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gouvernance des ressources naturelles de la planète

Sharing Power: Co-gestion et gouvernance efficace

La co-gestion est-elle plus efficace que la gestion non concertée des ressources naturelles ?

Documents sources

Borrini-Feyerabend Grazia, Pimbert Michel, Farvar M.Taghi, Kothari Ashish, Renard Yves et al, Sharing Power-Learning by Doing in Comanagement of Natural Resources throughout the World, IIED, IUCN, CMWG, CEESP, 2004.

Les auteurs de ‘Sharing Power’ emploient « le terme co-gestion pour décrire le partenariat par lequel deux ou plus de deux acteurs sociaux significatifs négocient collectivement, s’accordent sur, et mettent en place un partage équitable des compétences de gestion, des bénéfices et des responsabilités pour un territoire particulier, une région ou un ensemble de ressources naturelles». En d’autres termes, la co-gestion décrit un type d’arrangement sur la gouvernance des ressources naturelles qui nécessite une négociation et un certain partage du pouvoir. De nombreux partenariats cités dans ’Sharing Power’ se posent comme des alternatives aux autres formes antérieures de gouvernance des ressources naturelles, et sont parfois, mais pas toujours, couronnées de succès dans la mise en place de solutions de gestion efficaces. En fait, certaines tentatives de co-gestion sont des échecs complets (voir Fiche 1C: Le récif Nicaraguayen). Néanmoins, les auteurs nous amènent à penser que la co-gestion peut être une solution optimale pour le management des ressources naturelles. A condition que certaines conditions cruciales soient satisfaites, elle présente certains avantages au regard de la viabilité et de l’équité dans la gouvernance des ressources naturelles. Ce dossier pose la question de savoir si la co-gestion est plus efficace que les autres forment de gestion des ressources naturelles. Pour répondre à une question aussi large, trois thèmes sous-jacents sont discutés ci-dessous: comment la co-gestion peut être comparée aux autres formes de gouvernance des ressources naturelles; ses pré-requis; et dans quelle mesure cela encourage la ‘bonne gouvernance’.

I. Qu’est-ce qui fait de la co-gestion un système de gestion des ressources naturelles à part ?

La co-gestion n’est certainement pas la forme la plus courante de gestion des ressources naturelles dans le monde. En effet, il est dominé par d’autres systèmes, tel celui dans lequel un acteur, ou un petit groupe d’acteurs ont tout pouvoir pour prendre des décisions sur la gestion des ressources naturelles. Ce type de situation, où le système de gestion est non concerté, est répandu à travers le monde. Les résultats sociaux et écologiques négatifs de ces systèmes monolithiques ont encouragé le développement d’approches alternatives, collaboratives, de la gestion des ressources naturelles. La principale différence entre une approche mono-acteur et une approche collaborative réside dans la reconnaissance de la variété des intérêts et préoccupations légitimes en ce qui concerne les ressources naturelles, et du partage du pouvoir de décision parmi différents acteurs. « Les processus, les accords et les institutions sont plutôt inclusifs qu’exclusifs, ils tentent d’inclure tous les acteurs ayant des intérêts, des préoccupation et qui souhaitent participer. » La co-gestion est basée sur ce type d’approche négociée, avec des décisions prises conjointement, qui vise à partager les droits, les responsabilités et les bénéfices liés à la gouvernance des ressources naturelles.

“La co-gestion tire profit de la multiplicité et de la diversité. Des acteurs sociaux distincts possèdent des capacités de gestion et des avantages comparatifs différents, et un partenariat tout en se basant sur leurs rôles complémentaires, les met en avant. Par exemple, les acteurs locaux peuvent avoir plus d’informations sur l’état des ressources naturelles des environs, et sont souvent mieux équipés pour contrôler leur utilisation. Dans le même temps, le gouvernement national peut avoir des moyens financiers pour mettre en œuvre un projet de même qu’une organisation internationale peut avoir l’expertise nécessaire pour offrir conseils et support. Quand ces acteurs mettent en communs leurs diverses ressources, des solutions de gestion plus efficaces peuvent être trouvées pour gérer de façon optimale un ensemble de ressources naturelles. Ces forces conjointes, en d’autres termes la collaboration, sont à l’origine du potentiel de la co-gestion pour proposer des solutions efficaces de gestion.

 

De plus, la co-gestion est une alternative aux systèmes basés sur la croyance en une modalité unique et objective de gouvernance des ressources naturelles. Les systèmes de gestion qui repose sur une Science objective privilégie souvent la stricte application d’un ensemble de règles établies, et laisse peu de place pour s’adapter aux changements de situation (pour plus d’informations à propos de la science et de la gestion des ressources naturelles, voir les fiches 1D et 4, parties I et III). La co-gestion est différente du fait que c’est « un processus qui nécessite des révisions et des améliorations permanentes ». « Son produit le plus important n’est pas un plan de gestion mais un partenariat de gestion, capable de répondre à des besoins variés de manière efficace et flexible ». Toutes variations dans les composantes juridiques, politiques, socio-économiques et écologiques d’un système socio-écologique a des conséquences sur le résultat des pratiques de gestion. Dans des conditions incertaines, rester fidèle à un plan de gestion rigide peut conduire à l’inefficacité et au gaspillage. Les partenariats de co-gestion ont comme priorité la flexibilité et l’adaptabilité qui sont nécessaires à un apprentissage par l’action. « De plus, un processus d’apprentissage empirique conduit généralement a une meilleure identification des besoins spécifiques, et a de nouvelles opportunités d’implication des acteurs institutionnels ». La co-gestion est réellement un processus de dialogue et d’action-recherche qui, s’il est conduit équitablement et de façon intègre, peut aboutir à des accords concertés et à des institutions capables de relever les défis de la modernisation en intégrant judicieusement les particularités historiques et culturelles.

 

Un autre point clé qui distingue la co-gestion des autres formes de gestion des ressources naturelles est la recherche d’équité. Les autres systèmes de gestion peuvent privilégier le contrôle ou la protection d’un ensemble de ressources naturelles, alors que « la co-gestion tente de réaliser une gestion plus équitable ». Considérer l’équité comme un but ultime signifie que la co-gestion doit rendre le système aussi équitable que possible. Puisque les intérêts et préoccupations des différents acteurs sociaux pour les mêmes ressources peuvent être extrêmement différents en quantité comme en qualité, la quête de l’équité se distingue d’une simple recherche d’égalité. Il est certain que tous les acteurs sociaux ne nécessitent pas les mêmes titres d’accès aux ressources naturelles. Certains titres peuvent se révéler plus fondamentaux que d’autres, il est donc nécessaire de distinguer les acteurs sociaux les plus concernés des autres ayant-droits. Une telle distinction entre les acteurs peut constituer un socle afin de déterminer « quelle opinion doit être prise en compte » et « qui doit décider ». Pour cette raison, lutter pour l’équité implique que les intérêts des acteurs les plus faibles sont exprimés, reconnus, négociés et protégés. L’implication directe et équitable de tous les acteurs sociaux dans un partenariat de gestion peut être vue non seulement comme une condition nécessaire au processus durable d’apprentissage empirique, mais aussi comme un progrès social vers une démocratie participative plus forte. (Pour plus d’informations sur le principe d’équité dans la co-gestion, voir Fiche 3, Partie II).

Pour résumer, la co-gestion diffère des autres formes plus communes de gestion des ressources naturelles, et est plus efficace, pour trois raisons. Tout d’abord, la co-gestion est un processus collaboratif, ce qui signifie que les différents acteurs sociaux sont impliqués dans la prise de décision, la mise en œuvre et l’évaluation des actions de gestion. Ce type d’organisation diffère d’un système unilatéral dans lequel un seul acteur endosse la majorité des droits et des responsabilités, alors que les autres acteurs n’ont pas les moyens de faire valoir leurs propres intérêts et préoccupations. Deuxièmement, la co-gestion réfute le mythe selon lequel il y a une seule manière de gérer des ressources naturelles. Plutôt que de croire en l’infaillibilité d’un « plan scientifique », la co-gestion tient compte de l’incertitude. Cette reconnaissance d’une variété de solutions possibles est le point de départ d’un processus d’apprentissage empirique, qui permet aux partenariats de co-gestion de s’adapter plus ou moins bien à des conditions instables. Troisièmement, le rôle central de l’équité dans un partenariat de co-gestion le met à part. Les intérêts de tous les acteurs sociaux concernés, incluant les plus faibles, sont pris en compte au lieu d’être soumis aux intérêts des plus forts. En fait, les droits et responsabilités de chaque acteur institutionnel seront plus vraisemblablement respectés sur le long terme s’ils sont définis pendant un processus participatif qui conduit à une gestion équitable.

II. Quels sont les obstacles et les coûts impliqués dans la co-gestion ? La co-gestion est-elle toujours possible ?

La co-gestion peut ainsi être plus efficace que des formes non concertées de gestion des ressources naturelles. Toutefois, cela ne veut pas dire que la co-gestion est toujours faisable, ou que, lorsque c’est le cas, elle découle d’un procédé calme et facile. Au contraire, établir et maintenir un partenariat nécessite de faire face à certains coûts et de surmonter des obstacles. Pour que la co-gestion fonctionne, il faut trouver un équilibre délicat, ce qui prend du temps. Si les coûts sont trop élevés ou si les obstacles sont insurmontables, la co-gestion ne sera pas une solution efficace.

L’un des principaux défis auxquels sont confrontés les partenaires de co-gestion réside dans ses coûts de transaction prématurés. En d’autres termes, la préparation d’un partenariat et la négociation des accords peuvent entraîner « des investissements en termes de temps, de ressources financières et de ressources humaines prématurés et substantiels ». « C’est un sérieux problème car les besoins en temps peuvent être inabordable pour des projets à court terme et/ou les besoins financiers peuvent être inabordables pour les acteurs concernés. Les ressources humaines doivent inclure des professionnels avec des compétences rares (par exemple capables de mener une analyse juste des parties prenantes, d’appuyer l’organisation des acteurs concernés, de faciliter les processus participatifs et la négociation des accords, etc.) qui peuvent être difficiles à mobiliser. »

L’un des obstacles clé rencontré dans la co-gestion apparaît dans les relations entre des acteurs sociaux ayant des intérêts et des préoccupations contrastés. En effet, le partage du pouvoir n’est pas un processus évident. Remplir le contrat initial peut constituer un défi réel. Certaines des parties prenantes peuvent s’opposer à l’accord, et refuser de « partager l’autorité, changer leur système de revenu de manière substantielle, ou renoncer à leurs avantages et bénéfices actuels ». Un obstacle sérieux peut voir le jour dans le cas d’un « conflit explicite entre les principaux acteurs sociaux ayant des réseaux d’influence différents, ce qui, en l’absence de mesures de protection, peut avoir des impacts négatifs pour les plus faibles d’entre eux. » « Le défi est de créer une situation dans laquelle les retombées pour toutes les personnes impliquées sont plus importants en cas de collaboration qu’en cas de compétition ». Si cet équilibre ne peut pas être atteint, alors la co-gestion ne sera pas possible car « l’implication de la plupart des parties dans le procédé de co-gestion est une condition nécessaire pour le succès ». Le simple fait qu’un partenariat a vu le jour et qu’il fonctionne ne veut pas dire que les négociations se sont conclues de façon positive. Par exemple, de nouveaux facteurs peuvent entrer en jeu, ou des problèmes imprévus peuvent surgir, ce qui ramènera les parties prenantes à la table des négociations. Par exemple, une modification des conditions économiques qui fait qu’une option de gestion devient viable et rentable, l’émergence de nouveaux acteurs sociaux intéressés, ou des transformations écologiques soudaines pourraient menacer les accords négociés.

De plus, un partenariat de co-gestion implique d’autres coûts de fonctionnement qui doivent être maîtrisés. Pour n’en citer qu’un, la complexité des topographies sociaux-écologiques peut être un défi pour délimiter l’unité de gestion des ressources naturelles la plus pertinente. Cette unité doit avoir avoir du sens, sur le plan écologique (en incluant les facteurs clés affectant l’écosystème) et économique (en partageant les coûts de gestion entre à toutes les parties concernées). « Toutefois, les limites naturelles d’un écosystème sont souvent dures à définir…Par exemple, un récif de corail peut être affecté par les détritus et la pollution apportés dans la mer par une rivière. L’unité de gestion des ressources naturelles correspondante doit-elle prendre en compte seulement le récif ou également le bassin versant aboutissant à celui-ci ? En conséquence, pour être écologiquement cohérente et économiquement solide, une unité de gestion de ressource naturelle doit souvent englober une large surface, impliquant beaucoup d’acteurs avec des rôles complémentaires dans ses différentes composantes. Cependant, plus l’unité de gestion est grande, plus le nombre d’acteurs impliqués est important, et plus les négociations seront compliquées. Le partenariat peut devenir trop gros pour être gérer par des personnes. Pour cette raison, cette préférence sociale pour une unité à ‘petite échelle’ doit être en harmonie avec les ‘grandes tendances’ liées aux facteurs écologiques et économiques. Atteindre cet équilibre ‘requiert de négocier la mise en place d’une ingénierie institutionnelle spécifique au contexte’, ce qui peut se révéler une entreprise potentiellement coûteuse par ailleurs. A cause des relations complexes entre les sociétés humaines et avec la nature, la co-gestion peut entraîner des coûts de transaction élevés (organisation de grandes réunions, coûts de traduction, emploi de médiateurs, etc). Ces coûts doivent être restreints au minimum afin que la co-gestion puisse être efficace.

Au-delà des coûts de réunion et des obstacles à surmonter, la co-gestion n’est pas toujours approprié ou réalisable. « Par exemple, quand les conditions de base de liberté de parole et de sécurité personnelle sont absentes, un ‘partenariat’ perd son sens et le tenter peut vraisemblablement mettre les gens en danger. Lorsqu’une ‘recherche de consensus’ apparemment sans fin est utilisée par certains des acteurs comme moyen de laisser les décisions au point mort, d’autres pourraient être contraints d’abandonner la partie. Et lorsque des décisions et des actions rapides sont requises, par exemple, pour contrer la détérioration écologique très rapide d’une région, il peut être préférable d’agir de manière unilatérale plutôt que de conclure un vague consensus sur la protection…d’un territoire dévasté. Plus important encore, il y a des situations de pouvoir bien établi pour lesquelles une stratégie de confrontation est plus appropriée qu’une stratégie collaborative. Dans ce genre de cas, promouvoir la co-gestion reviendrait à soutenir une ‘pacification sociale’ illusoire, et à gaspiller du temps et de l’énergie qui pourraient être utilisés pour rassembler une tribune d’opposition plus utile. En général, la décision de poursuivre le processus de co-gestion est à la fois technique et politique ».

III. La co-gestion peut-elle être un outil de ‘bonne gouvernance’ ?

Les facteurs économiques et écologiques sont assurément importants à prendre en considération quand on juge de l’efficacité de n’importe quel système de gestion des ressources naturelles. Cependant, il est essentiel de ne pas considérer la co-gestion uniquement comme solution technique, mais aussi comme organisation politique. Un moyen pertinent d’évaluer le cadre de la co-gestion comme dispositions politiques est de le comparer avec les principes et conditions de ‘bonne gouvernance’, définis lors des travaux des Nations Unies. Fondamentalement, la définition des Nations Unies de ‘bonne gouvernance’ est étayée par cinq principes : légitimité et représentativité, responsabilité, performance, équité et direction. Une analyse qualitative de la co-gestion en tant que modèle de gouvernance est possible grâce aux modalités qui permettent aux multiples acteurs (partageant les droits et les responsabilités relatifs à la gestion des ressources naturelles) de remplir ces cinq critères. Cependant, comme des partenariats de gestion peuvent conduire à des résultats très différents, ce type d’analyse devrait être menée au cas par cas. C’est pourquoi les forces potentielles d’une co-gestion dans chacun des cinq domaines de bonne gouvernance sont discutées ci-dessous. Le lecteur est invité à garder en mémoire ces cinq principes lorsqu’il lit des études de cas de co-gestion.

Le premier principe de bonne gouvernance est la légitimité et la représentativité. Ceci implique d’observer le type de participation en jeu. Dans la bonne gouvernance, « tout homme et femme doit avoir une voix dans le processus d’action-décision, soit directement, soit par l’intermédiaire légitime d’institutions qui représentent ses intentions. Cette participation élargie est fondée sur la liberté d’association et de parole, ainsi que sur les capacités à participer de façon constructive ». Dans l’idéal, les modalités de co-gestion soutiennent ce principe que les opinions des gens ‘sont exprimées librement, sans discrimination de genre, de groupe ethnique, de classe sociale, etc.’ et que ‘les règles convenues sont respectées car elles ‘sont appropriées’ par le peuple, et pas uniquement par peur de la répression.’ Sont également liés à ce premier principe de légitimité et de représentativité les intérêts pour l’orientation collective. ‘Une bonne gouvernance arbitre les différents intérêts pour atteindre un large consensus sur ce qui est le meilleur pour le groupe, et si possible, sur les politiques et les procédures.’ Dans les partenariats de co-gestion, ‘le dialogue est actif et un consensus est souvent atteint. Il y a une mesure de confiance entre les parties prenantes’, ce qui indique que la co-gestion a beaucoup de potentiel pour atteindre ce premier standard de bonne gouvernance.

La bonne gouvernance ne peut exister réellement qu’à condition de définir les responsabilités. « Les décideurs du gouvernement, du secteur privé et des organisations de la société civile sont responsable devant le public, ainsi que devant les acteurs institutionnels. Cette responsabilité diffère en fonction des organisations, et si la décision est interne ou externe.’ Un pré requis à une véritable responsabilité est un haut niveau de transparence. « La transparence est fondée sur un flux libre d’informations. Les procédés, les institutions et les informations sont directement accessibles aux personnes concernées, et des informations suffisantes sont fournies pour les comprendre et les contrôler. » Les partenaires de co-gestion doivent véritablement rendre des comtes car « tout partenaire de gestion se doit de posséder des connaissances adéquates, et une qualité de connaissance sur ce qui entre en jeu dans la décision d’action, qui est responsable de quoi, et comment rendre compte de ces responsabilités. De plus, les procédures pour demander des comptes sont accessibles à tous. » Après tout, si les partenariats de co-gestion opèrent mieux quand toutes les parties impliquées sont bien informées de ce qui est en jeu, la co-gestion est une forme de gouvernance hautement propice au développement d’un flux libre d’informations. Un partenariat de gestion peut améliorer le degré de prise de responsabilités lorsque « rendre des comptes n’est pas limité à des échanges verbaux mais liée à des récompenses et des sanctions concrètes et appropriées. »

Un troisième principe d’une bonne gouvernance est la performance, qui peut être mesurée en observant le degré de réactivité, d’efficacité et d’efficience du système dirigeant. Les institutions et processus d’un système réactif vont « essayer de servir tous les partenaires ». Comme exprimé plus haut, l’apprentissage par l’action dans la co-gestion est un type de régime conçu pour être « robuste et résistant, c’est-à-dire capable de surmonter une variété de menaces/d’obstacles, et de sortir renforcé de ces expériences ». La co-gestion est potentiellement efficace et efficiente, ce qui veut dire que le processus et les institutions qui en découlent « produisent des résultats qui répondent aux besoins tout en en utilisant au mieux les ressources. » Un point fort de beaucoup d’expériences de co-gestion est que « les ressources institutionnelles et humaines sont disponibles pour assumer la gestion des responsabilités, lorsque nécessaire. » Comme l’une des composantes essentielles de la co-gestion est l’auto-évaluation et l’adaptation continues, l’administration vise continuellement l’efficacité de la gestion.

L’impartialité est le quatrième critère de la bonne gouvernance. Comme discuté plus haut, le but ultime de la co-gestion doit être l’équité. Défini par les rapports des Nations Unies sur la bonne gouvernance, l’équité est l’état tel que « tous les hommes et les femmes ont l’opportunité d’améliorer ou de maintenir leur bien-être. » Fondamentalement, les mesures de conservation dans un cadre de co-gestion sont habituellement « prises avec convenance et dignité, sans humilier ou blesser les gens. » C’est un point majeur pour que le résultat de la co-gestion puisse différer drastiquement de celui d’une politique de conservation non-concertée qui vise à exclure les sociétés locales du processus.

Fréquemment, ce type d’action engendre de sérieuses répercussions sur les conditions de vie des hommes et sur la sécurité. La co-gestion présente une alternative où « les mécanismes directeurs (c’est-à-dire les lois, politiques, forums de résolution des conflits, opportunités de financement, etc) répartissent équitablement les coûts et les bénéfices provenant de la conservation». La nature des règles juridiques est aussi une composante nécessaire à l’impartialité dans le système dirigeant. « Les cadres juridiques doivent être justes et impartiaux, particulièrement lorsqu’ils concernent les droits de l’homme. » Les lois et règlementations qui sont choisies dans un partenariat de co-gestion doivent être « appliquées systématiquement à temps. Il doit exister des possibilités de gérer équitablement des conflits ainsi que de recourir éventuellement à une justice non discriminatoire. »

Le dernier principe de la bonne gouvernance élaborée par les Nations Unies est appelé orientation. Cela réfère à une vision stratégique du système dirigeant. « Les leaders et le public ont une perspective large de ce que sont la bonne gouvernance et le développement humain sur le long terme, conjuguée à un sens de ce qui est nécessaire pour un tel développement. Il y a également une compréhension des complexités historiques, culturelles et sociales sur lesquelles cette perspective se fonde. » Un partenariat de co-gestion a le potentiel de développer une vision stratégique particulièrement quand des idées et des processus traditionnels et innovants sont réunis dans une gouvernance efficace. Ceci peut être une étape particulièrement motivante pour ceux qui sont impliqués dans la co-gestion, car des points de vues contrastés conduisent souvent à des confrontations et un long procédé de tâtonnements est souvent nécessaire avant d’atteindre un consensus sur la façon de conduire le partenariat.

La co-gestion a par conséquent le potentiel, si certaines conditions majeures sont remplies, d’incarner les cinq principes de la bonne gouvernance décrits par les Nations Unies. La co-gestion semble avoir une plus grande capacité à atteindre les standards de la bonne gouvernance que les formes de gestion non-concertées, particulièrement en ce qui concerne la légitimité, la représentativité et l’impartialité. « On peut argumenter que, si les principes de bonne gouvernance sont respectés, le cadre organisationnel de la co-gestion sera plus fort et plus durable. C’est également vrai que le processus de négociation pluraliste donne l’opportunité à chaque participant de comprendre ce qu’est véritablement la gouvernance et comment essayer de l’améliorer ». La façon dont les principes de la bonne gouvernance sont suivis peut être utilisée comme mesure de l’efficacité d’un seul partenariat de co-gestion, et les acteurs impliqués devraient idéalement se livrer à une réflexion collective sur la bonne gouvernance.

Cet essai a tenté de répondre à la question de savoir si la co-gestion est plus efficace, en termes de viabilité et d’équité, que des types de gestion des ressources naturelles unilatéraux. Tour d’abord, la co-gestion est différente car c’est un procédé participatif plutôt qu’imposé ; il recherche l’équité plutôt que le contrôle ; et est continuellement en adaptation plutôt que programmé. Deuxièmement, la co-gestion peut être une expérience très coûteuse (lorsqu’elle est faisable), ce qui signifie que ceux qui sont impliqués doivent trouver le juste équilibre entre les ressources humaines et financières afin que cela fonctionne. Enfin, la co-gestion a peut-être plus de potentiel pour aboutir à une bonne gouvernance qu’un système non-concerté. Et pour finir, un jugement global sur l’efficacité ou non de la co-gestion est difficile à émettre. Dans certains cas, les partenariats de co-gestion gouvernent sans heurts l’utilisation et la protection des ressources naturelles, et dans d’autres cas, ils conduisent à une impasse. Phénomène complexe impliquant de nombreux aspects de la vie humaine, la gestion des ressources naturelles peut difficilement être soumis à une évaluation aussi simple.

Traduction de l’anglais

Sarah Decker

Cette fiche fait partie d’un dossier réalisé à partir de l’ouvrage Sharing Power. Il est constitué de quatre articles centraux qui en restituent les idées principales, du point de vue de l’équipe d’AGTER. Chaque article est illustré par des fiches complémentaires qui précisent l’analyse et donnent des exemples concrets d’utilisation des outils de co-gestion (voir les liens dans la marge droite de la page).

Le dossier est disponible dans son intégralité en anglais. Pour le moment, seules quelques fiches sont aussi disponible en français.

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