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Extrait de l’article de Joseph Comby « Sécurisation foncière » dans les pays du Sud. Les limites du modèle malgache
Comby, Joseph. 2102. « Sécurisation foncière » dans les pays du Sud. Les limites du modèle malgache. Revue Études Foncières, # 158.
Sur la base de l’évaluation de la réforme foncière qu’il a dirigée à Madagascar en Septembre 2011, Joseph Comby présente dans cet article les limites du système malgache, qui constitue aujourd’hui une des expériences de référence au niveau mondial en matière de sécurisation des droits fonciers.
L’intérêt de cet article ne se limite pas au cas de Madagascar. En effet, l’expérience malgache a été reprise par l’Union internationale du notariat réunie à Ouagadougou les 25 et 26 janvier 2012, comme un modèle de sécurisation de la propriété paysanne dans les pays du Sud.
Le système de « titres fonciers simplifiés » que les notaires proposent consiste en une sécurisation de la « micro propriété », à développer au profit de la petite paysannerie. Joseph Comby explique qu’il s’agit d’un « titre foncier des pauvres ». Il met l’accent sur les dangers d’une « sécurisation foncière à deux vitesses ». La sécurité des riches, nous dit-il, s’obtient au prix de l’insécurité des pauvres.
Joseph Comby fait ainsi le lien avec les phénomènes d’appropriation massive de terres agricoles. Il explique qu’il serait pourtant relativement aisé de remédier à cette situation en instaurant un délai de prescription des recours, applicable tant aux titres délivrés par l’Etat qu’à ceux délivrés par les communes.
Nous ne reprenons ci dessous que le passage de l’article de Joseph Comby qui aborde directement cette question. Pour avoir accès au rapport d’expertise qui a été à l’origine de l’article, vous trouverez ci dessous le lien vers l’Observatoire du Foncier à Madagascar.
Télécharger ici le rapport d’évaluation de Joseph Comby: www.observatoire-foncier.mg/get-file.php?id=102
Michel Merlet (AGTER)
(…) Le titre foncier des pauvres
Alors même que la réforme de 2005 affirmait l’unicité du droit de propriété, dans sa mise en œuvre pratique, le « certificat foncier » ne formalise qu’une propriété de seconde catégorie, toujours susceptible d’être remise en cause par des requérants mieux introduits.
L’Union internationale du notariat ne s’y est pas vraiment trompée qui, dans son colloque des 25 et 26 janvier 2012 à Ouagadougou, préconise la généralisation d’un tel système mais n’y voit qu’une sécurisation de la « micro propriété »1 à développer au profit de la petite paysannerie.
Pour qu’il en soit autrement, il faudrait qu’une loi introduise uniformément un délai de prescription des recours, aussi bien pour les titres fonciers attribués par l’État que pour les certificats fonciers délivrés par les communes, afin qu’il devienne impossible de réactiver des vieux titres dont les bénéficiaires n’ont parfois pas donné signe de vie depuis quarante ou cinquante ans. L’introduction d’une prescription des recours aurait en outre pour effet de désengorger considérablement les tribunaux.
Il reste qu’il serait peu réaliste de prétendre traiter selon la même procédure, le paysan qui veut sécuriser 8.000 m2 de rizière en disposant d’un revenu qui ne dépasse jamais une centaine d’euros par mois, et le promoteur qui souhaite se construire un immeuble de bureau à Tananarive, sur un terrain dont l’historique de l’appropriation est, lui aussi, plus ou moins chahuté. L’importance de l’investissement suppose une totale sécurité juridique mais justifie en même temps qu’un prix plus élevé soit accepté pour obtenir cette garantie. Le délai nécessaire à l’obtention d’une garantie est lui aussi important; il n’est pas imaginable qu’un investisseur doive attendre cinq ou six ans l’obtention de cette garantie à travers une procédure d’attribution d’un titre foncier.
Se résoudre à une sécurisation foncière à deux vitesses est donc inévitable. Aujourd’hui, la sécurisation de première classe est obtenue par une procédure visant à faire taire les éventuels ayants droits évincés au nom de l’imprescriptibilité des titres. Autrement dit, le prix de la sécurité juridique des riches est l’insécurité des pauvres. Il serait sans doute plus acceptable que le titre foncier soit lui aussi accordé sous réserve du droit des tiers (avec un délai de prescription des recours) mais avec un système de garantie accordé par l’État, celui-ci se chargeant d’indemniser d’éventuels plaignants ultérieurs qui auraient gain de cause. Pour l’investisseur, la contre partie serait un coût plus élevé de la procédure, une sorte de prime d’assurance. (…)