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Natural Resource Governance around the World

English version: Study tour; a tool for learning and creating change. (Ed. # 49)

Les voyages d’étude, un outil pour favoriser l’apprentissage et contribuer au changement. (Ed. # 49)

Éditorial de la lettre d’information du réseau AGTER. Mars 2021

Une des méthodes utilisées au cours des quinze dernières années pour l’éducation des adultes a été le voyage d’étude. Il permet d’articuler les outils de formation de l’Éducation populaire avec la prise en compte du vécu des participants.

L’association AGTER a développé depuis sa création en 2005 une méthodologie propre de voyage d’étude. Elle s’appuie sur la même philosophie que celle qui sous-tend l’organisation de son fonds de ressources documentaires www.agter.org : partir de la comparaison d’expériences réelles diverses pour construire une vision commune et questionner les théories dominantes. AGTER a organisé plusieurs voyages d’étude et leurs enseignements ont été synthétisés sous forme de vidéos et de publications afin de les partager avec toutes les personnes qui n’y avaient pas participé. Ce bulletin vous permet d’accéder facilement à ces documents (en français et en espagnol), et de faire ainsi en quelque sorte des voyages d’étude virtuels.

Mirian García et moi, toutes deux universitaires, avions pris part en 2005 au premier voyage d’un groupe de techniciens cubains en France et en Espagne. Nous avons avec nos collègues repris à notre compte ce concept, en l’adaptant et en le développant à nos activités sur le développement territorial à Cuba. Nous avons publié sur cette base un livre qui systématise la méthodologie, auquel vous pourrez avoir accès avec ce bulletin. [Bombino Y. ; García, M. ; Echevarría, D. ; Pérez, N. ; 2014 ; Viajes de estudio : experiencia metodológica para el aprendizaje por contraste. CCFD (Comité Católico contra el Hambre y para el Desarrollo-Tierra Solidaria). Ruth Casa Editorial, Panamá.]

La création de connaissances est un processus actif, au cours duquel les personnes s’approprient de nouvelles informations qui viennent compléter celles dont elles disposaient déjà. Mais il ne s’agit pas d’un simple ajout, mais de l’identification, association, symbolisation, de la réaffirmation ou de la remise en cause de leurs connaissances. C’est pour cela que le voyage d’étude est conçu comme un acte créateur, celui d’apprendre en agissant. Les échanges qui sont proposés provoquent la rencontre entre des logiques, des perceptions et des visions différentes, qui relèvent chacune de la spécificité historique, sociale et culturelle qui est le reflet de la vie quotidienne de chaque personne. Ce qui fait la valeur d’un tel processus de construction de la connaissance, c’est la prise en compte de la pratique sociale de l’autre (…). Ce que l’autre possède de différent, de singulier, d’hétérogène est précieux (…) partons donc de la reconnaissance de cette diversité, et non de sa mise à l’écart ou de sa disqualification. (Rigal en Rivero, 2005 : 415) 1 . C’est dans cette même perspective que Mirian García avait proposé en 2005 lors de la réunion finale du voyage d’étude de la délégation cubaine en Europe de qualifier ce type de voyage d’étude de processus d’apprentissage par contraste.

Quelle que soit sa fonction, coordinateur, amphitryon ou participant, chacun interroge ses connaissances, intérêts, attitudes, motivations et expériences propres, en les confrontant aux nouveaux contenus qui se construisent lors des échanges. Il mesure s’il faut leur donner du sens et de la valeur, les généraliser, les transférer, et les étendre à de nouvelles expériences dans des contextes socioéconomiques spécifiques. Ces nouvelles connaissances permettent de transformer les conceptions, les attitudes et les pratiques et conduisent ainsi à un processus graduel de changements dans le court terme, le moyen terme et le long terme. Par ailleurs, elles contribuent à la recherche de solutions aux problèmes et aux difficultés identifiés, et à la mise en place de stratégies permettant de faire face aux défis à venir.

Ces voyages d’étude utilisent une méthodologie caractérisée par :

a) l’articulation de la pratique et de la théorie, en privilégiant la pratique. Il convient pour cela de partir de la description des situations et des problèmes de la vie quotidienne des participants pour qu’au travers d’une connaissance construite en commun, il soit possible d’expliquer et de comprendre les facteurs, les relations et les contradictions de la réalité sociale, afin de pouvoir définir et entreprendre des actions pour leur transformation;

b) la réflexion passe par les expériences individuelles de chaque personne, mais conduit à méditer sur ce que fait et ce que vit l’organisation, la communauté ou la société à laquelle elle appartient;

c) une connaissance contextualisée. L’expérience théorique et pratique que les voyages d’étude mobilisent nous permet d’affirmer qu’ils utilisent des processus d’apprentissage réflexifs, coopératifs et une méthode d’enseignement fondée sur la comparaison et le contraste tant au niveau des opinions que des connaissances. Cette méthode, en s’appuyant sur la diversité, stimule l’exploration et la connaissance de soi. Dans les voyages d’étude, les acteurs sociaux sont des sujets critiques, protagonistes de l’apprentissage, qui échangent leurs rôles entre eux lors de la construction collective de la connaissance.

En résumé, les caractéristiques centrales de ce processus d’apprentissage sont les suivantes :

  • Il se déroule dans les espaces de vie (parfois au sein des familles) et de travail quotidien des acteurs qui reçoivent le groupe.

  • Il permet aux participants de découvrir des réalités diverses, différentes de leur cadre de vie habituel, d’améliorer leur capacité d’analyse et de découvrir des possibilités d’application à leur propre réalité.

  • Il s’agit d’un espace de rencontre pour le dialogue et la réflexion, où se vivent des pratiques sociales et des échanges de savoirs traditionnels et académiques qui développent la solidarité, la collaboration et l’expérimentation partagée. Un tel espace stimule la comparaison d’expériences différentes et contrastées, la réflexion critique et la capacité d’invention, motive les participants à agir, à s’auto-former, et à promouvoir des changements.

  • Il opère comme un médiateur pour le groupe, en créant un espace de participation et de collaboration. Celui-ci ne sera pas pour autant exempt de divergences et de confrontations, qui devront être gérées et valorisées pour favoriser les apprentissages croisés, la formation de valeurs, de qualités et de normes sociales. Le groupe est un organisateur social d’espaces d’expériences. (Rigal in Rivero, 2005 : 416).

Ainsi conçu et mis en œuvre, le voyage d’étude peut être un puissant outil de formation, pour le groupe nécessairement réduit des participants, mais aussi pour un nombre beaucoup plus important de personnes, s’il a été accompagné par l’élaboration d’une documentation appropriée : vidéos, enregistrements audio, publications, et d’une approche pédagogique qui leur permette de réaliser virtuellement le même voyage.

Dayma Echevarría est Docteur en Sciences Sociologiques, Professeur Titulaire du Centro de Estudios de la Economía Cubana (CEEC), de l’Université de La Havane. Elle est membre de la Cátedra de la Mujer y del Equipo de Estudios Rurales. Elle est membre de la Red Desigualdades y movilidad social en América latina (DEMOSAL). Elle est membre d’AGTER.

1 Rigal, Luis. La escuela popular y democrática : un modelo para armar. En Rivero Baxter, Yisel, Clotilde Proveyer Cervantes (comp.) (2005). Selección de lecturas de Sociología y Política Social de la Educación. Editorial Félix Varela. La Habana. Pp 389-417

Divers

Vous trouverez dans ce bulletin les liens pour découvrir les vidéos des 3 voyages d’étude réalisés par AGTER. Elles sont aujourd’hui toutes accessibles en ligne. Vous pourrez ainsi prendre part virtuellement à ces voyages.

Ce bulletin présente également quelques documents sans relation directe avec les voyages d’étude.

  • Les versions espagnoles et françaises du rapport de synthèse du chantier sur les inégalités foncières de la International Land Coalition (ILC) et d’OXFAM. Nous avions publié la version anglaise avec notre dernier bulletin.

  • Quatre études de cas (en anglais) extraites d’un document récent du Consortium APAC - Les Aires et Territoires du Patrimoine Autochtone et Communautaire.

Nous vous rappelons que vous pouvez retrouver tous nos bulletins antérieurs par ce lien www.agter.asso.fr/rubrique28_fr.html.

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