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Fondo Documental Dinámico
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Versión Española: La regulación de los mercados de tierras rurales. ¿Por qué regular? ¿Cómo hacerlo?

La régulation des marchés fonciers ruraux. Pourquoi réguler ? Comment faire ?

Escrito por: Michel Merlet, Comité de relecture : Philippe Lavigne Delville (IRD, UMR SENS), Mathieu Boche (AFD), Sidy Seck (Université Gaston Berger)

Fecha de redaccion:

Organizaciones: Comité technique « Foncier et développement » (CTFD), Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER), Initiative Prospective Agricole et Rurale (IPAR), Institut de Recherche pour le Développement (IRD)

Tipo de documento: Artículo / documento de difusión amplia

Resumen

La terre n’est pas une marchandise comme une autre. Les transactions marchandes contribuent à une adaptation nécessaire de la distribution des terres mais en l’absence de régulation, elles favorisent ceux qui peuvent les acheter ou les louer aux dépens de l’intérêt général. Réguler les marchés fonciers est donc nécessaire. Différents instruments directs ou indirects peuvent être mobilisés.

La question de la régulation des marchés fonciers est apparue depuis peu dans les réflexions sur les politiques publiques dans de nombreux pays en développement. Des régulations depuis le haut par l’État sont nécessaires mais souvent insuffisantes. La régulation peut aussi être confiée à des entités locales pouvant établir avec une certaine autonomie des règles encadrant les transactions et les faire respecter.

Produite dans le cadre de l’école de chercheurs organisée au Sénégal par IPAR, le pôle foncier de Montpellier et l’Université Gaston Berger (Sénégal) avec l’appui du CTFD, cette fiche pédagogique fait le point sur les instruments directs et indirects qui peuvent être mobilisés pour réguler les marchés fonciers. Elle explique pourquoi les régulations menées par l’État sont nécessaires mais souvent insuffisantes, et le rôle que peuvent jouer des entités locales dans l’établissement et le respect de règles encadrant les transactions.

QU’EST-CE QU’UN MARCHÉ FONCIER ?

On dit que « la terre se vend et s’achète » mais, même lorsqu’elle devient un bien marchand, ce ne sont que certains droits sur une parcelle, temporaires ou permanents, qui sont transférés à des tiers. Leurs détenteurs peuvent être des personnes, des familles, des communautés, des sociétés. Les transferts varient selon la nature des droits et celle des détenteurs et s’accompagnent souvent de conditions et d’obligations diverses.

Un marché foncier est un ensemble de transactions foncières marchandes. Sont marchands les échanges ou transferts de droits fonciers qui impliquent une contrepartie établie sur un système d’équivalence : le prix. Il n’y a pas transfert marchand quand la contrepartie, même monétaire, n’est que symbolique. Les formes classiques sont les achats-ventes (transfert définitif), les locations (transfert temporaire avec une contrepartie fixe), les contrats de partage (transfert temporaire avec contrepartie proportionnelle). Un transfert marchand de droits peut s’effectuer avec une contrepartie quantifiable non monétaire, en jours de travail ou en produits.

En Afrique, la législation foncière ne reconnaît souvent que les titres fonciers : toute transaction sur des terrains non immatriculés est considérée comme légalement nulle. Des marchés fonciers peuvent pourtant exister sur des terrains sans statut légal et être reconnus par des institutions locales, au niveau des collectivités et des communautés, officiellement ou pas. Cette fiche en prend acte et s’intéresse aussi à la régulation d’échanges marchands portant sur des terrains non légalisés par l’État.

POURQUOI RÉGULER LES MARCHÉS FONCIERS RURAUX ?

Dans la théorie économique néoclassique, les marchés sont censés s’autoréguler si la concurrence est parfaite. Ce n’est pas le cas des marchés portant sur les droits sur la terre.

Les grandes exploitations agricoles génèrent moins de richesse nette par hectare que les fermes paysannes. Elles ne répondent pas aux besoins de la majorité de la population, mais peuvent acheter ou louer de la terre car elles ont de meilleurs résultats financiers que les paysans. Les citadins achètent des terres en zone péri-urbaine, en modifiant leurs usages au détriment de la production alimentaire. Des marchés fonciers non régulés conduisent toujours à une concentration des terres. Celle-ci peut aussi avoir pour origine d’autres mécanismes (histoire, attributions foncières de grandes surfaces par l’État, etc.).

Lorsque la concentration des terres entre en profonde contradiction avec l’intérêt général, des réformes agraires redistributives peuvent être réalisées si les circonstances le permettent. C’est peu fréquent, et toujours difficile. Mieux vaut agir en amont pour prévenir de telles situations.

Les transactions foncières marchandes contribuent à une adaptation nécessaire de la distribution des terres dans le temps. Elles sont donc utiles, à condition de respecter des règles pour éviter la concentration des terres et les changements d’usage non souhaités. Celles-ci peuvent être établies et appliquées à l’échelle nationale par le gouvernement, mais aussi à l’échelle locale par différentes instances (collectivités, communautés ou dispositifs de gouvernance multi-acteurs).

DIFFÉRENTS INSTRUMENTS POUR RÉGULER LES MARCHÉS FONCIERS RURAUX

On appelle régulation des marchés fonciers ruraux un ensemble de pratiques et de dispositions visant à orienter le fonctionnement de ces marchés pour qu’ils contribuent à des objectifs politiques définis. Cette régulation peut se faire en intervenant directement sur les transactions foncières ou indirectement, en encourageant ou décourageant certaines pratiques. Les objectifs de la régulation dépendent des problèmes à corriger, du contexte économique et politique, mais aussi des rapports de force et de la capacité des institutions étatiques ou des collectivités et communautés locales à les promouvoir et à les appliquer. Combiner plusieurs instruments est souvent le plus efficace.

Des instruments directs intervenant sur les transactions foncières marchandes

1- Délimitation de l’espace sur lequel peuvent s’opérer ces transactions

On peut interdire ou décourager certaines transactions sur des espaces spécifiques. C’est souvent le cas quand l’État met en place des situations foncières d’exception (zones de réforme agraire, espaces naturels protégés, …).

Mais ces espaces peuvent aussi être définis en concertation avec les élus et les populations (plans d’occupation des sols établissant la possibilité ou non de bâtir et restreignant les usages du sol, …) avec des répercussions immédiates sur le prix des terres.

La mise en œuvre de ces instruments relève à la fois de décisions de l’État et d’une application sur le terrain qui ne peut être assurée que par des acteurs locaux.

2- Définition des acteurs pouvant intervenir dans ces transactions

  • Les transactions marchandes de droits fonciers peuvent être possibles uniquement au sein d’un groupe déterminé de personnes (agriculteurs ou éleveurs, autochtones ou allochtones, groupes familiaux, etc.), les autres acteurs n’y ayant pas accès. En Afrique, Asie ou Amérique, des règles locales fixent souvent ces possibilités. Des politiques foncières nationales peuvent aussi y contribuer.

  • Certaines catégories d’acteurs peuvent être prioritaires, sans que les autres soient exclus. Le droit de préemption du fermier locataire pour l’achat d’une parcelle qu’il travaille est garanti en France par la Loi sur le fermage.

  • De nouvelles instances peuvent être créées pour intervenir dans les transactions marchandes de droits sur la terre. En France, les SAFER (Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural), qui regroupent des représentants des acteurs concernés au niveau d’un département, ont été mises en place pour intervenir sur le marché de l’achat/vente de terres agricoles afin d’éviter la concentration foncière et de favoriser l’installation des jeunes. Elles peuvent se substituer à un acheteur accepté par le vendeur pour revendre ensuite les terres à un producteur plus intéressant pour le développement. Le propriétaire ne peut pas vendre à qui il veut, mais peut renoncer à cette vente. Les SAFER ont travaillé assez efficacement pendant plusieurs décennies mais sont aujourd’hui confrontées à de nouveaux marchés fonciers portant sur des actions/parts sociales d’entreprises, qui échappent à leur contrôle.

3- Définition de règles pour les transactions et modifications de la nature des marchés

Les règles peuvent porter sur le contenu et les modalités des transactions elles-mêmes.

  • Les règles de fonctionnement des marchés de droits en faire-valoir indirect ont été modifiées par des lois sur le fermage dans différents pays européens. Ces lois précisent les droits du propriétaire et ceux du preneur, la durée des contrats, les modalités de fixation et d’évolution du montant des loyers, etc. Elles ont joué un rôle essentiel dans l’évolution des structures agraires dans le temps. En France, où des tribunaux spécifiques ont été créés pour appliquer la loi, la durée garantie du bail (18 ans) et le faible montant des loyers ont sécurisé les agriculteurs locataires et réduit l’intérêt pour des non agriculteurs de posséder des terres.

  • Il est aussi possible de créer de nouveaux droits, avec des régulations particulières. L’instauration en France d’un « droit d’exploiter », indépendant du contrôle de la terre par propriété ou location, a permis à partir des années 1960 de limiter la concentration des terres. Tout propriétaire ou locataire voulant agrandir son exploitation doit obtenir une autorisation auprès de « commissions des structures » locales chargées d’examiner si l’agrandissement est compatible avec le projet de développement de la région. Elles rassemblent des représentants de l’État, des fermiers, des propriétaires et des organisations professionnelles agricoles, sous des appellations qui ont varié.

Des outils simples et peu couteux peuvent rendre les marchés fonciers plus transparents :

  • relevé, publication et conservation dans des archives accessibles des prix pratiqués ;

  • obligation d’une information préalable des transactions envisagées auprès des instances de régulation, essentielle pour permettre à celles-ci de travailler efficacement.

4- Établissement de seuils de surfaces

La régulation des marchés fonciers ruraux peut s’appuyer sur la fixation de limites maximales/minimales de la taille des propriétés (souvent faciles à contourner) ou de la taille des exploitations (faire-valoir direct et faire-valoir indirect).

5- Imposition des transactions foncières marchandes

Un impôt sur les transactions foncières marchandes peut contribuer à leur régulation. Il peut porter sur la valeur de la vente ou sur la différence entre les valeurs d’obtention et de revente. Des exemptions peuvent concerner certaines catégories d’acteurs, comme les jeunes agriculteurs qui s’installent.

Des instruments indirects qui modifient l’environnement économique

Ils contribuent à rééquilibrer les rapports de force entre les parties, en modifiant la capacité des différents acteurs à participer aux marchés fonciers.

1. Interventions sur les mécanismes non marchands de transmission des droits fonciers (réglementation des dons, des héritages …)

Si la réglementation des donations peut être utilisée, celle des héritages est très importante, de par leur rôle central dans la constitution des patrimoines fonciers. Ils peuvent être égalitaires ou non (entre descendants en général, entre fils et filles). La possibilité de céder ses terres de son vivant change aussi profondément la transmission d’une génération à la suivante.

2. Interventions sur les marchés financiers

L’accès à des crédits immobiliers, à des crédits pour la production et l’installation de nouveaux agriculteurs peut peser sur l’évolution des structures agraires. Des crédits bonifiés (taux réduit par une subvention publique) réservés aux agriculteurs peuvent leur faciliter l’acquisition de droits sur les terres. La possibilité pour les ménages pauvres d’avoir accès à un crédit de consommation en cas d’urgence limite les ventes de détresse et donc la concentration foncière.

3. Interventions sur les autres marchés

La régulation des marchés des intrants et des produits agricoles, du travail (temporaire en particulier) et plus généralement les politiques agricoles jouent un rôle important dans l’évolution des formes de production et la viabilité des petites exploitations. En accroissant leur capacité d’acquisition de terres en location ou en propriété, en réduisant les ventes contraintes, elles ont un impact sur les marchés fonciers.

4. Interventions par le biais d’impôts et de subventions ne portant pas directement sur les transactions foncières marchandes

Un impôt annuel sur les surfaces de terres en propriété et/ou en usage rendant plus coûteuse la possession de terres non exploitées, et l’imposition des successions sont d’autres façons d’intervenir efficacement sur les marchés fonciers ruraux. Elles ont permis, dans certains pays, une modification profonde des structures agraires en quelques décennies.

Des subventions pour l’accès au foncier, l’installation des jeunes ou le départ des agriculteurs âgés peuvent aussi être mises en place. Elles peuvent concerner la totalité des producteurs ou des propriétaires ou seulement certains acteurs.

LA RÉGULATION DES MARCHÉS FONCIERS RURAUX REQUIERT DE NOUVELLES MODALITÉS DE GOUVERNANCE

Avec la mondialisation des échanges, le changement climatique et la croissance des inégalités, les évolutions s’accélèrent et les conflits se multiplient. Les pratiques de régulation des marchés fonciers ruraux du XXe siècle en Europe sont fragilisées par l’apparition de l’agriculture de firme. La concentration foncière s’est accentuée dans le monde depuis le début du XXIe siècle. La question de la régulation des marchés fonciers se pose aujourd’hui partout, souvent avec acuité.

Une régulation des marchés fonciers ruraux s’inscrit dans un contexte politique économique et institutionnel donné, en fonction d’objectifs politiques négociés. Elle suscite toujours de fortes résistances, se heurtant aux intérêts des puissants acteurs qui bénéficient de l’absence de régulation. Une large coalition d’intérêts est indispensable pour la porter et la défendre.

Les instruments et les dispositifs doivent être réfléchis avec pour objectifs l’efficacité et la résilience. Ils impliquent l’intervention de l’État, des communautés ou collectivités locales et des producteurs. Leur mise en œuvre nécessite souvent la création de nouveaux mécanismes de gouvernance aux différentes échelles.

Les acteurs à privilégier doivent être clairement définis. Bien choisir la composition des nouvelles instances susceptibles d’assurer cette régulation des marchés et les modalités de leur financement sera essentiel : les acteurs porteurs des objectifs politiques de la régulation doivent pouvoir en assurer la mise en œuvre, en évitant contournements et détournements. Cela passe par la mise en place d’instances collectives régulant les transactions, et souvent par la reconnaissance de la légitimité de certaines communautés à gouverner leur propre territoire.

La question étant nouvelle dans beaucoup de pays du Sud, les mécanismes de régulation seront toujours en partie à inventer et à expérimenter, en fonction des contextes. Il faudra s’inspirer des expériences d’ailleurs ou d’autres époques, mais sans transposition directe, et apprendre des échecs pour pouvoir améliorer les dispositifs. Les politiques de régulation devront toujours être ajustées périodiquement, en fonction des évolutions du contexte mondial, national et local.

Réguler les marchés fonciers, ce n’est pas priver certains acteurs de leurs droits, mais repenser l’équilibre entre les différents droits des personnes : des droits individuels, mais aussi des droits en tant que membres de familles, de communautés locales, de municipalités, d’États. Pour ce faire, il nous faut reconnaître les valeurs et les pratiques des populations, l’existence de « l’autre », mais aussi remettre en cause la notion idéologique et inapplicable de propriété absolue et exclusive de la terre, héritage du passé et de l’histoire coloniale. Cela exigera du réalisme politique et la promotion de véritables fonctionnements démocratiques.

Bibliografía

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