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Versión Española: Reconocimiento de la especificidad pastoral del Sahel
Escrito por: André Marty
Fecha de redaccion:
Organizaciones: Institut de Recherche et d’Applications des Méthodes de Développement (IRAM), Réseau Agriculture Paysanne et Modernisation (APM), Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH)
Tipo de documento: Artículo / documento de difusión amplia
Merlet, Michel. « Cahier de propositions. Politiques foncières et Réformes agraires ». IRAM, APM, FPH. Octobre 2002. 134 p. (téléchargeable au pied de la page, ainsi que la version anglaise actualisée réalisée par AGTER en 2007)
Après avoir joué jusqu’au XIXième siècle un rôle souvent prééminent sinon décisif dans l’évolution économique, sociale et politique de la bande sahélienne, les sociétés pastorales sont entrées généralement dans un processus de marginalisation et de crise avec l’arrivée de la colonisation et la mise en place et le développement des Etats nationaux. Visiblement, le monde pastoral a eu beaucoup de difficultés à s’insérer dans le nouvel ordre politique. Faut-il en déduire pour autant une incompatibilité radicale ?
C’est là sans doute une position exagérée, hélas trop répandue, qui est à la source de nombreuses incompréhensions. Plutôt que de vouloir homogénéiser à tout prix les sociétés rurales sur le modèle de celles qui sont typiquement agricoles, il vaut mieux reconnaître l’existence d’une pluralité de situations et donc d’une spécificité pastorale ? Et ce, non dans l’esprit de stigmatiser les singularités et les oppositions, mais dans le but de rechercher une véritable unité à partir de la diversité pleinement reconnue ? Dans ce but, nous préconisons ici la reconnaissance de trois aspects: l’interdépendance des sociétés, la mobilité pastorale et le droit des pasteurs à évoluer selon leurs logiques propres.
Des sociétés interdépendantes
Le pastoralisme a beaucoup souffert d’être considéré comme une forme d’archaïsme porté par des isolats humains, refusant de s’intégrer dans des ensembles plus vastes, les formes concrètes de cette résistance allant de la fuite éperdue à la révolte ouverte. Cette vision provient d’un a priori suivant lequel l’agriculture céréalière serait dans tous les cas supérieure à l’élevage extensif; c’est pourquoi toute transformation des pâturages naturels en champs est vue comme un progrès de la civilisation.
En réalité, on s’aperçoit que cela n’est pas toujours aussi simple: la mise en culture peut, dans certains cas, accélérer la dégradation des terres et elle perturbe les relations entre les systèmes de production dont il s’avère qu’elles étaient beaucoup plus fortes et complexes que ce qu’on suppose souvent. En effet, on avait affaire à de véritables interdépendances : entre sociétés voisines, entre systèmes de production, entre zones complémentaires. Entre les pasteurs et les agriculteurs, on pouvait trouver de véritables échanges économiques, des alliances matrimoniales ou politiques, des liens sociaux dont les traces sont encore perceptibles. Certes, ce n’était pas un monde idyllique, dénué de dominations diverses ou de conflits, mais les oppositions soudaient fréquemment des nomades à des sédentaires contre d’autres nomades alliés à d’autres sédentaires plus qu’elles n’opposaient les sociétés entre elles de façon frontale.
Ces interdépendances favorisaient les complémentarités et faisaient que les parties les plus faibles de ces ensembles agropastoraux étaient soutenues en période de crise par les parties au potentiel plus élevé. Loin de se refermer sur eux-mêmes, les pasteurs ont toujours eu besoin d’être reliés à d’autres qu’eux-mêmes: les agriculteurs et aussi le monde des échanges à court ou à longue distance.
Aujourd’hui, plutôt que de céder aux sirènes simplificatrices, manipulables à merci et destructrices du tissu social, mieux vaut reconnaître la pertinence des interdépendances et bâtir de nouvelles manières de vivre ensemble grâce à des processus de négociation qui débouchent sur des compromis, voire des consensus locaux. La reconnaissance par les autres est la meilleure manière de sécuriser ses propres droits. Et c’est sur la base de cette reconnaissance mutuelle que de la diversité peut émerger une nouvelle unité.
La mobilité pastorale
Celle-ci est une caractéristique essentielle des systèmes pastoraux. Tantôt elle concerne principalement les troupeaux, tantôt elle est le fait à la fois des hommes et de leurs animaux. Les formes d’expression sont fort diverses. Il peut s’agir de systèmes de nomadisation sur des aires plus ou moins circonscrites ou encore de transhumances selon des axes plutôt réguliers permettant d’utiliser des zones différentes et complémentaires en fonction des saisons et de la disponibilité des ressources (eaux, pâturages, sels minéraux…). Cette mobilité, toujours accompagnée de flexibilité dans les mouvements, est une condition indispensable dans des écosystèmes marqués par les variations et les aléas. Elle est aussi liée aux relations sociales que chaque groupe entretient avec ses voisins plus ou moins lointains, sans oublier les problèmes de sécurité. De nombreux observateurs reconnaissent aujourd’hui qu’il s’agit là d’un atout des systèmes pastoraux, pouvant engendrer une valorisation durable des ressources dispersées et une productivité animale améliorée (fécondité, lait, viande…).
Cependant, en de nombreux endroits, cette mobilité est de plus en plus menacée, d’un côté, par la diminution des surfaces pâturables, par le grignotage des pistes de transhumance et des aires de stationnement, par l’accaparement de certains points d’eau par des groupes particuliers, d’un autre, par les législations inappropriées et peu adaptées au fait pastoral. C’est dire qu’aujourd’hui cette mobilité qui requiert des formes particulières de droits d’usage et de règles foncières demande à être pleinement reconnue comme faisant partie d’un patrimoine commun aux sociétés concernées.
Le droit des pasteurs à évoluer
L’image, exotique et surfaite, de pasteurs vivant en symbiose avec leurs animaux et leur environnement naturel, loin des villes et des préoccupations du monde moderne, contribue à les figer, à les maintenir dans une sorte de réserve et à les marginaliser encore plus, jusqu’au jour où ils finiront dans la misère des bidonvilles.
A l’encontre d’une telle vision, nombre d’entre eux ont heureusement pris conscience du danger que représente un tel confinement. Ils veulent désormais des magasins de stockage et d’approvisionnement, des moyens de transport adaptés, des écoles pour leurs enfants (demeurés jusqu’ici dans l’illettrisme) des centres de santé. Parfois ils s’adonnent à l’agriculture parallèlement à l’élevage. Plus que jamais, ils veulent être perçus comme liés au terroir d’attache où ils décident de s’installer et où ils estiment avoir des droits spécifiques (dont la nature exacte reste à préciser). Et, en même temps, ils souhaitent maintenir leurs possibilités d’accéder aux ressources pastorales plus éloignées.
Il ne s’agit pas exactement d’une sédentarisation. Ils continuent à transhumer une partie de l’année et à nomadiser mais ils sont décidés à marquer leur empreinte quelque part dans une partie privilégiée de leur ancien espace, avant d’être totalement repoussés sur les marges où la vie deviendrait très vite intenable. Ils cherchent ainsi à combiner la fixation des familles et la mobilité du gros des troupeaux (seules quelques laitières restant avec la partie fixée). Une telle évolution, consécutive aux sécheresses des années 70 et 80, continue à se renforcer. Nous pensons qu’elle doit être reconnue car elle émane des intéressés eux-mêmes. D’ores et déjà, elle semble favoriser une meilleure intégration politique aux niveaux où se prennent les décisions et elle devrait également faciliter le développement d’une conscience citoyenne parmi les pasteurs.
Cette triple reconnaissance devrait grandement contribuer à une meilleure implication des groupes pastoraux, en relation avec tous leurs voisins et acteurs concernés, dans une définition plus pertinente des droits et obligations réciproques en matière de foncier.
Marty, André et al, « Les régimes fonciers pastoraux: études et propositions », Secrétariat permanent du code rural, FIDA, Niger, 1990, 107p.
Marty, André, « La délimitation des parcours », Dans « Quelles politiques foncières pour l’Afrique rurale ? Réconcilier, pratiques, légitimité et légalité », Sous la direction de Philippe Lavigne Delville, Paris, Karthala - Coopération française, 1998, pages 504 à 511.