français | español | english
Fondo Documental Dinámico
sobre la gobernanza de los recursos naturales en el mundo

Cahier de propositions POLITIQUES FONCIERES ET REFORMES AGRAIRES. Partie I. Comment garantir un accès à la terre conforme à l’intérêt de la majorité de la population ? (3/5) L’accès à la terre par la colonisation des terres vierges

Fuentes documentales

Merlet, Michel. Cahier de propositions. Politiques foncières et réformes agraires. Octobre 2012. Réseaux APM,IRAM. 130 p.

=> page précédente

3. L’accès à la terre par la colonisation des terres vierges

Dans tous les pays qui disposent encore de terres vierges, la progression de la frontière agricole sur les terres couvertes de forêts a constitué un mode d’accès au foncier important. Cela a été le cas dans la plupart des pays d’Amérique Latine, avec une augmentation constante des surfaces mises en culture ou pâturées. Ce n’est que depuis quelques années que cette forme d’accès perd de son importance, du fait de la réduction des zones forestières et de la mise en réserve d’une partie de ce qu’il en reste.

Il existe une importante documentation sur les dynamiques de ces fronts pionniers. Ils sont très souvent au début le fait de petits producteurs qui défrichent la forêt, et/ou de compagnies forestières qui exploitent les essences les plus recherchées. On assiste le plus souvent à une concentration des terres transformées en pâturage extensif aux mains de latifundistes qui rachètent aux paysans les parcelles qu’ils avaient défrichées, les obligeant à pénétrer plus avant dans la forêt pour faire de nouvelles défriches. Les dynamiques sont différentes là où il est possible pour les arrivants de constituer des systèmes de production durables, en particulier avec l’installation de cultures pérennes comme le café.

Les zones de frontière agricole sont souvent des zones dans lesquelles les conflits sont nombreux et où règne la violence. L’enjeu des affrontements entre groupes sociaux et individus est en fait l’appropriation des richesses naturelles, bois, terres fertiles qui s’y trouvent, une accumulation primitive qui s’opère dans des lieux souvent très éloignés du pouvoir central. Les premières victimes en sont les indigènes qui presque toujours vivaient dans ces forêts. La violence s’accroît avec les problèmes que posent la culture ou la transformation de drogues illicites, qui souvent trouvent refuge dans ces contrées. S’ajoute parfois à cela dans certains pays les affrontements entre guérillas, armées régulières et groupes paramilitaires.

Les processus de colonisation peuvent être spontanés ou orientés de façon plus ou moins forte par les Etats. Souvent, ceux-ci entretiennent la confusion entre colonisation et réforme agraire, partant du principe que les terres vierges appartiennent toutes à l’Etat depuis l’époque coloniale (voir à ce sujet les fiches # 7 et # 8 de la partie deux du cahier63). Le déplacement permanent des petits producteurs de la frontière agricole a un coût économique, social et écologique très élevé, même s’il a souvent objectivement servi de soupape de sécurité à des structures agraires devenues explosives du fait de la concentration foncière. Quelques pays ont cherché à favoriser d’emblée une production familiale marchande viable dans les zones de colonisation, avec plus ou moins de succès, mais en général, la règle a été de laisser faire la loi du plus fort et le marché, avec les résultats que nous évoquions.

Une revendication des paysans des zones de colonisation, clairement exprimée par un producteur colombien lors de l’atelier organisé par l’IRAM au Forum Social Mondial 2002 était que soient constituées des zones de colonisation strictement paysannes. Il s’agit en fait d’un cas particulier de la nécessité de contrôler les marchés fonciers et de gérer les territoires, que nous aborderons plus avant dans le cahier. La situation sociale des zones de frontière agricole pose des problèmes particuliers, puisqu’elles sont occupées par des migrants qui n’ont pas une longue expérience de l’exploitation de ce type de milieu et qui proviennent parfois de communautés sociales ou ethniques distinctes. La structuration de la société doit donc prendre un certain temps. L’expérience montre pourtant qu’assez vite, souvent avec l’aide des églises, des nouvelles règles sociales et de gestion des ressources se mettent en place.

=> page suivante

63 Fiche # 7. DELAHAYE, Olivier. Venezuela: entre marché et « réforme agraire », la colonisation des terres « vierges ». Fiche # 8. MERLET, Michel. Amérique centrale. Fragilité et limites des réformes agraires -1/3- Honduras.