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Versión Española: La situación de la tierra y de los bosques en Guatemala
Escrito por: Pierre Merlet, avec l’appui de UT’Z CHE et d’ACOFOP
Fecha de redaccion:
Organizaciones: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER), Asociación de forestería comunitaria de Guatemala (Ut’z Che’), Asociación de Comunidades Forestales de Petén (ACOFOP)
Tipo de documento: Estudio / Trabajo de investigación
Un dossier documentaire sur les forêts du Guatemala ne peut pas faire l’impasse sur la situation de polarisation sociale qui caractérise la société guatémaltèque et sur la concentration très forte de la terre et des ressources naturelles.
L’histoire du Guatemala a été marquée par des processus de dépossession des terres des communautés indigènes et paysannes et par la concentration de ces mêmes terres dans les mains d’un groupe réduit d’acteurs privés. Cela a entraîné l’exclusion des populations locales de la vie économique et politique du pays avec des conséquences dramatiques qui restent encore aujourd’hui sans solution.
Données générales sur le Guatemala
1. Géographie
Le Guatemala est un pays d’Amérique Centrale dont les limites sont le Mexique au Nord, Belize et la Mer des Caraïbes à l’Est, le Honduras et le Salvador au Sud et l’Océan Pacifique à l’Ouest. Au sein du pays, trois grandes régions peuvent être identifiées :
Une région montagneuse et de hauts plateaux appelés Altiplano (plus de 4000 m d’altitude). Cette région est la plus peuplée du pays et c’est là qu’habite la plus grande partie de la population indigène. Elle se caractérise par une structure agraire diversifiée avec la coexistence de grandes exploitations agricoles capitalistes et de petites exploitations familiales de subsistance. On la considère cependant comme la région par excellence de la petite production familiale paysanne et indigène. Finalement, c’est une région où l’on retrouve de nombreuses aires de forêts de petite dimension essentiellement composées de conifères.
Les plaines de la côte Pacifique. Cette région se caractérise par des terrains plats, de basse altitude et très fertiles dans lesquels prédominent des grandes exploitations capitalistes, essentiellement couvertes de plantations de canne à sucre. On y trouve peu d’espace couvert par des exploitations familiales de petite taille ou par de la forêt.
Les terres basses du Nord et le Petén. Historiquement, il s’agit d’une région de colonisation agraire pour la mise en place de systèmes d’élevage extensifs à grande échelle. Le Nord, c’est-à-dire le département du Petén, est couvert par une grande forêt tropicale humide qui fait partie d’une réserve naturelle: la Réserve de Biosphère Maya.
2. Quelques indicateurs importants1
L’importance de l’accès à la terre dans l’histoire agraire du Guatemala
Le développement de l’agriculture au Guatemala a été influencé par différentes étapes historiques importantes. Tout au long de cette histoire, l’accès à la terre a été un facteur fondamental dans le processus de création et d’accumulation de richesses et dans la mise en place des relations sociales qui existent encore aujourd’hui entre les différents acteurs de la société.
Une première étape qui a influencé le développement agricole du pays se situe à l’époque précoloniale. Les populations indigènes qui vivaient alors au Guatemala avaient leur propre conception de l’espace, de la terre et de la propriété. La notion de propriété individuelle absolue n’existait pas et, au contraire, la terre et les ressources naturelles dans leur ensemble étaient considérées comme un patrimoine commun sur lequel certains acteurs individuels ou collectifs pouvaient, en tant que membres d’une communauté spécifique, disposer de droits de possession et d’usufruit.
Ce système fut bouleversé après la conquête espagnole. En effet, que ce soit dans la pratique (de facto, au travers de la conquête militaire) ou dans les lois (de jure, avec l’imposition d’un nouveau système légal), la Couronne Espagnole s’appropria toutes les terres de la région, spoliant de ce fait les communautés indigènes de leurs droits historiques sur la terre et les ressources naturelles. C’est ainsi qu’une nouvelle façon d’obtenir des droits sur la terre fut légalement introduite. L’Etat espagnol, et plus particulièrement le roi d’Espagne, devint, dans le nouveau cadre légal, l’unique détenteur de tous les droits sur la terre et les ressources naturelles des territoires conquis. Le roi pouvait ensuite transférer ou vendre ses droit à d’autres acteurs ; essentiellement des colons espagnols. Les nouveaux ayants-droit acquéraient alors non seulement des droits sur le foncier mais aussi sur toutes les autres ressources se trouvant sur la portion de territoire correspondante (les autres ressources naturelles mais aussi les populations indigènes qui y vivaient). Ceci donnait légalement à ces nouveaux ayants-droit un caractère proche de celui de propriétaires absolus de la terre et des ressources. Cependant, la Couronne espagnole transféra également des droits collectifs à des communautés indigènes sous la forme de terres communales et les soumettant au paiement d’un impôt. Ceci reviendra à légaliser une situation de fait puisque ces communautés étaient en possession de ces terres depuis des générations. Mais, au travers du paiement de l’impôt, ce fut surtout une façon d’insérer les populations indigènes dans le système économique colonial (en particulier en tant que main d’œuvre pour les grandes propriétés de colons espagnols). Le processus de colonisation espagnole eut comme conséquence la déstructuration des sociétés indigènes préexistantes, en particulier de leur relation avec la terre, la spoliation des droits de ses communautés sur la terre et les ressources naturelles et la mise en place de nouvelles relations de pouvoir au sein desquelles les colonisateurs prirent une position de force alors que les indigènes furent réduits à devenir de simples ouvriers agricoles pour les nouveaux grands propriétaires.
Le Guatemala obtint son indépendance en 1821 mais cela ne correspondit à aucun changement réel dans les relations de force préexistantes localement. L’indépendance de 1821 correspondit en effet à une indépendance des secteurs les plus puissants au sein de la société guatémaltèque face à l’Etat espagnol, qui conserva les relations sociales existantes entre ces secteurs et les populations indigènes. Après l’indépendance, le nouvel État national, qui était donc entre les mains de secteurs non-indigènes, reçut légalement ‘en héritage’ les droits dont disposait le Roi d’Espagne sur les terres et en particulier la capacité de transférer ces droits à d’autres acteurs. Cela signifia donc la conservation du même système de création de droits depuis le haut et la poursuite des processus de spoliation des droits des populations indigènes et de concentration des droits sur la terre entre les mains d’un petit secteur de la société ayant le pouvoir. Entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème, des réformes caractérisées comme libérales renforcèrent ces mécanismes de domination de certains groupes sociaux. On vit notamment à cette époque la mise en place de nouvelles formes de travail obligatoire qui perdurèrent au Guatemala jusqu’en 1945. De plus, ces réformes servirent pour renforcer la position des groupes le plus puissants dans leur lutte pour l’appropriation des terres qui leur échappaient encore, c’est-à-dire les terres communales. Ceci s’effectua en déstructurant les régimes de propriété existant encore sur les terres communales au travers de la privatisation et parcellisation des terres collectives des communautés indigènes, de la vente des terres en friche et de la confiscation des terres de l’Église. C’est également durant cette période que l’État a accordé les premières concessions à des entrepreneurs agro-industriels étrangers.
Ceci conduisit à l’exclusion des secteurs ayant moins de pouvoir (populations indigènes et métisses pauvres) et rendit impossible le développement d’un secteur agricole familial et paysan. En effet, ce secteur fut dépossédé de ces droits sur la terre et obligé de vivre et travailler dans des exploitations de très petite taille alors qu’en même temps quelques propriétaires terriens très peu nombreux accumulaient de larges surfaces de terres. Au milieu du XXéme siècle les gouvernements réformistes des présidents Arevalo et Arbenz tentèrent de mettre en marche des changements radicaux pour trouver une solution à cette situation notamment au travers de trois réformes importantes : l’abolition du travail obligatoire dans les zones rurales ; la promulgation d’une loi reconnaissant le concept de prescription acquisitive (c’est-à-dire permettant aux individus ayant travaillé des parcelles pendant dix ans d’obtenir un titre de propriété ‘supplétoire’); la tentative de réaliser une réforme agraire (expropriation des terres non utilisées et redistribution de ces terres à des familles paysannes). Ce dernier aspect généra une grande mobilisation populaire et l’organisation rapide de groupes paysans pour appuyer ces efforts. Cependant, les entreprises agro-industrielles étrangères et les grands propriétaires terriens guatémaltèques réagirent violemment à ces réformes et arrivèrent à destituer ces gouvernements réformistes. Il en résulta le maintien, voire l’aggravation, de la situation de concentration de la terre et d’exclusion de la majorité de la population indigène et paysanne.
Cette histoire explique en grande partie le violent conflit armé qui toucha le pays entre 1962 et 1996. Cependant, pendant et après le conflit on assista a la mise marche de mécanismes ayant pour objectifs de diminuer la tension existant dans les zones rurales et en particulier le mécontentement des secteurs marginalisés qui y vivaient. L’État organisa ainsi un processus de colonisation de terres considérées encore comme libres, c’est à dire concrètement les terres couvertes de forêt dans la partie Nord-est du pays. Ces programmes de colonisation agraire existèrent jusque dans les années 1980 et répondaient à un modèle d’attribution de terres de formes individuelle à des familles paysannes. Cependant, ils n’arrivèrent pas à inverser la situation de grande concentration foncière et, au contraire, eurent comme conséquence un nouveau processus d’accumulation de ces terres agricoles nouvellement colonisées entre les mains de secteurs sociaux non-paysans comme par exemple de grands éleveurs capitalistes ou des membres de groupes sociaux puissant et politiquement influents comme les membres de l’armée. Enfin, à partir de 1986 l’Etat introduisit une nouvelle politique de redistribution de terres qui eut cependant un impact quantitatif très limité. Celle-ci consistait à acheter des terres au nom de l’État pour créer une réserve publique de terre qui puisse être revendues postérieurement à des groupes paysans organisés.
Les accords de paix signés en 1996, après 30 années de conflit armé auraient pu être à l’origine de changements radicaux quant aux politiques liées à l’accès à la terre au Guatemala. En effet, ces accords reconnaissaient explicitement l’importance du problème foncier et introduisaient des éléments importants pour la reconnaissance de l’existence de systèmes de droits multiples sur la terre et les ressources naturelles. De ce fait, les accords de paix représentaient une avancée fondamentale pour la reconstruction de relations interethniques plus justes au Guatemala. En effet, les accords de paix prévoyaient la restitution des terres communales à leurs ayant-droits historiques et la compensation des populations qui avaient perdu leurs droits de propriété à cause du conflit. Cependant la concrétisation de ces accords se fait aujourd’hui encore attendre. Le cadre légal guatémaltèque continue à ne reconnaître comme seuls droits légaux que les droits inscrits au registre public de la propriété et l’Etat continue de mettre en place des politiques publiques basées sur l’idée que le marché doit être le principal moteur permettant une redistribution de terres. De fait, les processus de redistribution des terres au travers d’une réserve publique de terres achetées par l’état et revendues aux paysans sont toujours en marche. Cependant, l’Etat joue un rôle qui est chaque jour moins important. Au contraire, il semble insister pour que toutes les terres soient caractérisées par un régime de propriété privée et incorporées définitivement dans une économie de marché.
En conclusion, il apparaît que la structure agraire du Guatemala continue d’être extrêmement polarisée. Les relations sociales et politiques continuent d’être influencées par un héritage colonial qui a pour conséquence une forte opposition entre populations indigènes et non-indigènes et une concentration des pouvoirs politiques et économiques entre les mains d’une petite minorité. En particulier, il semble que, ni les politiques de colonisation agraire, ni les politiques utilisant des mécanismes de marché pour redistribuer la terre, n’aient réussi à changer radicalement le modèle traditionnel de concentration de la propriété foncière et à résoudre la complexité des problèmes agraires du pays.
L’état de La terre et des forêts au GuatemaLa
1. La terre
Le résultat de l’histoire agraire décrite ci-dessus est que le Guatemala se caractérise para un haut degré de concentration de la terre : d’après les données officielles de 2003, le coefficient GINI pour la distribution de la terre est de 0,84. D’autre part, ce haut degré de concentration de la terre s’accompagne du fait que les terres auxquelles les familles paysannes ont accès ont une capacité productive limitée et sont surexploitées. Finalement, la polarisation de la société et l’exclusion de la grande majorité des guatémaltèques des dynamiques de développement économique et des mécanismes de prise de décision politiques conduit à l’existence d’un marché foncier extrêmement fragmenté. Concrètement on peut identifier deux marchés ou s’échangent les droits sur la terre et qui ont peu de relation entre eux: un marché pour les exploitations de petites taille, au sein duquel les droits se transfèrent souvent sans aucun document légal, et un marché pour les fermes des grands propriétaires terriens.
2. Les forêts
37% du territoire guatémaltèque est couvert de forêts. Les aires de forêt peuvent être classifiées d’une manière très grossière en deux catégories principales:
1. les forêts gérées de forme individuelles et se trouvant à l’intérieur d’exploitations de producteurs individuels
2. les forêts gérées collectivement par une communauté ou un groupe d’individus appartenant à une communauté. Ces forêts sont de deux types:
a. les parcelles de forêts (essentiellement de conifères) se trouvant dans les montagnes et les hauts plateaux (Altiplano). Il s’agit de restes de forêts gérées par les communautés indigènes avant la colonisation. On y trouve souvent des schémas de gestion communautaire influencés par des formes d’organisation très anciennes et un cadre normatif spécifique « informel », c’est à dire pas ou mal pris en compte par la législation nationale .
b. les forêts de feuillus du Petén. Ces forêts ont été le lieu de processus de colonisation récents, que ce soit pour l’exploitation de ressources forestières non-ligneuses à partir du début du XXème siècle ou pour l’extension des surfaces destinées à l’agriculture et à l’élevage.
Les zones de forêts qui existent encore au Petén font partie de la Réserve de Biosphère Maya et sont légalement considérées comme appartenant à l’État. Cependant, la plus grande partie de ces forêts est gérée par des communautés locales sous la forme de concessions.
3. Les nouvelles pressions commerciales sur la terre et les forêts
Dans les dernières années sont apparues de nouvelles pressions commerciales sur la terre et les ressources naturelles au Guatemala. Certaines d’entre elles ont une influence importante sur les droits que détiennent les communautés paysannes et indigènes sur la terre et les ressources naturelles. Parmi ces pressions, il est possible d’en identifier les suivantes:
Les accaparements de terres par des investisseurs privés pour la mise en place plantations commerciales à grande échelle (palme africaine et canne à sucre)
La mise en place d’aires protégées par l’État sur des terres ou vivaient des communautés ayant des droits historiques, sans mettre en place aucun mécanisme de consultations (ce qui est pourtant légalement obligatoire dans le cas de territoires indigènes) et en imposant un modèle de gestion qui exclut les communautés et qui, au contraire, transfère les droits de gestion à des entités privées, que ce soit des ONG ou des investisseurs privés. Ce mécanisme est très important au Guatemala ou 50% des forêts du pays se trouvent dans des aires protégées.
L’accaparement de terres par des investisseurs privés pour mettre en place des projets de conservation de la nature (aire protégées privées), de tourisme ou de vente de CO2, tout ceci avec l’appui de l’État et des institutions publiques.
L’accaparement de terres par les trafiquants de drogue pour réaliser du blanchiment d’argent.
1 Sources: Banque mondiale et PNUD
Coordinadora Nacional de Organizaciones Campesinas de Guatemala (CNOC) (2005) Propuesta de Reforma Agraria Integral, Guatemala:CNOC
Larson, A. (2008) “Guatemala country case study” Informe para el programa ‘Listening, Learning and Sharing Launch program’, Washington D.C.: Rights and Resources Initiatives
Larson, A. y Barrios, J.M. (2006) Descentralización forestal y estrategias de vida en Guatemala, La Paz: Centro para la Investigación Forestal Internacional (CIFOR) y Centro Internacional de Investigaciones para el Desarrollo (CIID/IDRC)
Merlet, M. and Mauro A. (2003) “Acceso a la tierra y reconocimiento de los derechos sobre la tierra” Informe ‘Análisis y perspectivas’, Paris and Roma: IRAM and International Land Coalition
Palma Murga, G., Taracena Arriola, A., Aylwin Oyarzun, J. (2002) Procesos agrarios desde el siglo XVI a los Acuerdos de Paz, Guatemala : FLACSO, MINUGUA, CONTIERRA
Hurtado Paz y Paz, L. (2008) Dinámicas agrarias y reproducción campesina en la globalización: el caso de Alta Verapaz. 1970-2007, Guatemala: F&G Editores