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Cours en ligne d’AGTER et de la INTERNATIONAL LAND COALITION (ILC). Avril - Mai 2020
Escrito por: Michel Merlet, Mathieu Perdriault
Fecha de redaccion:
Organizaciones: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER), International Land Coalition (ILC)
Tipo de documento: Documento de trabajo
Semaine 1, Ce qu’il faut retenir.
Nous avons appris lors de la première semaine du cours que :
Le terme « accaparement de terres » peut recouper des situations très diversifiées, même s’il est surtout utilisé dans les médias pour désigner les saisies par des entreprises multinationales de vastes surfaces.
Le phénomène va de pair avec le développement à l’échelle mondiale de la propriété privée de la terre, associé à celui de l’économie de marché capitaliste qui privent d’accès à la terre et aux ressources naturelles une partie de plus en plus importante des populations.
Il s’agit d’un phénomène ancien, mais qui prend des formes nouvelles depuis les années 1970, avec une accélération notoire en 2007-2008. Celle-ci s’opère sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs, en particulier la crise financière, la demande en agrocarburants, la hausse des prix des produits alimentaires.
Dans tous les cas, le phénomène peut être défini comme un processus par lequel une minorité d’acteurs s’approprie de la terre au détriment des intérêts du plus grand nombre.
On a vu que les situations de forte exclusion des populations de l’accès à la terre ne concernent pas seulement les surfaces cultivables de grande taille.
L’accaparement des terres ne se limite pas aux pays en développement mais touche aussi les pays développés : en Europe, notamment à l’est sous des formes assez semblables à celles que l’on observe dans les pays du Sud, en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest avec l’augmentation croissante de la taille des unités de production et la polarisation des structures agraires.
L’accaparement des terres est parfois à l’origine de conflits manifestes, mais le plus souvent il alimente des conflits latents, en créant des situations de violence structurelle, qui ne s’exprime pas forcément par des destructions physiques ou humaines et qui ne suscite pas nécessairement des révoltes ou des résistances ouvertes.
En appréhendant l’accaparement des terres essentiellement à partir des situations les plus récentes, les plus spectaculaires et uniquement dans les pays du Sud, on est très loin de prendre la véritable mesure des phénomènes en cours et on risque de ne pas apporter les réponses qui seraient nécessaires.
Il nous faut maintenant approfondir l’analyse dans cette perspective (voir semaine 2 du cours), avant d’aborder les outils qui permettraient de contrecarrer le développement des inégalités d’accès `la terre et aux ressources, si celle-ci est négative, voire dangereuses pour l’humanité (voir semaine 3 du cours)
Semaine 2, Ce qu’il faut retenir.
Cette deuxième semaine du cours, en analysant les acteurs, leurs discours et les moyens dont ils disposent, a montré le rapport de force disproportionné sur lequel reposent toutes les situations d’accaparement des terres. Dans ces situations, les acteurs se répartissent entre populations directement concernées (agriculteurs familiaux, éleveurs pastoraux, communautés forestières), les citoyens de manière générale, les autorités aux différents échelons administratifs, les Organisations Inter Gouvernementales et les entreprises aussi bien nationales que multinationales.
C’est au nom de l’intérêt général (croissance économique, création d’emplois, accroissement de la production alimentaire) que les Etats, les OIG et les entreprises justifient le rôle de l’agriculture capitaliste à grande échelle et donc le besoin de lui allouer d’énormes surfaces. Dans ce discours dominant, une place est accordée à l’agriculture familiale à condition que celle-ci reste « compétitive » aux côtés d’une agriculture capitaliste à grande échelle bien mieux pourvue de moyens pour se développer. Dans cette mise en concurrence c’est bien cette dernière qui marque la cadence, malgré la faible contribution à la création de richesse qu’elle apporte dans de nombreux cas.
A partir d’un certain nombre d’exemples, nous avons montré à quel point le discours dominant qui considère que seule la grande production agricole capitaliste à salariés (en incluant ses formes dérivées comme l’agriculture contractuelle) était susceptible de contribuer au développement étaient mystificateurs. La « grande production » ne doit son apparente supériorité qu’à sa capacité à s’approprier des rentes naturelles et des rentes issues des politiques publiques, et à la distribution de la valeur ajoutée qui bénéficie très majoritairement aux détenteurs du capital de ses entreprises. Nous avons montré qu’elle n’était pas susceptible de produire autant de valeur ajoutée par hectare que la production familiale / paysanne, que son développement s’appuyait sur l’utilisation massive de combustibles fossiles et de ressources non renouvelables, nous avons souligné qu’elle se développait en priorité dans des zones de forêts riches en biodiversité, en contribuant gravement à l’aggravation des problèmes écologiques planétaires actuels. Enfin, nous avons compris que la généralisation sur la surface du globe de ce modèle de production conduirait à une situation de chômage totalement insupportable. Indépendamment des graves problèmes de violation des droits de l’homme qui sont souvent dénoncés, le modèle de la grande production capitaliste à salariés est donc globalement incompatible avec l’intérêt de l’humanité dans son ensemble.
Nous avons aussi rappelé que la libéralisation du commerce mondial des produits agricoles et la transformation de la terre en marchandise contribuaient très directement à la création d’une situation insoutenable, en mettant en concurrence des producteurs aux niveaux de productivité de plus en plus inégaux.
Pourtant, les États continuent à promouvoir de plus en plus de traités de libre-échange. Pourtant, des facilités considérables sont proposées par les Etats aux grands investisseurs nationaux ou internationaux pour accéder à la terre ou pour pérenniser des situations plus ou moins anciennes de grande inégalité dans l’accès au foncier : nouveaux codes fonciers, programmes massifs de titrisation foncière, cartographies des terres « disponibles », banques de terres, exemptions fiscales, subventions, dérégulation des marchés fonciers, etc. Pourtant, les grandes agences internationales (Banque Mondiale) recommandent aux États potentiellement « récepteurs » de s’adapter aux besoins des investisseurs.
Nous avons cité des exemples de la violence physique que les autorités et parfois les investisseurs eux-mêmes utilisent dans certains cas (évictions forcées, destructions des villages, répression de la contestation). Cette violence physique est la manifestation la plus visible des rapports de domination sur lesquels reposent les situations d’accaparement : les acteurs dominants (autorités, investisseurs, OIG) en décidant du cadre normatif qui règle le développement du secteur agricole, justifient le saisissement des terres, leur réallocation à de nouvelles activités, et l’éviction de certaines populations avec les conséquences qui s’en suivent pour celles-ci et pour la collectivité (pauvreté, chômage, insécurité alimentaire, multiplication des bidonvilles, émigration massive, etc.).
Ces situations – dans leur diversité – peuvent faire naître un sentiment d’impuissance. Le rapport de force est déséquilibré au point que s’opposer au mouvement d’accaparement des terres semble une tâche impossible.
Pourtant les exemples de mobilisation et d’opposition contre ce mouvement sont abondants hier comme aujourd’hui. Ils démontrent que des leviers d’action existent aussi pour ceux qui souffrent de la domination. La portée de leurs démarches passe néanmoins par définir des stratégies reposant sur une bonne connaissance pratique des ressorts de cette domination. Dans ce sens, cartographier les acteurs (et les rapports qu’ils entretiennent entre eux) avec un degré suffisant de complexité peut être utile.
La troisième semaine du cours portera les différents types de réponses qui sont données aux situations d’accaparement. Nous interrogerons la capacité des dominés pour agir malgré les contraintes que font peser les institutions sociales. En partant de l’échange sur des cas concrets, il s’agira de discuter des conditions de leur mise en œuvre ainsi que des raisons de leur échec ou de leur succès.
Semaine 3. Ce qu’il faut retenir.
Nous avons montré dans cette partie du cours que l’agriculture sous contrat est susceptible de favoriser des situations de concentration foncière, en ce sens qu’elle exclut la frange la plus pauvre de la paysannerie – comme dans le cas indien – et qu’elle réduit l’autonomie dans l’usage de leurs terres par les paysans qui en « bénéficient ».
Par ailleurs, nous avons vu que les principes de la RSE et les Directives Volontaires du CSA, s’ils permettent de réduire les impacts négatifs des accaparements de terres, n’interviennent pas en profondeur sur les structures du rapport de force en jeu dans les accaparements. La RSE laisse aux entreprises privées la tâche de s’autoréguler – sans besoin d’appliquer des cadres contraignants. De même, les DV n’ont aucun caractère contraignant et leur application est laissée au bon vouloir des Etats.
De manière générale, les grandes institutions internationales – telles que la BM et la FAO – sont moteurs des accaparements de terres en reconnaissant la nécessité de promouvoir les investissements agricoles privés et la déréglementation des économies dans les pays en voie de développement. En cela, ces mêmes acteurs n’apparaissent pas crédibles comme défenseurs de l’agriculture paysanne. En effet, ces mécanismes ne peuvent donc pas être vus comme des vecteurs de transformations structurelles des situations.
A l’opposé, prendre en compte des « communs » à différents niveaux contribue à changer structurellement les rapports de force, en permettant d’élargir les alliances, et en donnant ses chances à un accès à la terre plus équitable. Le statut de « commun » implique de s’attaquer à l’exclusion de l’accès à la terre et aux ressources dont nombreux paysans dans le monde sont victimes et à favoriser les modèles d’agriculture qui pourvoient au mieux la société en biens matériels mais aussi en biens publics. Il oblige également à renforcer les différentes communautés ou les différentes institutions qui seules permettent d’en assurer la durabilité.
Un basculement dans les rapports de force est indispensable pour changer fondamentalement la structure sociale et parvenir à une véritable régulation de l’accès à la terre, qui soit compatible avec l’intérêt de l’humanité dans son ensemble. C’est bien le défi que l’ILC s’est fixé en travaillant à créer aux différentes échelles les conditions d’un changement politique inclusif qui réponde aux intérêts des populations, ce qui en anglais est appelé People-centred Land Governance. Si dans certains cas c’est par le recours à la violence directe (lutte armée) que le basculement dans les rapports de force s’est frayé un chemin, dans d’autres c’est par des voies démocratiques, par la non-violence et la désobéissance civile que le renversement de l’accès inégalitaire à la terre a été possible.
Potentiellement, tous les groupes ont du pouvoir. La question reste comment modifier les relations de pouvoir par des moyens non-violents. Une répartition inégale de pouvoir repose sur un système de soutiens de toutes sortes. C’est en supprimant ces soutiens, en les lui retirant, qu’il est possible de renverser une structure de pouvoir déséquilibrée.
Nous n’avons fait que l’évoquer, mais il convient de garder à l’esprit que dans le contexte mondialisé que nous connaissons, un retour aux nationalismes et à la fermeture généralisée des frontières semble extrêmement dangereux et serait sans doute contreproductif. Le défi de la construction de nouvelles modalités de gouvernance mondiale semble incontournable, tant pour traiter les problèmes de concentration foncière et d’accaparement que nous avons analysés, mais aussi ceux liés au réchauffement climatique et à l’effondrement de la biodiversité.