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Natural Resource Governance around the World

English version: MADAGASCAR. «Relative Land Security». A national experiment to put in place procedures for acknowledging rights at the local level

MADAGASCAR. La Sécurisation Foncière Relative. Une expérience nationale de mise en place de mécanismes de reconnaissance des droits au niveau local.

Documents of reference

MALDIDIER, Christophe. La «SFR», une nouvelle donne pour la sécurisation foncière en milieu rural ? Actes de l’Atelier sur le Foncier à Madagascar. 8 et 9 avril 1999, Ambohimanambola. Antananarivo. République Malgache.

Pour tenter de répondre à la généralisation de l’insécurité foncière et des conflits en milieu rural, et aux problèmes divers (coût, rigidité, lenteur, …) que posent les procédures classiques d’immatriculation, le gouvernement malgache a adopté en août 1998 un décret interministériel instaurant la Sécurisation Foncière Relative (SFR). Cette intervention s’inscrit dans le cadre d’un ensemble d’interventions du Programme Environnemental, qui entend promouvoir une meilleur gestion des ressources renouvelables en attribuant des droits exclusifs aux communautés locales sur celles-ci, et en supprimant l’accès libre au foncier et aux ressources, et en créant les conditions d’une intensification agricole. Ainsi, la SFR est indissociable des contrats de Gestion Locale Sécurisée (GELOSE), et se rattache à une approche de type patrimoniale, fondée en principe sur la discussion par les différents acteurs de scénarios de long terme.

La SFR est un outil visant à renforcer les droits des communautés locales sur les terres de leur terroir. Elle présente deux dimensions complémentaires:

  • d’une part elle constitue une reconnaissance par l’Etat des droits de jouissance des communautés paysannes par une intervention « topographique », cadastrée d’une façon spécifique. Il s’agit d’une reconnaissance officielle des possessions coutumières, espaces agricoles, pastoraux et de ressources naturelles utilisées ou appropriées par les communautés villageoises qui ne débouche pas sur un titre de propriété. Les parcelles immatriculées sont exclues de ce domaine, car la SFR est conçue comme une étape transitoire vers la « Sécurisation Foncière Optimale » (SFO), qui s’accompagne d’un titre d’immatriculation foncière, la communauté et chaque occupant pouvant à tout moment demander l’immatriculation de leurs parcelles 1.

  • d’autre part, elle assure la mise en place d’instances et de procédures pour une gestion foncière locale, en favorisant les processus de négociation la résolution des conflits. La SFR a donc aussi une dimension politique puisqu’elle prévoit un transfert de compétences de l’Etat à la commune en ce qui concerne la gestion foncière. La commune, de création récente à Madagascar (1995) et qui n’avait jusque là qu’un rôle mineur dans la gestion foncière, intervient désormais dans les négociations, la médiation, l’arbitrage des conflits, le règlement des litiges, et joue un rôle de premier plan dans les procédures de gestion, et de mise à jour de la SFR. Le processus de négociation est appuyé par un médiateur environnemental; il doit permettre d’aboutir à un consensus sur l’occupation des terres par un village, en interne (au sein du village), et en externe (avec les villages voisins, et les services techniques déconcentrés). S’il est prévu que les litiges soient résolus avant l’opération SFR, les conflits pouvant surgir postérieurement doivent être traités dans un cadre permanent de négociation permettant d’atteindre des arrangements locaux.

Bien que la SFR se situe donc dans la continuité de la logique domaniale, comme une étape vers la généralisation de la propriété privée, elle rompt en même temps avec le monopole traditionnel de l’Etat central sur le foncier, en contribuant à la décentralisation de la gestion foncière. En renforçant les droits locaux par l’attribution d’un document officiel et en assurant dans le long terme une gestion « de proximité » du foncier, la SFR entend mettre un terme à l’inadéquation entre les règles étatiques et les pratiques locales.

La SFR est dite « relative » dans la mesure où elle constitue une reconnaissance non pas juridique mais seulement administrative qui n’aboutit pas à l’octroi d’un titre foncier, contrairement au système de SFO. Elle représenterait en quelque sorte une première étape cartographique et topographique d’une opération classique d’immatriculation foncière en délimitant les terroirs et les zones porteuses de ressources naturelles et en faisant un levé parcellaire basé sur la constatation administrative et publique des possessions de chacun sur un territoire donné.

Il faut noter l’aspect novateur de cette approche terroir ou territoire, défini comme l’espace qu’un groupe, la communauté rurale de base, reconnaît comme son espace légitime, et qui est reconnu comme tel par les autres groupes. Ce concept s’oppose aux interventions foncières classiques qui font prévaloir un découpage géométrique sur une prise en compte des modalités d’appropriation locale de la terre. En outre, en considérant autant les espaces agricoles cultivés ou en jachère que les espaces en ressources naturelles renouvelables (forêts, marais, parcours pastoraux), elle se démarque de la réglementation étatique qui privilégie la notion de mise en valeur dans l’attribution de la propriété. La SFR opère ainsi un transfert de gestion du domaine privé (ou même parfois public) de l’Etat aux communautés locales, incluant des espaces domaniaux inaliénables comme les forêts domaniales ou classées.

La délimitation des terroirs villageois est toutefois fort complexe et cette notion reflète des réalités très différentes d’une région à l’autre. Il y a parfois chevauchement entre les possessions de différents villages, enchevêtrement des droits, et il existe des espaces périphériques dans lesquels les droits des uns et des autres ne sont pas clairement définis. Comme avec le système d’immatriculation classique, la sécurisation de certains acteurs avec la SFR peut se faire au détriment d’autres et provoquer des conflits.

Les premières expériences de SFR menées à Madagascar (région d’Andapa) permettent d’ores et déjà de tirer un certain nombre de leçons pour une mise en œuvre généralisée de la SFR: elles mettent en évidence la nécessité d’une application souple de la SFR selon les types de terroirs.

Un certain nombre de principes sous jacents à l’établissement de la SFR relèvent d’une rupture avec le système d’immatriculation classique, quand bien même le discours officiel souligne le contraire en affirmant qu’il ne s’agit que d’interventions de transition.

C’est là tout l’intérêt de suivre l’expérience en cours à Madagascar, qui en cherchant à établir un véritable cadre permanent de négociation sur les questions foncières au niveau local, peut prendre en compte les dynamiques en cours.

1 La SFR, comme mode de sécurisation foncière, concerne donc prioritairement les communautés dites « traditionnelles » ou « semi-organisées », autrement dit celles où prédominent encore les modes de gestion collectifs et communautaires du foncier. Les communautés dites « organisées » bénéficient, elles, du système de Sécurisation Foncière Optimale (SFO), aux procédures d’immatriculation et de cadastrage classiques.

Rédacteurs de la fiche: LE GAL, Morgane et MERLET Michel. (IRAM).

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