournir aux paysans des titres de propriété. Jusqu’à la fin du mois d’avril de l’année 2000, à peu près 92% de la terre prévue a été distribuée et à peu près 92% des paysans ont les documents correspondant.

  • Consolider la propriété: création d’un système moderne et unique d’enregistrement des propriétés immobilières. Pour appliquer ce système, le Parlement et le Gouvernement de l’Albanie ont modifié le cadre légal et ouvert des «Bureaux d’enregistrement» dans 34 districts du pays. Le projet financé à cet effet par l’US-AID (USA), le programme Phare (UE) et le Gouvernement de l’Albanie est appliqué actuellement dans 2.378 zones cadastrales (sur 3.046 zones au total).

  • Développer et dynamiser le marché foncier, un des objectifs prioritaires pour la période 1999-2003. Au cours des deux dernières années, le cadre légal en ce qui concerne la vente, l’achat et la location de la terre agricole a été complété, afin de faire disparaître tous les obstacles légaux pour le développement du marché foncier. L’application de ces politiques s’est matérialisée par un développement rapide des transactions depuis 1999. Fin avril 2000, plus de 40.000 transactions, dont 15.000 portant sur des terres agricoles avaient déjà été enregistrées.

Une protection et une administration plus efficace de la terre agricole sont devenues nécessaires. En analysant les transactions du marché foncier on peut constater deux phénomènes :

  • premièrement, des ventes directes et définitives de terre dans la périphérie des grandes villes, au bord des routes nationales ou dans les zones industrielles et touristiques. La destination finale de ces terres agricoles a été la construction d’installations industrielles, de centres d’habitation, d’installations socioculturels, d’hôtels et de restaurants touristiques. Le prix de vente va de 40 à 150 dollars par mètre carré.

  • deuxièmement, des ventes partielles ou la location de terres qui continuent à être utilisées comme des terres agricoles. Ce phénomène est typique des zones agricoles de l’intérieur, près des grandes villes ou des centres de transformation. Les acheteurs ou locataires sont principalement des agriculteurs ou des éleveurs du voisinage qui investissent pour augmenter leur production ou bien des investisseurs étrangers qui, en collaboration avec des partenaires du pays, investissent dans les produits destinés à l’exportation.

Une utilisation de la terre trop extensive

Différents indicateurs - proportion des terres laissées en friche par rapport à la surface agricole totale et nombre des semailles par an - montrent que l’utilisation de la terre n’est pas aussi intensive que pouvait le laisser espérer la très petite taille des exploitations.

Les données disponibles pour 1997-1999, montrent l’importance des friches dans l’agriculture albanaise: 43% des fermes agricoles en Albanie laissent en friche 14% de leur terres agricoles. Ce phénomène est plus important dans les district du Sud du pays où les friches couvrent 35% des terres agricoles pour 80% des exploitations. Il est moindre, mais toujours présent, dans les districts du centre, en particulier dans la dépression occidentale, la région la plus fertile du pays, où 26-36 % des fermes ont des friches qui occupent 5-10 % de la surface. L’analyse de ce phénomène est difficile. Plusieurs facteurs de caractère économique, psychologique, agronomique et culturel peuvent être à son origine: la fragmentation de la propriété foncière, le caractère inapproprié des infrastructures, le flux des revenus financiers d’origine étrangère qui rend moins attractif le travail agricole (surtout dans le Sud), le manque de moyens financiers pour cultiver toute la superficie disponible, la mauvaise qualité des terres et le faible niveau des rendements.

Dans de telles conditions, le remembrement de la terre semble constituer une nécessité. Il y a aussi d’autres problèmes tels que l’échange des parcelles entre les familles, l’encouragement à la location entre familles du même village, etc.

Une insécurité foncière encore latente

La sécurité de la possession de la terre reste encore un élément sensible, beaucoup moins facile à appréhender qu’il ne paraît au premier abord. Il convient en effet de distinguer la sécurité formelle d’une part (possession de documents montrant qui a les droits sur une terre, exactitude des documents, et sûreté des mécanismes d’enregistrement et de publicité foncière), et la sécurité subjective de la possession, qui se réfère à la façon dont les exploitants ressentent la force des leurs droits sur la terre.

Au travers des nombreuses enquêtes que nous avons réalisées entre 1997 et 2000, nous avons découvert l’importance de la validation sociale au niveau local des modes d’accès historiques à la terre.

Dans les zones où les terres n’ont pas d’anciens propriétaires, comme par exemple les terres de bonification, le fait d’avoir un document définitif de propriété constitue pour les paysans un facteur important de sécurité foncière. Il existe toujours des paysans, qui même après plusieurs années d’exploitation de la terre, n’ont toujours pas de titre et se sentent pour cela en insécurité.

Dans les zones où les terres étaient appropriées avant la collectivisation, la sécurité de la possession foncière d’un ayant droit dépend largement de l’origine des terres qu’il a reçues. Si cette possession s’applique entièrement ou partiellement à des terres qui autrefois appartenaient à son père, le sentiment de sécurité est fort, car la possession est plus légitime aux yeux des habitants. Le titre de propriété officiel n’est donc qu’un élément, mais pas le seul: quand une personne dit « j’ai la terre de mon père - çà veut dire que j’ai eu la quantité de la terre qui m’appartient selon la loi de 1991, mais je me suis installé dans les anciennes terres de ma famille ».

Ce sentiment d’insécurité foncière agit directement sur la liberté des paysans de décider de l’utilisation des ressources, quand bien même ils disposent de documents «formellement en règle». Ainsi, le fait que la parcelle en possession de quelqu’un ait été ou non une «terre de son père», est particulièrement important dans la détermination de son degré de liberté dans son utilisation et aménagement. Le droit de décider sur les terres reçues selon la loi de 1991 qui n’appartenaient pas historiquement à la famille est sensiblement limité du fait de la pression des ex-propriétaires, par la peur de changements dans la loi, par des divergences entre voisins ayant des prétentions opposées, etc. La vente de terre, les constructions et les investissements à long terme sont parmi les problèmes auxquels les paysans sont plus sensibles. La peur de perdre la terre se reflète sensiblement dans l’hésitation des paysans d’investir sur les terres où «existent des prétentions des autres».

Un avenir à consolider et des politiques agricoles à construire

La structure agraire actuelle en Albanie ne peut être que transitoire. On voit que la remise de titres de propriété en règle ne suffit pas en soi à régler les questions de fond qui se posent autour du foncier. Les transformations, pour radicales qu’elles aient été, n’ont pas totalement gommé les rapports sociaux antérieurs.

L’évolution vers la constitution d’unités de production modernes et viables sera-t-elle possible par le seul biais des marchés fonciers (propriété et de location) ? L’organisation de structures coopératives nouvelles pourra-t-elle y prendre part ?

Pour que puissent s’exprimer pleinement les potentialités de la nouvelle production agricole familiale, l’Albanie aura besoin d’une politique agricole cohérente à diverses facettes qui puisse aider à la restructuration en profondeur du monde paysan. Les modalités d’intégration du pays au marché mondial, les formes de gestion du foncier et la place que pourront jouer dans le futur les organisations professionnelles agricoles pèseront probablement fortement sur les évolutions à venir.

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