Title, subtitle, authors. Research in www.agter.org and in www.agter.asso.fr
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English version: Protecting Forests, Improving Livelihoods. Comparing Community Forestry in Cameroon and Guatemala
Written by: Michel Merlet, Marta Fraticelli
Writing date:
Organizations: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER), FERN - Making the EU Work for People & Forests (FERN)
Type of document: Research Paper
Introduction
L’association AGTER travaille depuis 2008 sur la gouvernance des forêts et la reconnaissance des droits des habitants des territoires forestiers. Après plusieurs missions de recherche et d’expertise en Bolivie et au Brésil, un projet de recherche et d’échange a été mené avec les partenaires de Rights and Resources Initiative dans deux pays prioritaires pour cette coalition en Afrique et en Amérique latine, à savoir le Cameroun et le Guatemala, avec l’appui de la Fondation Ford.
La mise en relation d’expériences venant de pays distincts et de cultures diverses permet de mieux comprendre la réalité de chacun d’entre eux. L’approche internationale, interculturelle et pluridisciplinaire est au cœur de la méthodologie de travail d’AGTER. L’association l’avait expérimentée depuis longtemps sur le thème des politiques foncières. Il s’agissait avec ce projet d’analyser en parallèle la construction de la gouvernance des forêts dans deux contextes géographiques et culturels très différents, et d’initier un dialogue et des échanges entre des acteurs des deux pays. L’objectif principal était la réalisation d’un ensemble documentaire accessible au plus grand nombre.
Les principaux partenaires impliqués dans la préparation des documents ont été l’Association de Foresterie Communautaire Ut’z Ché et l’Association des Communautés Forestières du Petén (ACOFOP) au Guatemala, le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED) et la Coopérative Agro Forestière de la Trinationale (CAFT) au Cameroun.
La méthodologie utilisée a permis de faire le lien entre la question foncière et la gestion des forêts. Elle s’est appuyée sur la reconnaissance de la coexistence de divers cadres normatifs semi-autonomes non hiérarchisés, plutôt que de ne prendre en considération que la législation des États. Cette conception, appelée « pluralisme juridique » en opposition au « centralisme juridique », permet de visualiser l’articulation des pratiques des populations locales en matière d’utilisation des ressources naturelles avec les processus de construction de normes et de règles de gestion qu’elles mettent elles-mêmes en place. Elle permet également, point essentiel, d’introduire l’analyse des rapports de force qui existent entre les différents acteurs et de s’intéresser à leur évolution dans le temps. Ces rapports de force sont directement responsables de l’application (ou pas) d’un cadre normatif en particulier, parmi les différents cadres existant.
Cette approche fondée sur l’observation et la reconnaissance des pratiques locales de gestion des forêts nous a permis de ne pas nous enfermer d’emblée dans la vision absolutiste de la propriété de la terre et des ressources naturelles qui est le plus souvent véhiculée par les lois nationales. Elle reprend et réinterprète la vision des populations et des personnes qui travaillent sur le terrain avec les organisations locales. Elle remet en même temps l’organisation sociale et son évolution constante au cœur de la réflexion et de l’analyse.
Afin d’éviter de tomber dans une présentation trop abstraite, nous avons cherché à ce que cette analyse croisée soit le fait des propres acteurs. Nous avons organisé pour cela un voyage d’étude au Cameroun avec deux leaders guatémaltèques, Sergio Dionisio de Ut’z Ché et Juan Ramon Giron, d’ACOFOP. Ce voyage d’une dizaine de jours sur le terrain a permis un échange avec des collègues travaillant au Cameroun avec des organisations impliquées dans la foresterie communautaire, de la Coopérative Agroforestière de la Trinationale (CAFT) et du Centre pour l’Environnement et le Développement (CED).
Le document présent s’appuie non seulement sur les deux dossiers élaborés par AGTER sur le Cameroun et sur le Guatemala, mais aussi sur les deux articles rédigés par S. Dionisio et J. Giron à partir de ce voyage, ainsi que sur les discussions et les échanges avec nos interlocuteurs camerounais.
Qu’entendons-nous par « foresterie communautaire » ?
Définition
Dans ce document, nous utilisons l’expression « foresterie communautaire » de façon à prendre en compte l’ensemble des pratiques et des normes d’une population et de ses formes d’organisation, les « communautés », pour la gouvernance d’un territoire forestier qu’elle occupe et sur lequel elle exerce de fait des droits.
Cette définition ne se limite pas à la caractérisation de pratiques entrepreneuriales des communautés. Elle englobe d’une façon beaucoup plus large toute une gamme d’activités, individuelles, familiales, associatives et entrepreneuriales (cueillette, chasse, production, transformation, etc.). Celles-ci relèvent de droits détenus par différents ayants droit, individuels et collectifs. Ces droits sont de différentes natures : droits de faire usage des ressources, mais aussi droits et pratiques de gestion, définition de règles et d’obligations sur un « territoire » contrôlé par une communauté.
Quelques éléments communs des contextes forestiers
Modes de vie et systèmes de production en milieu forestier
Différents types de populations occupent les espaces couverts de forêts : elles sont arrivées à des époques différentes, les unes pouvant en chasser d’autres. On peut regrouper ces populations et ces acteurs en trois catégories principales :
des populations de chasseurs – pêcheurs – cueilleurs, qui sont souvent, mais pas toujours, des peuples premiers
des populations d’agriculteurs dont les systèmes de production sont fondés sur une rotation longue entre des espaces cultivés après défriche et un recrû forestier de plusieurs années ou décennies. Les zones de friche font alors partie intégrante des « terres agricoles ». Les zones interstitielles et les réserves forestières qui permettront une expansion possible de la population sont très souvent intégrées dans le territoire contrôlé par les communautés. Si le cycle de rotation de cette « agriculture forestière » se réduit, avec l’augmentation de la population, ou parce que de vastes étendues forestières sont détruites pour céder la place à d’autres productions, des systèmes qui étaient auparavant durables peuvent rapidement cesser de l’être.
des populations d’agriculteurs/éleveurs qui ne travaillent pas ou ne travaillent plus avec des systèmes de défriche brûlis, mais dans un espace où les terres agricoles et les pâturages ont été définitivement défrichés. Il peut s’agir soit d’une évolution endogène des systèmes de défriche brûlis, soit de populations paysannes originaires d’autres régions qui ont migré vers les fronts pionniers, vers la « frontière agricole ».
Les espaces forestiers sont aussi occupés par d’autres acteurs économiques et régulés par des instances spécifiques.
Des entreprises agricoles utilisant des ouvriers agricoles qui vont chercher à prendre possession de vastes superficies peuvent aussi jouer un rôle essentiel dans la progression de la « frontière agricole ». Ces dynamiques se sont très largement développées au cours des dernières décennies, tant au Cameroun qu’au Guatemala.
Des entreprises forestières, minières ou touristiques, utilisant elles aussi des ouvriers, peuvent également se développer, le plus souvent en obtenant des concessions de la part du gouvernement. C’est le cas dans les deux pays qui nous intéressent.
Les zones de conservation, parcs nationaux et espaces protégés répondent à une logique différente de sanctuarisation, avec des dispositifs de contrôle le plus souvent imposés de l’extérieur.
Les dynamiques internes d’évolution des sociétés se croisent ainsi, de plus en plus, avec des phénomènes exogènes, plus ou moins puissants. Certains systèmes de production et d’utilisation du milieu naturel peuvent se reproduire à l’identique, et apparaître comme étant stables, dans certaines conditions. Mais la croissance démographique et la raréfaction des espaces vierges d’une part, les pressions venant de l’extérieur d’autre part, accélèrent les évolutions. Ce sont ces évolutions et les modifications sociales qu’elles entraînent qu’il faut pouvoir comprendre.
Toutes les configurations ne permettent pas la préservation des ressources naturelles et de la forêt. Le terme de « foresterie communautaire » ne s’applique plus, bien entendu, quand une grande entreprise forestière ou minière parvient à contrôler le territoire, les « communautés » ayant été réduites à des villages d’ouvriers.
Des formes d’organisation locale de gestion collective des ressources forestières très diverses qui persistent, malgré les changements externes
L’organisation sociale des habitants s’appuie le plus souvent sur une relation étroite entre ceux-ci et la forêt, qui assure la préservation des ressources forestières indispensables à leur survie et à leur développement. Un grand nombre de produits de la forêt sont d’abord utilisés pour l’autoconsommation, mais certains sont aussi commercialisés. À certains moments, les économies domestiques des populations de la forêt se sont insérées dans des systèmes marchands. Cette insertion a pris des chemins variés : l’introduction de la culture du cacao au Cameroun a été développée à l’origine sous la pression des colons ; l’extraction de gomme à mâcher (chicle) à partir d’un arbre, le chicozapote (Manikara zapota) puis celle du xate, un palmier sauvage (Chamaedora sp.) dont les feuilles sont utilisées pour des compositions florales dans le Petén au Guatemala, ont toutes deux été promues par les populations métisses qui se sont installées dans ces régions très peu peuplées. Les systèmes de droits sur les ressources et les modes de gouvernance ne sont pas établis une fois pour toutes. Ils évoluent lorsque se transforment les modalités de production ou d’extraction. Ainsi, les formes d’organisation locale en lien avec la gestion des ressources forestières s’adaptent en permanence au contexte dans lequel elles s’insèrent.
Soulignons cependant un constat d’une grande importance : ni la colonisation, ni l’imposition de cadres normatifs exogènes n’ont réussi à éliminer définitivement les systèmes d’organisation et de gestion locale des ressources. Le plus souvent, les dispositifs légaux reconnaissant des droits des populations forestières et faisant la promotion de « forêts communautaires » sont loin d’intégrer la complexité et la diversité des systèmes de gestion et des formes d’organisation locales des ressources forestières par les communautés. D’où l’importance d’une approche théorique fondée sur le pluralisme juridique.
Récemment, le développement de systèmes de production fortement dépendants de capitaux externes et l’arrivée dans les zones forestières d’acteurs extrêmement puissants ont radicalement changé la donne dans certaines régions. Mais la compréhension et la prise en compte des systèmes de gestion locale des ressources restent essentielles pour que les droits des populations puissent être respectés.
Luttes pour l’appropriation des rentes naturelles et défense des territoires communautaires
Les milieux forestiers renferment des « richesses » de natures différentes : ressources ligneuses et produits forestiers non ligneux, minéraux et minerais, eau, mais aussi sols potentiellement utilisables pour l’agriculture et l’élevage. Lorsque des voies d’accès sont ouvertes, lorsque des moyens techniques se développent, lorsqu’une demande pour certains produits apparaît, des « choses » qui n’avaient pas ou peu d’intérêt pour les populations locales peuvent devenir des « biens » susceptibles d’être transformés en marchandises. De nouvelles rentes apparaissent alors. Les forêts sont toujours le théâtre de luttes pour le contrôle des rentes issues des richesses naturelles qu’elles contiennent. Les luttes autour de l’appropriation des rentes naturelles viennent recouper les luttes pour la défense des territoires communautaires.
La perception que les communautés locales ont de leurs espaces forestiers est souvent très éloignée de celle qui est reprise dans les législations forestières. Les systèmes de droits spécifiques que les populations qui vivent dans les forêts ont développés ne portent que sur les produits qu’elles étaient en mesure d’utiliser. Pouvoir assurer la gouvernance de l’ensemble des ressources sur les « territoires » qu’elles occupent est dès lors la seule façon pour elles de se prémunir de la dépossession des ressources qu’elles n’ont pas encore été en mesure de mettre en valeur. C’est pour cette raison que leur revendication territoriale est si importante.
Processus historiques et cadres légaux de gestion des forêts au Cameroun et au Guatemala : similitudes et différences
Des histoires parallèles d’appropriation des rentes des espaces forestiers
Le Guatemala et le Cameroun ont tous les deux fait l’objet d’une colonisation par des États européens, à des époques et pendant des durées très différentes : le premier depuis la fin du XVe siècle jusqu’au début du XIXe siècle par l’Espagne, le second depuis la fin du XIXe siècle jusqu’en 1960-61 par l’Allemagne, puis la France et l’Angleterre. Par-delà les différences, que nous évoquerons rapidement, on retrouve dans ces deux pays un héritage commun de dépossession des populations locales des ressources naturelles et de la terre, et d’imposition d’un cadre législatif typique des colonies, très différent de ceux qui prévalaient dans les centres des empires coloniaux.
Guatemala
Au Guatemala, toutes les terres passent sous le contrôle de la couronne d’Espagne. Les droits sur les terres des populations indiennes ne sont pas reconnus, pas plus que leurs systèmes de droit coutumier. Suite à la conquête, la population est littéralement décimée, par la surexploitation mais aussi et surtout du fait des maladies introduites par les Espagnols. D’immenses régions resteront pratiquement dépeuplées pendant des siècles. Un véritable régime d’apartheid est instauré là où il reste des habitants. Les peuples indigènes sont concentrés dans des espaces réservés, afin que les Espagnols installés sur place puissent les faire travailler et leur faire payer des impôts. Ces nouvelles « communautés indiennes » reçoivent du roi d’Espagne des « titres fonciers » leur allouant sous un régime particulier les terres sur lesquelles elles ont été réinstallées. Après l’indépendance, l’introduction du Code civil et son application dans le contexte de l’ancienne colonie ne remettent pas en cause cette attribution des droits sur la terre par le haut. L’État guatémaltèque va simplement remplacer le roi d’Espagne : il devient « propriétaire » par défaut de toutes les terres qui n’ont pas déjà été immatriculées au nom d’un tiers. Mais la nature des droits sur la terre a beaucoup changé au cours des siècles : on est passé de droits de type féodal, portant sur un territoire et sur des populations, à des droits de propriété « modernes », absolus, qui ne reconnaissent qu’un propriétaire jouissant de l’usus, du fructus et de l’abusus, pour reprendre la terminologie alors utilisée.
En même temps, la négation des systèmes juridiques coutumiers se renforce : ne sont reconnus que les droits s’appuyant sur des documents écrits qui sont en conformité avec les lois du pays. Pourtant, des systèmes de gestion et de gouvernance coutumiers vont se maintenir jusqu’à aujourd’hui et continuer à jouer un rôle essentiel au niveau des territoires occupés par les populations Maya.
Les terres forestières du pays connaîtront des évolutions très différentes suivant les régions.
Sur l’Altiplano et dans le sud du pays, de nombreuses communautés Maya réussissent à conserver un certain contrôle de fait sur les terres qu’elles occupent et que les grandes exploitations espagnoles ou européennes leur ont laissées.
Au nord du pays, la région du Petén, occupée longtemps avant l’arrivée des Espagnols par des civilisations mayas disparues, se couvre à nouveau de forêts. De nouvelles populations métisses s’y installent, vivant de la récolte de chicle, puis de xate. La région est largement contrôlée par les militaires, qui se font attribuer par l’État des titres de propriété. Elle est aussi l’objet dans sa frange sud de programmes de colonisation agricole et d’une exploitation forestière anarchique.
Cameroun
Au Cameroun, le statut du foncier est aussi hérité de l’époque coloniale. Mais du fait de processus de colonisation distincts par des pays utilisant des systèmes juridiques différents (civiliste et de common law), il est plus difficilement lisible. L’État n’est pas supposé être le « propriétaire », mais le « gardien » des terres du « domaine national », de toutes les terres qui n’ont pas été préalablement immatriculées au nom d’une personne ou d’une entité autre.
Ces terres sont occupées par des communautés de façon coutumière, parfois depuis très longtemps, mais cette spécificité du foncier camerounais ne signifie pas que leurs droits soient légalement reconnus par l’État. Les forêts qui constituent le milieu de vie des populations de peuples autochtones de chasseurs cueilleurs (Bakas, Bagyéli, en particulier1) et des populations d’origine Bantou qui pratiquent aussi une agriculture forestière sont progressivement mises à disposition d’exploitants forestiers, sans que les populations affectées soient prises en compte.
Les forêts avaient commencé à être exploitées de façon commerciale depuis la fin du XIXe siècle, alors que le pays était encore une colonie. Avec l’indépendance, l’exploitation du bois est en partie nationalisée et en partie assumée par des sociétés commerciales, souvent européennes. Le cadre législatif camerounais dissocie la gestion des ressources forestières de celle des espaces agricoles. L’exploitation du bois s’opère sans aucune préoccupation de durabilité, de façon « minière ». Elle est accusée d’être gangrénée par le clientélisme et la corruption, amenant le pays à promulguer une nouvelle loi forestière en 1994, dans le cadre des négociations avec la Banque Mondiale et le FMI, marquant une volonté de mettre de l’ordre dans l’exploitation des ressources afin de contribuer aux exportations du pays. Dans la pratique, même si les droits sur la terre ne sont pas concernés par la politique forestière, l’impact sur l’emprise foncière des populations et sur l’appropriation des ressources communes en général va rester bien réel.
Des évolutions très différentes vers une reconnaissance partielle des droits des peuples des forêts
Guatemala
Le Guatemala a été le théâtre d’un conflit de plus de 30 ans, dont les causes profondes étaient l’exclusion de la majorité des populations indigènes et paysannes et l’extrême concentration de la terre. Alors que le cadre législatif et les conditions politiques et sociales restaient extrêmement défavorables à la reconnaissance des droits des communautés, la situation va évoluer de façon imprévue après les négociations de paix entre le gouvernement et la guérilla qui met fin à la guerre civile en 1996.
C’est dans ces conditions politiques spécifiques impliquant une importante modification des rapports de force que les efforts de la coopération internationale pour la création de la Réserve de la Biosphère Maya vont permettre l’ouverture d’un espace inédit pour la négociation. Les communautés extractivistes du Petén vont obtenir, grâce à leur lutte, l’attribution de concessions forestières dans la partie nord de la réserve, classée comme zone d’utilisations multiples. Les communautés vont convaincre le gouvernement de l’intérêt de leur confier la plus grande partie de cette zone, par le biais de 23 concessions forestières, alors que seulement deux d’entre elles sont attribuées à des entreprises privées.
D’une façon totalement indépendante, les communautés indigènes de la région de l’Altiplano guatémaltèque vont également réussir à consolider leurs positions. La loi forestière de 1996 avait permis l’instauration d’un programme de subventions à la mise en place de plantations forestières, le PINFOR (Programa de Incentivos Forestales). Ce programme, conçu pour appuyer les grands propriétaires terriens et les entreprises forestières, excluait la participation des petits producteurs communautaires en exigeant la possession de titres de propriété sur la terre pour pouvoir accéder aux subventions, pour des parcelles de plus de 2 hectares. Quelques communautés qui avaient réussi à obtenir des titres fonciers purent participer au programme, mais 90 % des fonds, provenant du budget de l’État (1 % du budget ordinaire), continuaient à être versés aux grandes entreprises. Ce petit groupe de communautés a alors initié un processus d’échanges et de discussions avec d’autres communautés qui disposaient d’espaces forestiers. Ce processus a débouché en 2006 sur la création de l’association Ut’z Ché. Celle-ci regroupe aujourd’hui 33 organisations communautaires. Elle est devenue un acteur incontournable dans le domaine de la gestion forestière, réussissant à obtenir du gouvernement la création de mécanismes spécifiques d’appui pour les communautés. En 2006, a été créé un nouveau programme destiné à ceux qui possédaient de la terre en petite quantité, sans nécessairement disposer d’un titre de propriété : le PINPEP (Programa de incentivos para pequeños poseedores de tierras de vocación forestal o agroforestal), qui a fonctionné au début grâce à un financement de la coopération hollandaise et est devenu en 2010, après la publication du Décret N° 51-2010, un programme national fonctionnant avec une assignation de fonds du budget de l’État (de 0,5 à 1 %). Il s’agissait là d’une avancée significative obtenue grâce au travail des organisations de foresterie communautaire et d’une victoire politique particulièrement remarquable dans un pays comme le Guatemala, dominé depuis des siècles par les grands propriétaires fonciers.
Cameroun
Au Cameroun, la loi forestière de 1994 s’appuie sur un « zonage » des espaces forestiers, suivi par un processus postérieur de « classement » qui est censé être précédé par un débat public et contradictoire. Sont ainsi définis un « Domaine Forestier Permanent » et un « Domaine Forestier non Permanent ». L’ensemble des forêts, quel que soit leur statut légal, doivent être gérées conformément aux règles établies par le Ministère chargé des forêts. L’État délivre des « concessions » ou autorise des « ventes de coupe » ponctuelles. Les droits d’usage des populations locales sur la plupart des produits non ligneux et de la chasse sont censés être respectés, à condition, d’une part, de ne pas toucher à des espèces protégées et d’autre part, que ces usages se fassent « en vue d’une utilisation personnelle » et non pour la vente. Sur le terrain, les choses se passent le plus souvent bien différemment : c’est toujours la « fonction » de production de la forêt qui est privilégiée et non les droits d’usage des populations autochtones.
Le Domaine Forestier Permanent est destiné soit à la production, via des concessions à des entreprises privées ou des municipalités (« forêts communales »), soit à la conservation. Globalement, la réforme de 1994 a étendu l’aménagement forestier à toute la zone sud et sud-est du pays, qui était encore quasiment vierge ou n’avait pas connu d’exploitation forestière auparavant. Une partie des forêts permanentes y a été classée comme zones protégées et une autre a été destinée à la production. En 2011, les unités forestières d’aménagement (UFA) attribuées à une soixantaine de sociétés représentaient environ 6 millions d’hectares, sur un total de 8 millions d’hectares destinés aux forêts de production, alors que les 34 « forêts communales » couvraient un peu plus de 800 000 hectares. Les aires protégées, elles, représentaient 7,4 millions d’hectares.
Dans le Domaine Forestier non Permanent, il est possible d’obtenir un titre de propriété sur la terre, chose impossible pour les terres classées dans le Domaine Forestier Permanent. Une partie importante du « domaine national de l’État », dont 14,6 millions d’ha de forêts, n’a toujours pas été « classée ». Dans les régions qui avaient fait l’objet d’une exploitation forestière antérieure, un grand nombre de permis n’ont pas été renouvelés. Il existe encore une exploitation forestière, illégale, mais dont le volume est loin d’être négligeable, puisqu’elle constitue la principale source d’approvisionnement du marché national de bois. C’est sur ce type de terres que se posent la plupart des problèmes de non reconnaissance des droits coutumiers des communautés. C’est aussi là que l’on voit se multiplier les concessions agro-industrielles.
C’est enfin sur ce type de terres que se mettent en place ce que la loi appelle les « Forêts Communautaires » que nous préférons appeler ici « Concessions Forestières Communautaires ». Nous réservons le terme de forêt communautaire à celles qui sont de fait gérées par les communautés selon les normes coutumières, même si cette situation n’est pas légalisée suivant les lois nationales.
Les concessions forestières communautaires vont prendre une importance de plus en plus grande : 1 million d’ha en cours de négociation en 2011 et un peu moins de 600 000 ha avec une convention définitive. Elles sont souvent présentées comme une avancée majeure de la loi forestière, rendant possible une gestion légale des forêts par les communautés. Mais la loi limite très fortement leur impact : les communautés qui veulent demander la constitution d’une « Forêt Communautaire » doivent créer une organisation formelle (Groupe d’Initiative Commune, association, coopérative) et la superficie allouée ne peut pas dépasser 5 000 ha, dans le cadre d’une convention de 25 ans. La non-reconnaissance des structures coutumières existantes et l’attribution temporaire de surfaces très réduites par rapport aux territoires revendiqués par les communautés sur la base de leurs pratiques ne constituent nullement une reconnaissance de leurs droits.
Le choix opéré par le gouvernement camerounais avec l’appui de la Banque Mondiale a été de reconnaître aux grandes entreprises d’exploitation forestière le rôle de pivot du développement des territoires forestiers. L’État définit les règles et assure le contrôle de leur respect, tant au niveau des aires protégées que des forêts de production, afin de garantir une exploitation durable de la forêt.
En résumé
Du fait du passé d’anciennes colonies du Guatemala et du Cameroun, les cadres normatifs de gouvernance des forêts et d’organisation du territoire ont été dans les deux pays imposés par le haut. Leurs sociétés sont très inégalitaires et une minorité d’acteurs, propriétaires fonciers et/ou entreprises forestières concentrent une grande partie du pouvoir économique et politique. Ceux-ci ont pu s’approprier une grande partie des ressources foncières et/ou forestières et considèrent que les pratiques basées sur la culture locale sont inadéquates, arriérées et inefficaces.
Les pressions internationales pour la mise en place des politiques de conservation des grands massifs forestiers ont joué un rôle important dans les deux pays. Dans le contexte national que nous venons d’évoquer, la conservation a été d’emblée pensée comme l’exclusion des populations autochtones, censées détruire l’environnement. Souvent, celles-ci considèrent encore les ressources naturelles comme illimitées et n’ont pas pleinement conscience de la nécessité de mettre en place un développement durable tant que les limites de leur territoire n’ont pas été clairement établies.
Mais les deux pays sont très différents sous beaucoup d’autres aspects. Au Guatemala, la longue tradition d’organisation et de résistance des sociétés Maya, qui ont pu maintenir leur culture malgré des siècles d’oppression, est sans doute à mettre en relation avec le développement remarquable qu’elles avaient eu avant la conquête. Ces sociétés avaient alors connu une différenciation sociale très poussée. Au contraire, l’organisation sociale des peuples de chasseurs cueilleurs du bassin du Congo et l’organisation lignagère des communautés Bantou sont beaucoup moins développées. On peut formuler l’hypothèse que ces trajectoires et expériences historiques si différentes ne sont pas sans influence sur la capacité des peuples à s’organiser aujourd’hui pour pouvoir résister à l’appropriation des ressources forestières.
Les caractéristiques des périodes historiques pendant lesquelles s’est opérée la reconnaissance partielle des droits de communautés ont elles aussi été totalement distinctes au Cameroun et au Guatemala.
Au Guatemala, c’est juste après les accords de paix que se mettent en place les concessions forestières communautaires du Petén, sous la pression des organisations locales. Celles-ci se structurent pour pouvoir peser dans les négociations, tout comme le faisaient déjà les grandes entreprises forestières privées. Elles profitent d’un moment où les rapports de force entre les populations indigènes et extractivistes d’une part, les militaires et l’oligarchie d’autre part, ont été profondément modifiés.
Au Cameroun, c’est dans le cadre des négociations avec la Banque Mondiale et le FMI que le nouveau cadre législatif sur les forêts est élaboré. Il prévoit certes de reverser une partie des revenus de l’exploitation forestière aux collectivités locales, mais le schéma ne répond pas à des luttes des communautés de base.
Dans les deux cas, les ONG internationales vont peser dans les débats et ensuite intervenir en appui aux dynamiques qui se seront développées. Mais les spécificités sociales et politiques de chaque pays vont conduire à des évolutions très différentes au Cameroun et au Guatemala.
Des processus distincts de construction sociale et des résultats très différents au Cameroun et au Guatemala
Au Guatemala, des processus communautaires qui se consolident
Les communautés forestières du Petén et la structuration d’ACOFOP
L’Association des Communautés Forestières du Petén s’est créée pour aider les communautés qui se trouvaient dans la zone que l’État guatémaltèque voulait transformer en réserve naturelle à défendre leurs droits d’accès et d’utilisation des ressources forestières. En 1995, des leaders de plusieurs communautés forment un Comité des Communautés Forestières du Petén afin de solliciter auprès de l’État le droit de pouvoir continuer à utiliser les ressources qui les faisaient vivre depuis des décennies. Deux ans plus tard, ce comité informel se transforme en une association légalement reconnue, ACOFOP. Dans le contexte tendu de l’après-conflit, ces leaders réussissent à faire évoluer la conception initiale de la Réserve de la Biosphère Maya, en convaincant les organisations internationales conversationnistes et le gouvernement que leur proposition de concessions communautaires est préférable à des concessions d’industriels privés, tant au niveau social qu’environnemental. Les concessions communautaires sont attribuées par l’État sur des terres nationales pour une durée de 25 ans, une durée relativement courte alors que les cycles de coupe sont souvent de l’ordre de 40 ans, mais qui ont été suffisantes pour que les organisations communautaires se consolident2.
Dès le début, l’organisation se fait simultanément à plusieurs niveaux:
1/ au niveau communautaire, avec la constitution d’organisations de différentes natures (associations, sociétés civiles, coopératives) suivant les préférences des membres de chaque communauté3;
2/ à un niveau intercommunautaire, pour la coordination des actions et des revendications politiques, et plus tard pour assurer des fonctions de production, certification, transformation des produits, et
3/ avec des acteurs externes, nationaux et internationaux, de façon à pouvoir toucher les centres de pouvoir et faire le plaidoyer nécessaire pour garantir le succès du projet. Ces trois niveaux ont tous joué un rôle essentiel dans la réussite d’ACOFOP.
Les communautés forestières ont choisi de modifier leurs pratiques d’utilisation de la forêt. Alors qu’elles vivaient uniquement de l’extraction de produits non ligneux, elles ont décidé de commencer à exploiter le bois, tout en poursuivant leurs activités traditionnelles. Cette évolution n’a pas toujours été facile. La dynamique collective construite avec ACOFOP a joué un rôle décisif, mais la décision dépendait de chaque association. Elles ont appris petit à petit par elles-mêmes à réaliser l’ensemble du processus, depuis l’abattage, l’extraction, la transformation, en commençant par la vente d’arbres sur pied et en investissant progressivement dans la formation des personnes et dans l’achat du matériel nécessaire. L’appui que leur a apporté la coopération internationale a facilité cette évolution progressive. Ce faisant, les communautés ont largement consolidé leur situation économique. C’est ce qu’elles ont vite compris et c’est la raison pour laquelle elles ont finalement toutes décidé de ne pas se contenter de la cueillette de produits non ligneux et de travailler aussi le bois. Aujourd’hui, ACOFOP regroupe 22 organisations communautaires et quelques membres individuels. Les quelque 2000 associés travaillent environ 400000 ha, bénéficiant à environ 14 000 personnes dans la zone. Le statut des travailleurs et la répartition des bénéfices varient suivant la structure associative qui a été choisie. Dans la plupart des communautés, cette gestion collective fonctionne bien4. Les photographies satellite montrent que la forêt est très bien conservée dans la zone couverte par les concessions, alors que les zones de protection intégrale qui se trouvent plus à l’ouest sont fortement dégradées et victimes de colonisation par des agriculteurs et des éleveurs extensifs5.
Le processus d’organisation de Ut’z Ché
Dans les hautes terres, les zones boisées ont toujours une grande importance dans les modes de vie des populations locales; 30 % des surfaces forestières sont encore considérées et gérées en tant que terres communes aux membres des communautés indigènes ou paysannes qui habitent ces territoires. Déjà bien avant l’arrivée des Espagnols, ont été établis des systèmes normatifs complexes qui définissaient les droits et les obligations des membres de chaque groupe social. Les terres des lignages préhispaniques constituent encore la base des territoires indigènes d’aujourd’hui, mais ils ont subi d’importantes transformations durant l’époque coloniale. Les modes de vie de ces populations combinent économie de subsistance et activités marchandes. L’agriculture y est pratiquée sur de petites surfaces (minifundios). Des systèmes communaux de gestion de la terre se sont maintenus. Les forêts fournissent de nombreuses ressources indispensables aux ménages : bois pour la construction et le chauffage, engrais pour les cultures, espaces de pâturage, nourriture, fibres et eau. Elles ont également une importance symbolique et culturelle, en abritant des lieux de culte. Du fait de leur importance dans les systèmes de vie traditionnels des populations de ces régions, ces forêts sont encore aujourd’hui dans un très bon état de conservation; la persistance des systèmes communautaires de gestion de ces espaces a garanti leur préservation, en vue de l’intérêt collectif.
L’histoire de la création de l’association de foresterie communautaire Ut’z Ché s’inscrit dans ces territoires, densément peuplés. Elle est donc totalement différente de celle des concessions communautaires des basses terres6. Elle se constitue à partir de 2006 avec des organisations parfois très anciennes, des communautés indigènes Maya, mais aussi des organisations paysannes non indigènes. Leur regroupement progressif pour pouvoir bénéficier d’un programme de subvention de l’État qui ne leur était pas destiné va permettre la structuration d’une organisation de second niveau, qui aujourd’hui regroupe 34 organisations différentes. Les membres de l’association travaillent sous des formes juridiques très diversifiées. On retrouve, comme dans le cas d’ACOFOP, une organisation à plusieurs niveaux, avec pour objectifs de modifier les politiques publiques en faveur de la foresterie communautaire et d’obtenir des appuis financiers et techniques pour les communautés.
La mise en place d’instances de coordination nationales et régionales
Ces deux associations, ACOFOP et Ut’z Ché, et quelques autres ont constitué l’Alliance nationale des organisations forestières du Guatemala. Elles sont aussi membres d’organisations centroaméricaines et internationales, et travaillent avec tout un réseau de partenaires, comprenant des organismes de coopération internationale et des institutions universitaires.
Ces niveaux d’organisation nationaux et internationaux ont joué un rôle clef dans la reconnaissance des organisations par les différents secteurs de la société, sur le plan social, mais aussi culturel et économique. Ils ont largement contribué à rendre possible le renforcement de leurs actions au niveau local.
Au Cameroun, des résultats mitigés dans le domaine de la foresterie communautaire
La volonté affichée par le gouvernement avec la loi forestière était d’impliquer les populations locales et autochtones dans la gestion des ressources forestières et de leur permettre de bénéficier des richesses produites par leur exploitation. Toutefois, les dispositifs mis en place n’ont pas été en mesure d’atteindre ces résultats. La rente forestière a continué à être accaparée par une minorité d’acteurs. La foresterie communautaire a certes été introduite dans les textes, mais dans la réalité, les droits des communautés n’ont pas été reconnus. Dans quelques régions, des expériences significatives ont été menées, en essayant de construire des schémas viables, mais globalement, aucune modification substantielle des rapports de force n’a pu avoir lieu à l’échelle nationale. Le Cameroun est confronté aujourd’hui au développement accéléré d’activités agricoles et minières à grande échelle sur les terres forestières de nombreuses communautés.
Accaparement de la rente forestière par une minorité d’acteurs et perversion du concept même de foresterie communautaire
Le cadre normatif camerounais demande, pour l’obtention et la gestion d’une concession forestière communautaire, des procédures complexes et coûteuses pour le montage du dossier et des opérations d’aménagement qui obligent à une technicité élevée. Les deux choses n’étaient pas à la portée des communautés locales et autochtones, qui ne disposaient pas de compétences internes en matière de gestion. Aucun processus de renforcement de capacités n’a par ailleurs été mis en place à l’échelle locale. Les communautés ont dû presque toujours faire appel à des entrepreneurs externes pour l’exploitation forestière.
De fait, certaines personnes au sein des villages, des « élites » locales, qui maîtrisaient les procédures administratives, avaient des capacités de gestion et entretenaient des relations étroites avec l’administration centrale se sont approprié le dispositif. Dans beaucoup de cas, les concessions forestières communautaires ont servi des intérêts individuels, et non les bénéficiaires attendus. La rente forestière a ainsi très largement été accaparée par quelques-uns. Ces évolutions, au lieu de renforcer les niveaux d’organisation, ont été à l’origine de l’émergence de nouveaux conflits au sein des communautés. Là où l’exploitation des ressources forestières a pu débuter, souvent par le biais d’entreprises sous-traitantes, les organisations traditionnelles chargées de la gestion des ressources forestières se sont progressivement fragilisées. Les conflits ont porté sur les choix relatifs à la gouvernance des ressources forestières et sur la gestion des revenus issus de la commercialisation des produits forestiers. De plus, dans de nombreux cas, les conditions de travail imposées par les entreprises sous-traitantes ont été très dégradantes, mettant en danger la santé des travailleurs. Il n’était pas possible, dans ces conditions, de construire un projet avec des opportunités d’emploi durables pour les jeunes. Très souvent, la dégradation de l’environnement entraînée par l’exploitation du bois a été forte, avec un pillage des ressources forestières et le non-respect des règles d’exploitation fixées par les plans simples de gestion. Alors que les cycles d’exploitation sont de 25 ans, souvent, les territoires des concessions forestières communautaires ont été vidés des bois à plus haute valeur commerciale au cours des 5 premières années d’exploitation. L’insuffisance des contrôles et la corruption très présente ont largement contribué à ces phénomènes.
Ces nombreuses difficultés n’auraient pas dû inciter les communautés à développer de nouvelles expériences de concessions forestières communautaires. Toutefois, leur reconnaissance représentait souvent la seule opportunité viable de se voir reconnaître un minimum de droits par l’État sur les terres qu’elles occupaient. Dans la pratique, elles ont continué à gérer leurs terres coutumières comme auparavant, mais l’introduction des CFC est souvent venue perturber les modes de gouvernance coutumiers. Au lieu de s’adapter progressivement et de permettre que les nouveaux revenus consolident les droits des membres des communautés sur les ressources, l’appropriation privative des richesses par quelques individus a contribué à déstructurer les communautés et a provoqué une perte de crédibilité dans la proposition de modernisation de la gestion communautaire du bois.
Globalement, malgré le nombre croissant de concessions forestières communautaires, il semble évident que les droits de gestion des ressources forestières des communautés sont de moins en moins reconnus. Ce sont les grandes entreprises forestières et les grandes entreprises agricoles et minières qui s’approprient de plus en plus de terres jusqu’alors gérées par les communautés, mais sans formalisation du statut du foncier en leur faveur.
L’expérience de la coopérative agroforestière de la Trinationale, CAFT
L’expérience de la CAFT se situe dans l’est du Cameroun (dans l’arrondissement de Ngoyla), une région encore très enclavée. La coopérative regroupe neuf organisations communautaires de base, qui ont obtenu la gestion de petites concessions forestières communautaires pour une durée de 25 ans. La CAFT a été créée en 2004, suite à un long processus de lutte et d’organisation des populations locales contre un projet d’exploitation des ressources en bois par une entreprise libanaise, dans le but de promouvoir le développement local et la reconnaissance des droits de gestion des populations Baka et Bantou sur les ressources forestières.
Dans cette région, l’État avait délimité des superficies destinées à la mise en place de futures unités forestières d’aménagement (UFA), susceptibles d’être cédées en concessions à des entreprises, mais n’avait pas jusqu’à l’année dernière commencé à attribuer ces concessions. Les concessions forestières communautaires ont été attribuées en dehors de ces UFA potentielles, dans les zones bordant les pistes où se trouvent installées les communautés. Elles ont certes permis de sécuriser une partie des territoires des communautés forestières de Ngoyla contre l’appropriation des ressources forestières communes par des acteurs externes, mais sur des surfaces limitées, une bonne partie des territoires de réserve des communautés s’étendant dans les aires destinées aux UFA.
La CAFT a alors développé un projet de création de petites entreprises forestières communautaires, pour la valorisation des ressources forestières ligneuses et non ligneuses, des produits agricoles et des activités d’éco-tourisme, comme outil de développement communautaire. Dans le souci de s’inscrire dans la promotion d’un modèle de gestion durable des ressources forestières, la CAFT a ensuite décidé de ne pas s’engager dans l’exploitation du bois, qui aurait impliqué une forte dépendance vis-à-vis d’entreprises d’exploitation sous-traitantes ; une expérimentation à petite échelle avait provoqué de graves dysfonctionnements.
L’expérience de la CAFT se distingue donc de celle de la plupart des autres concessions forestières communautaires du Cameroun, pour qui l’exploitation du bois constitue l’activité économique principale. À l’heure actuelle, les dirigeants de la coopérative considèrent que le choix fait de ne pas exploiter les ressources ligneuses des forêts communautaires pourrait représenter une capitalisation permettant la négociation de crédits carbone dans le cadre de projets REDD ou PSE7. Si l’histoire de l’organisation et les projets de la CAFT présentent un intérêt bien réel, force est de constater qu’environ dix ans après sa création, la situation de la coopérative demeure fragile. Les difficultés restent nombreuses et aucune autre activité de commercialisation des ressources forestières n’a encore pu être mise en place par les communautés membres de la CAFT. Aujourd’hui encore, l’enclavement de la zone, les difficultés et le temps nécessaire pour mettre au point un processus de transformation et de commercialisation de produits forestiers non ligneux, et le manque d’expérience des habitants dans ces domaines permettent d’en comprendre les raisons. Le cacao, principal produit commercialisé par ces communautés, n’a curieusement pas été considéré comme une priorité pour le développement économique des communautés par la coopérative8. Le niveau de vie des populations reste très faible.
Alors que la région devrait être desservie par de nouvelles voies de communication au cours des prochaines années, avec un développement annoncé d’exploitations minières et forestières à grande échelle, s’inscrivant dans les plans de développement établis par l’État, le rapport des forces en présence fait craindre que ne se produise un processus de dépossession à grande échelle des communautés Bantou et Baka de la région.
Absence de modification significative des rapports de force à l’échelle nationale
Les choix de politique forestière opérés par le Cameroun, qui privilégient les grandes entreprises forestières industrielles et la réglementation par l’État, ne semblent pas être de nature à générer une gestion durable des ressources forestières sur le long terme. Qu’adviendra-t-il de ces forêts quand les arbres plusieurs fois centenaires qui sont aujourd’hui coupés auront disparu? La rentabilité de l’extraction forestière diminuera fortement et les exploitants se retireront s’ils ont de meilleures opportunités de profit ailleurs. La forêt appauvrie, écrémée de ses fûts les plus recherchés, sera alors accessible grâce aux routes d’exploitation qui auront été ouvertes et le dispositif de surveillance ne sera plus opérationnel. Les populations locales, cantonnées dans les espaces aux usages agro-forestiers des interstices existant entre les UFA, auront perdu une source de travail et n’auront nullement appris à gérer le patrimoine forestier commun que l’État avait jusqu’alors cédé en concessions aux grandes entreprises.
Dans de telles situations, la réponse est le plus souvent un changement d’usage du sol pour des activités agricoles, réalisées par les acteurs qui disposent des moyens pour le faire rapidement et à grande échelle. En effet, les enjeux sont d’importance, ces zones offrant des opportunités de conversion à une agriculture de plantation, palmier à huile, canne à sucre ou à des productions annuelles mécanisées, qui peuvent au moins pendant quelques années utiliser la fertilité des sols forestiers. Il semble donc très improbable, dans ces conditions, que le retrait des compagnies forestières permette le développement d’une foresterie communautaire8.
Dans les zones classées ou susceptibles d’être classées comme Domaine Forestier non Permanent, l’insécurité juridique sur le foncier et les difficultés à construire dans la durée une capacité de gouvernance des ressources communes par les communautés permettent de supposer que l’on assistera donc à une intensification des installations de plantations agro-industrielles, qui correspondent au modèle agricole que le gouvernement camerounais semble vouloir privilégier aujourd’hui. Ce ne serait que la réplique, dans le domaine agricole, du choix qui a été fait pour la gestion des forêts et le prolongement d’une longue tradition qui plonge ses racines dans l’époque coloniale et s’est perpétuée avec les grandes plantations et unités de production agricoles de l’État après l’indépendance. Ces évolutions sont déjà largement engagées avec le développement de plantations de palmiers à huile, de canne à sucre, d’hévéa, etc. De nombreuses zones couvertes de forêts vont aussi subir les conséquences négatives du développement du secteur minier, par le biais de la construction de chemins de fer et d’oléoducs, et du fait des nuisances environnementales qui y sont généralement associées.
Les dispositifs des concessions forestières communautaires semblent incapables d’alimenter la construction d’un mouvement de résistance des populations locales, et de défense de leurs territoires coutumiers. Contrairement à ce que nous avons observé au Guatemala, seules quelques ONG se battent pour la défense des droits des communautés, mais on ne voit pas encore se constituer une dynamique d’organisation au niveau régional et national. L’expérience de la CAFT constitue à cet égard une exception, mais encore bien faible pour être susceptible de relever les défis actuels.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de ces expériences?
Les schémas latino-américains de foresterie communautaire sont souvent présentés comme des modèles qui seraient applicables ailleurs dans le monde. L’analyse comparative de quelques situations au Guatemala et au Cameroun montre clairement que ce n’est pas si simple. Il n’existe pas de modèle de foresterie communautaire qui serait valable partout. Au Guatemala même, nous avons vu que les formes d’organisation qui s’étaient développées dans les terres hautes, où les communautés Maya densément peuplées se sont maintenues depuis des siècles, étaient très différentes de celles qui avaient pu voir le jour dans les terres basses du Petén, où la densité de population est faible et où les communautés, composées de migrants de différents groupes ethniques, sont de création beaucoup plus récente.
Mais l’impossibilité d’établir des modèles transférables tels quels d’un endroit vers un autre ne signifie pas que l’on n’ait rien à apprendre des autres. Bien au contraire, et c’est tout l’intérêt du regard croisé que nous avons porté sur le Guatemala et sur le Cameroun.
Tenir compte des formes d’organisation pre-existantes
Se limiter à une analyse des cadres juridiques formels tout en mettant en avant leur caractère plus ou moins favorable à la reconnaissance des droits des populations s’avère être largement insuffisant pour pouvoir imaginer ce qu’il serait possible de construire pour améliorer la gestion des ressources d’un territoire. Tenir compte des formes d’organisation et de gestion des ressources forestières préexistantes qui ont été développées par les communautés locales est indispensable.
Revenons à la situation du Guatemala et du Cameroun pour illustrer cette affirmation.
La Constitution du Guatemala affirme plus encore que la plupart des Constitutions des autres pays d’Amérique latine la nature absolue de la propriété. Par ailleurs, le Code civil de ce pays ne permet plus la prescription extraordinaire, c’est-à-dire la reconnaissance légale des droits acquis au cours du temps et socialement reconnus. On pourrait en déduire que ce contexte juridique devrait être très défavorable au développement de la foresterie communautaire et à la reconnaissance des droits des communautés.
Au Cameroun, le rôle de « gardien » de l’État sur les terres qui n’ont pas été immatriculées semble à première vue beaucoup plus favorable à une reconnaissance des droits des populations sur leurs territoires coutumiers.
Or, nous avons pu constater que les évolutions avaient été contraires à ce qu’aurait pu laisser présager cet examen rapide des cadres juridiques nationaux. Les lois dont se dote un pays ont bien sûr une influence, mais beaucoup d’autres éléments vont influer sur les transformations qui y ont lieu.
L’imposition d’un cadre de régulation de l’espace et des territoires qui ne tient pas compte des formes d’organisation et de gestion des ressources préexistantes amène à privilégier uniquement deux types d’ayants droit, l’État et les individus. Sont exclus d’emblée toutes les diverses formes collectives d’organisation sociale qui permettent une gestion territoriale aux niveaux intermédiaires. Les conséquences sont importantes : les forêts communautaires font alors l’objet d’une compétition croissante entre individus, entre familles élargies d’un même village, entre villages. Mais ce sont surtout des acteurs économiques et politiques externes qui peuvent profiter de cette situation pour s’approprier les richesses qu’elles contiennent.
On retiendra que réformer le cadre légal ne peut être suffisant en soi. Il faudra pouvoir construire les nouveaux cadres normatifs et les conditions nécessaires pour que les normes puissent être effectivement respectées sur la base d’un travail conjoint et interactif entre les communautés et l’État. Ce processus ne pourra aboutir en une seule fois à un résultat optimum, il demandera des allers-retours, des mises au point qui prendront du temps. Ce travail ne pourra se faire si les communautés n’ont pas la capacité de mener une réflexion sur leurs pratiques de gouvernance des ressources et de concevoir un certain nombre d’évolutions souhaitables.
Mettre en place des mécanismes d’apprentissage pour renforcer les capacités de gestion des ressources forestières par les communautés
Dans ces conditions, la construction de nouvelles capacités, le renforcement de certains acteurs par rapport à d’autres sont tout à fait essentiels. Ils sont au moins aussi importants, voire plus, que la pertinence du cadre légal formel. Mais les mécanismes d’apprentissage sont longs, et les transformations en matière de structuration sociale encore plus. Ce sont des processus, des dynamiques, qui se construisent par la pratique. Suivant la situation de départ, certaines évolutions seront relativement faciles ou beaucoup plus difficiles. Il ne sera pas possible de travailler de la même façon dans tous les cas, d’appliquer une seule recette qui pourrait convenir à la fois à des sociétés très fortement structurées et à des sociétés très peu différenciées.
L’apprentissage au niveau d’une société dans son ensemble implique que les citoyens, les membres de la communauté, puissent décider de leurs stratégies, de l’usage qu’ils souhaitent faire de leurs ressources communes. Il leur faudra réussir à adapter leur gestion du territoire à des changements de plus en plus rapides. Et cette gestion ne peut se réduire à maximiser l’extraction d’une rente naturelle. Il s’agit pour les communautés de pouvoir garantir dans la durée leurs propres moyens de subsistance, l’eau, les ressources économiques, etc. De fait, les changements qui s’opèrent au niveau des voies de communication et des technologies rendent accessibles des ressources qui étaient auparavant inexploitables. Les modalités de gouvernance qui, historiquement, avaient été opérationnelles deviennent alors inopérantes et les connaissances qui y étaient associées perdent de leur pertinence. Une bonne illustration de cette situation nous est fournie par les populations Baka, pour lesquelles le bois des grands arbres ne constituait pas une ressource valorisable. Les connaissances extraordinairement précises que les peuples chasseurs cueilleurs de la forêt équatoriale ont développées ne peuvent pas être directement utiles pour mettre en place une exploitation forestière durable, même si elles peuvent être d’un grand intérêt pour beaucoup d’autres aspects d’un développement durable du territoire. Par contre, le bois constitue la ressource principale que recherchent les entreprises forestières et elles disposent des moyens techniques et des savoirs minimaux pour pouvoir en tirer profit. On conçoit aisément que dans ces conditions, certaines formes d’appropriation de ressources « non valorisées » puissent se développer sans susciter une réaction immédiate de la part des populations spoliées.
L’apprentissage implique par ailleurs d’avoir un « droit à l’erreur ». Une des règles essentielles devrait donc être de ne pas s’engager dans des aventures qui risquent de faire tout perdre aux acteurs. C’est une évidence, mais qui est loin d’être toujours prise en compte.
Ces règles seront mieux appliquées lorsqu’elles seront établies par les communautés elles-mêmes. Des montages impliquant un contrôle croisé entre communautés permettent de rendre possible cet apprentissage. L’articulation des niveaux d’organisation dans l’expérience d’ACOFOP illustre bien ce point fondamental. Dès le début, les communautés ont lutté ensemble pour obtenir l’accès aux concessions. Ensuite, elles ont géré ensemble un certain nombre de paramètres communs, ce qui a permis d’éviter un grand nombre de dérives au niveau des associations ou structures locales. La certification FSC, par exemple, est gérée au niveau de l’ensemble des communautés membres d’ACOFOP. Cela permet de faire des économies, mais cela oblige surtout toutes les communautés à rester vigilantes sur les pratiques de chacune d’entre elles. Si une communauté perd son accréditation, c’est l’ensemble des organisations membres d’ACOFOP qui risquent de perdre leur label. La situation s’est produite dans une communauté qui était fortement affectée par les narcotrafiquants. L’ensemble des membres d’ACOFOP a dû exclure cette communauté de l’Association. De tels dispositifs semblent en général absents des pratiques dominantes autour des concessions forestières communautaires au Cameroun.
Par ailleurs, on ne peut aisément construire un processus d’apprentissage de nouvelles formes collectives de gouvernance si les questions sur lesquelles elles portent signifient des opportunités d’enrichissement considérables pour certains individus. Rien d’étonnant que le dispositif des concessions forestières communautaires au Cameroun soit devenu un outil privilégié de pillage des ressources communes par quelques hommes forts (les « élites ») des communautés. Pour construire une nouvelle capacité de gouvernance au niveau d’une communauté, il aurait été préférable de travailler sur la gestion d’un fond beaucoup plus réduit, qui n’aurait pas attiré la convoitise des puissants et dont la perte n’aurait pas entraîné la ruine de l’ensemble du projet.
On perçoit qu’il est nécessaire, pour pouvoir changer les rapports de force, d’intervenir à la fois au niveau économique, au niveau social et au niveau politique.
La CAFT au Cameroun a mené un travail politique et social efficace et a obtenu la création de ses propres forêts communautaires. Mais elle n’a pas pu trouver une façon de consolider sa situation économique, n’ayant pas réussi à exploiter le bois ni à mettre en place une source alternative de revenus. Sa situation s’en trouve aujourd’hui fragilisée.
Les concessions forestières communautaires du Petén ont par contre dans leur majorité réussi à combiner succès économique et consolidation sociale et politique, à améliorer le niveau de vie des membres tout en assurant la conservation des forêts. La maîtrise de l’exploitation forestière a joué un rôle décisif en permettant aux communautés d’élever leur niveau de vie et d’augmenter leur crédibilité par rapport aux autres acteurs. Ce n’est pas par hasard que le leader du Petén qui a participé au voyage d’étude au Cameroun insistait toujours sur la nécessité de ne pas se limiter à faire ce que l’on a toujours fait. C’est aussi ce qu’ont commencé à faire les associations de l’altiplano guatémaltèque, d’une toute autre manière, en obtenant la mise en place d’un programme de subventions publiques susceptible de les aider à mieux gérer leurs ressources forestières.
On voit qu’il n’existe donc pas de modèle universel qui soit supérieur aux autres et qu’il convient dans chaque situation de trouver la combinaison la plus pertinente. Les mécanismes d’apprentissage doivent permettre aux communautés de s’approprier les processus de changement et de trouver cette combinaison sui generis.
Renforcer l’organisation sociale et les luttes à tous les niveaux. La gouvernance par les communautés ne se décrète pas, elle se conquiert et se construit.
Dans une dynamique historique d’accaparement des ressources naturelles qui se renforce et se généralise à l’heure actuelle, la dépossession et l’exclusion constituent des menaces permanentes pour les communautés locales. Mais il ne s’agit pas seulement de défendre les droits des communautés. Ce n’est pas uniquement une question morale, de droits humains ! C’est l’avenir de l’humanité qui est en jeu, et particulièrement lorsqu’il s’agit de conserver les grands massifs forestiers tropicaux et équatoriaux.
Il convient donc de nouer des alliances à une échelle plus large qu’au seul niveau local (du local au mondial), et avec d’autres acteurs, issus de secteurs sociaux différents (paysans - indigènes, ruraux – urbains, etc.), qui impliquent la société dans son ensemble, face au constat que les conséquences de la perte des ressources naturelles nous concernent tous.
Il est souvent possible de créer des synergies entre des processus différenciés dans des régions distinctes, susceptibles de faire évoluer les rapports de force à l’échelle du pays en faveur des communautés. C’est ce que nous enseigne l’expérience guatémaltèque. Cela n’a pas encore été possible au Cameroun.
Une autre leçon tirée des expériences que nous venons d’examiner est l’importance que revêt une reconnaissance internationale des actions pour pouvoir contribuer à modifier les relations au niveau national. Les membres d’ACOFOP aiment raconter que c’est à Johannesburg, lors du sommet de la Terre de 2002, qu’ils ont pu se faire connaître du Président de leur propre pays, alors qu’ils recevaient un prix international pour leurs actions. Le fait que ce premier contact ait eu lieu pour la première fois sur un autre continent n’est bien sûr pas un hasard. Les rapports sociaux au Guatemala ne permettaient pas aisément un tel dialogue. Les dirigeants d’ACOFOP ont ensuite soigneusement veillé à entretenir ces contacts au plus haut niveau afin de pouvoir renforcer leurs pratiques et leur acceptation dans les différentes couches de la société.
Toutes ces différentes considérations montrent l’importance d’une articulation avec des acteurs non directement impliqués sur le court terme, mais concernés sur le long terme par les questions globales qui sont en jeu. Un des défis principaux est sans doute de pouvoir construire dans la durée des processus de changements sans pour autant négliger l’urgence de trouver des réponses aux questions qui mettent en cause notre survie à tous. Apprendre des expériences des autres devient alors une nécessité incontournable.
1 Souvent appelés Pygmées par les colons.
2 Aujourd’hui, beaucoup de concessions ont dépassé la moitié de leur période de validité, et les organisations communautaires sont engagées dans la préparation d’une reconduction ou d’une modification des conditions d’accès qui leur permettraient de continuer à assurer durablement la gestion de ces espaces forestiers.
3 L’exigence était de disposer d’une entité juridiquement reconnue pour pouvoir être attributaire d’une concession de la part de l’État. Le choix du type de structure a été fait par chaque communauté, en fonction des objectifs qu’elle considérait comme prioritaires, par exemple, la possibilité de redistribuer des revenus aux sociétaires, ou au contraire la volonté de destiner les possibles excédents uniquement à des fins sociales dans la communauté. D’une façon générale, les entreprises communautaires ne fonctionnent pas comme des entreprises capitalistes et cherchent toujours à prendre en compte l’intérêt de la communauté (création d’emplois, bénéfices sociaux) et pas seulement à obtenir le meilleur résultat financier.
4 Deux concessions ont cependant connu de graves problèmes, amenant l’une d’entre elles à être annulée. Il s’agissait des deux plus petites concessions du Petén, et la mauvaise gestion a été liée à l’influence des réseaux de narcotrafiquants, très présents dans la région frontalière avec le Mexique.
5 Les deux concessions forestières accordées au Petén à des entreprises privées montrent également un niveau similaire de protection du couvert forestier. Toutefois, on peut supposer que cette situation est moins durable que celles des communautés forestières voisines, qui voient leur population se mobiliser largement pour défendre les ressources qui leur permettent de vivre dans des conditions de plus en plus satisfaisantes.
6 Constituées, elles, sur des terres peu peuplées et occupées essentiellement par des populations de migrants récents, indigènes ou métis.
7 Le REDD, « Réduire les émissions de CO2 provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts », est une initiative internationale lancée en 2008, et coordonnée par l’ONU, qui vise à lutter contre le réchauffement climatique provoqué par les émissions de gaz à effet de serre induites par la dégradation, la destruction et la fragmentation des forêts. Les Payements pour Services Environnementaux, PES, sont un mécanisme qui, par des transferts financiers entre bénéficiaires de certains services écologiques et fournisseurs de ces services ou gestionnaires de ressources environnementales, vise à réduire les externalités négatives liées à la gestion d’un environnement et augmenter celles positives.
8 Les dirigeants de la coopérative ont peut-être jugé trop dangereux d’affronter les puissants commerçants qui achètent ce produit jusque dans les communautés les plus reculées.
9 Comme cela a pu être le cas, par exemple, dans les zones de piémont de l’Himalaya népalais.
Bibliographie pour aller plus loin :
Dionisio, Sergio. Reconocer sistemas de gestión de derechos colectivos sobre la tierra y los recursos naturales dentro de contextos legales diferentes, con el fin de pensar estrategias innovadoras adaptadas a cada contexto. AGTER, Juin 2013. 10 p.
Giron, Juan Ramon. Organización comunitaria y acción colectiva. ¿Cómo crear o reforzar capacidades para la gobernanza colectiva de los recursos comunes? AGTER, Octobre 2013. 11 p.
Merlet, Pierre. La gobernanza de los bosques en Guatemala. AGTER, Ut’z Ché, ACOFOP. 2013. 95 p.
Fraticelli, Marta et al. La gouvernance des forêts au Cameroun. AGTER. 132 p.