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Written by: Lisa Gauvrit
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Organizations: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER)
Type of document: Paper / Document for wide distribution
La politique des structures agricoles menée à partir des années 1960 s’est appuyée sur des procédures d’aménagement foncier afin de recomposer la propriété rurale et remodeler le parcellaire des exploitations agricoles, et ainsi faciliter leur modernisation.
Les échanges amiables ont été encouragés et le recours au remembrement, dispositif déjà existant depuis de nombreuses décennies, s’est considérablement intensifié, à tel point qu’il a radicalement transformé les paysages ruraux et les milieux.
Les Opérations Groupées d’Aménagement Foncier, dispositif fondé sur la concertation, le volontariat et l’incitation financière au niveau territorial, ont été mises en place entre 1970 et 2000. Créées initialement dans le même objectif de réorganisation des exploitations, elles ont également initié une approche territoriale et participative du développement rural, reprise ensuite par d’autre dispositifs.
Le remembrement
Le remembrement rural est une procédure ancienne d’aménagement foncier visant à résoudre les problèmes posés par le morcellement des propriétés, l’enclavement des parcelles, la spéculation foncière ou encore l’étalement urbain. Son principe est de faciliter la redistribution des terres de manière à augmenter la taille des parcelles, améliorer leur configuration et éventuellement réduire les distances par rapport à l’exploitation.
1. Un dispositif ancien
Les premiers exemples explicitement relatés de remaniement du parcellaire agricole remontent au XVII, menés à l’initiative de communautés rurales soucieuses de remédier au morcellement du foncier dû aux partages successifs entre héritiers 1. Mais c’est en 1918, pour réparer les bouleversements causés par la Première Guerre Mondiale, que le remembrement est institué par l’Etat comme un outil d’utilité publique, avec le vote des lois « Chauveau » du 27 novembre 1918 et du 4 mars 1919. Le recours à cette procédure connait ensuite un essor considérable à partir des années 50, et plus encore avec les lois d’orientation de 1960 et 1962 qui font du réaménagement des structures agricoles une priorité agricole nationale.
D’abord outil strictement agricole, le remembrement rural est également devenu un outil d’aménagement foncier pour les projets d’infrastructures des communes (équipements collectifs, voirie, zones d’activités etc.) et un outil de dédommagement par l’Etat à l’occasion de grands travaux. Depuis la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux, le remembrement a été remplacé par l’Aménagement Foncier Agricole et Forestier (AFAF), qui inclut d’autres types d’aménagement fonciers (forestiers notamment) 2.
2. La procédure de remembrement rural
Le remembrement rural peut être sollicité par toute partie prenante (propriétaires, élus ou agriculteurs exploitants) qui jugent l’intervention utile. La demande est alors adressée à la Préfecture et examinée avec le Conseil Général qui est chargé de nommer une Commission Communale d’Aménagement Foncier (CCAF). Cette commission est présidée par un juge du tribunal d’instance et se compose du maire de la commune concernée, de trois représentants des propriétaires fonciers (désignés par le conseil municipal), de trois représentants des exploitants agricoles (désignés par la chambre d’agriculture), de deux fonctionnaires de la direction départementale de l’agriculture (DDA), d’un responsable des services fiscaux et d’une personne qualifiée pour la protection de la nature.
La CCAF doit proposer le périmètre de l’opération et le mode d’aménagement retenu. Chaque propriétaire doit recevoir, en compensation des terres qu’il cède, d’autres terres de productivité et de superficie équivalente. La CCAF se doit d’évaluer les impacts du projet pour les différentes parties prenantes et détermine les éventuelles mesures compensatoires à réaliser. Enfin, le remembrement s’accompagne de travaux d’amélioration des conditions d’exploitation (chemins, hydraulique agricole…) [3], réalisé par une Association Foncière, composée des propriétaires des parcelles remembrées. Une enquête publique est également organisée, qui soumet le projet aux observations de la population communale. Une fois le projet validé par la Commission Départementale d’Aménagement Foncier (CDAF) puis par le Conseil général, la CCAF procède à l’échange des droits de propriété. L’ensemble des dépenses occasionnées par un remembrement est pris en charge par le maître d’ouvrage, aujourd’hui le Conseil Général.
3. Une transformation radicale des paysages ruraux
De l’après-guerre à aujourd’hui, ce sont ainsi plus de 21000 opérations de remembrement qui se sont déroulées, concernant près de 18 millions d’ha cumulés. La partie Nord de la France fut la plus touchée. Une telle ampleur peut être interprétée comme un gage d’efficacité, mais cette procédure a également soulevé de nombreuses critiques. Le remembrement a d’une part été montré du doigt pour son caractère contraignant et autoritaire, mal vécu par une frange de la population agricole, créant dans certaines communes des situations violentes de tensions et d’affrontement, notamment lorsque des propriétaires, opposés à la procédure, n’ont pas vu leurs réclamations aboutir et ont dû échanger des terres contre leur volonté. La représentativité et le mode de désignation des membres des différentes commissions ont également souvent été mis en cause localement.
C’est surtout sur le plan environnemental que le bien-fondé de ces opérations a été le plus remis en cause. A la demande des agriculteurs concernés, le remembrement en tant que tel s’est en effet accompagné dans de nombreux cas de la destruction des haies, de l’arasement des talus, de travaux de drainage etc., qui à l’échelle du pays ont entrainé une transformation sans précédent des milieux cultivés. Entre 1945 et 1983 on estime à plus de 835000 kilomètres la longueur de haies et talus détruits à la suite d’opérations de remembrement. Les conséquences écologiques et paysagères, notamment dans les régions bocagères et les zones humides, ont été telles qu’en 1975 et 1976 furent votées des lois pour rendre obligatoire la présence de membres qualifiés pour la protection de l’environnement dans les CCAF et imposer une étude d’impact environnemental lors de l’instruction des dossiers. La loi de 1993 prévoit encore une meilleure prise en compte des préoccupations paysagères dans les procédures de remembrement, et un dispositif spécifique de protection des haies.
Les aides aux échanges amiables en propriété
Les propriétaires qui le souhaitent peuvent avoir recours à des échanges amiables pour réaménager leur propriété. Si la réorganisation que ces échanges occasionnent est jugée participer à l’aménagement foncier rural en améliorant les conditions d’exploitation agricole par la CDAF, une aide financière peut être accordée par le Conseil Général pour assurer les frais de notaire et éventuellement de géomètre (jusqu’à 80%), sous certaines conditions (parcelles agricoles ou boisées, superficie supérieure à 2 hectares, parcelles, communes ou cantons limitrophes etc.). Ces opérations nécessitent bien entendu l’accord des propriétaires concernés, mais en cas de location, les fermiers peuvent également avoir recours au Tribunal de Grande Instance en cas d’opposition au projet.
Les opérations groupées d’aménagement foncier (OGAF)
Les Opérations Groupées d’Aménagement Foncier (OGAF) apparaissent en 1970. Elles ont pour rôle de servir, prolonger et renforcer la politique de modernisation agricole. L’objectif est d’avoir une action sur les structures foncières de l’exploitation de façon à améliorer, voire permettre la mise en œuvres des autres dispositifs de la politique des structures. Elles sont mobilisées dans les contextes ou les autres outils d’aménagement sont insuffisants ou inadaptés. A l’échelle de la parcelle, l’objectif est de favoriser les agrandissements, les regroupements et l’aménagement. A l’échelle d’un territoire, les OGAF mettent en place un processus de discussion et de débat sur la mobilisation du foncier agricole et la réorganisation des exploitations.
Ce sont les Associations Départementales d’Aménagement des Structures des Exploitations Agricoles (ADASEA) qui sont chargées de les mettre en œuvre. Laissant la place aux Contrats territorial d’exploitation, les OGAF ont cessé de fonctionner à partir des années 2000, sauf dans les départements et territoires d’Outre mer où le dispositif est particulièrement pertinent et a perduré quelques temps.
1. Définition et objet d’une Opération Groupée d’Aménagement Foncier
Une OGAF est mise en œuvre, sur un territoire déterminé (1 à 3 cantons en général), pour une durée limitée (3 à 5 ans) dans le but d’améliorer les structures foncières, l’organisation des exploitations agricoles et forestières, et/ou leur adaptation à un contexte qui a évolué. Au cours du temps, ces OGAF ont de plus en plus pris en compte tous les secteurs (économique, social, environnemental et culturel) entourant l’activité agricole, dans une approche globale de développement rural.
Les OGAF permettent aux parties prenantes de mobiliser des aides spécifiques, individuelles, en complément des interventions classiques, afin de renforcer l’incitation à faire évoluer la situation de manière durable. Elles sont donc mises en œuvre dans des zones géographiques dites « prioritaires » c’est-à-dire défavorisées, à handicap spécifique, ou lors de travaux d’aménagements, ou encore pour des raisons environnementales. La souplesse des OGAF comme la diversité de leurs objectifs leur donne la possibilité de coordonner des actions locales sectorisées, afin de construire une véritable dynamique de développement rural local.
Initialement, les OGAF étaient essentiellement orientées vers des actions de libération du foncier, de regroupements parcellaires ou de travaux d’aménagement foncier (ex : accès à la parcelle pour permettre la mécanisation). Mais leur objet a pu s’étendre et se combiner avec des objectifs plus économiques ou écologiques. L’importance de la concertation et de la participation active des acteurs locaux à l’élaboration de l’ OGAF favorise un meilleur investissement dans le projet de leur part et de ce fait accroît ses chances de succès.
D’opérations strictement foncières, les OGAF se sont au fil du temps muées en une méthodologie de concertation pour améliorer l’efficacité, à l’échelle d’un territoire, de certaines politiques publiques agricoles et rurales. Les OGAF Agri-environnementales ont notamment été instituées dans les années 1990.
2. Mise en œuvre d’une OGAF
Concrètement, une OGAF consiste à élaborer un diagnostic partagé (agriculteurs, propriétaires, élus locaux, responsables professionnels,..), dans un territoire donné, de la situation des exploitations au regard de l’amélioration de leurs structures : âge des exploitants, surfaces, morcellement, mode de faire valoir, terres disponibles et mobilisables. Une fois la situation établie, les points de blocages et les enjeux identifiés, les participants proposent des solutions organisées en programme d’actions incitatives. Ce programme d’action est assorti d’un budget qui peut être cofinancé par l’Etat, les collectivités locales, voire des crédits de l’UE pour certains d’entre eux.
En ce qui concerne le foncier, il s’agissait essentiellement de faire en sorte que les agriculteurs âgés laissent la place aux jeunes dans les années 70, et ensuite d’encourager les propriétaires à céder leurs terres, au moins en location, afin d’installer de nouveaux agriculteurs. S’il est difficile de trouver de la terre pour s’installer, certaines zones rurales françaises souffrent pourtant de la déprise agricole. Les OGAF peuvent inciter, localement à remettre en production certaines terres abandonnées. Elles facilitent aussi les échanges à l’amiable de parcelles, favorisant le regroupement des parcelles, ainsi que les ventes de terres et/ou de bâtiments. Tout est fait pour faciliter, relancer, encourager l’activité agricole et rurale locale. Des financements peuvent ainsi être accordés pour réaliser des travaux d’aménagement foncier, des investissements dans les exploitations.
La procédure de définition d’une OGAF, suppose au niveau local l’élaboration d’un schéma d’intention, avec le soutien de l’ADASEA et de la Direction Départementale de l’Agriculture (DDA). Celui-ci expose les motifs de l’OGAF, le choix de la zone, les objectifs visés, les mesures proposées, le budget nécessaire et sa répartition. Une fois ce schéma validé par arrêté préfectoral, l’OGAF peut être mise en oeuvre. Les financements de l’OGAF peuvent provenir des contrats de Plan entre l’État et les régions, ou peuvent être financés sur les seuls crédits d’Etat. Un agrément ministériel est nécessaire après avis du conseil d’administration du CNASEA. Le règlement d’exécution, qui suppose un arrêté préfectoral, précise les conditions d’éligibilité aux incitations prévues au programme ainsi que les organismes chargés de l’animation, l’information et la réalisation de l’opération (le plus souvent, les ADASEA). Le CNASEA est responsable de la gestion financière de l’opération et c’est lui qui assure le paiement des primes et subventions. Enfin, lorsque les crédits sont épuisés et/ou que le délai imparti est écoulé, un bilan est réalisé et la clôture de l’OGAF est prononcée par le préfet.
3. Intérêt et limites des OGAF
Les OGAF ont pu, localement, impulser un mouvement d’amélioration des structures foncières existantes, d’adaptation aux évolutions en cours, en particulier au moyen d’échanges de parcelles. Plus d’un millier d’OGAF ont été mises en œuvre en France favorisant le déblocage à l’amiable de situations complexes, permettant de réorganiser les périmètres impactés par de grandes infrastructures (autoroutes voies ferrées), ou encore d’optimiser certains aménagements lourds tels que les périmètres d’irrigation.
Contrairement au remembrement, procédure nécessitant une déclaration d’utilité publique, et donc aboutissant à la redéfinition contraignante d’un cadastre, l’OGAF est une approche amiable dans laquelle les bénéficiaires sont les principaux acteurs. Elles sont un outil de dialogue territorial intelligent, abordant la problématique foncière dans sa globalité (propriété, exploitation et territoire). Elles sont complémentaires des autres leviers d’action sur le foncier (Répertoire Départemental à l’Installation, SAFER, Associations Foncières Pastorales, …).
Le dispositif s’est éteint depuis 2000, mais la méthodologie s’est largement perpétuée dans l’ensemble des procédures de développement local supposant une concertation entre acteurs pour élaborer un programme d’intervention soutenu par des aides publiques (comme les projets européens LEADER par exemple).
1 Marc-André Philippe, Nadine Polombo, 2009. « Soixante années de remembrement : Essai de bilan critique de l’aménagement foncier en France ». Études foncières, n°140 pp43-49
2 L’aménagement foncier agricole et forestier regroupe également les autres procédures de remembrement qu’étaient le remembrement aménagement, la réorganisation foncière, les échanges d’immeubles ruraux et le remembrement forestier.
3 Terre de liens, Les outils d’intervention Fiche n°14 « L’aménagement foncier agricole et forestier ».
Entretiens avec Thomas Rüger (Cadre du CNASEA, et aujourd’hui de l’ASP) réalisés en décembre 2011.
Terre de liens, Les outils d’intervention Fiche n°14 « L’aménagement foncier agricole et forestier ».
Marc-André Philippe, Nadine Polombo, 2009. « Soixante années de remembrement : Essai de bilan critique de l’aménagement foncier en France ». Etudes foncières, n°140 pp43-49
Coulomb Pierre, 1999. La politique foncière agricole en France. in Cahiers Options Méditerranéennes, vol. 36. CIHEAM - Institut Agronomique Méditerranéen, Montpellier (France).
CNASEA-ADASEA, 1996. Trente ans au service de l’agriculture, de l’espace rural et de la formation des hommes, document interne.