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Natural Resource Governance around the World

English version: The ecological disaster of La Pasión, a Guatemalan river. (Ed. # 28)

Le désastre écologique de la rivière La Passion au Guatemala. (Ed. # 28)

Au début du mois de juin de cette année, les niveaux de pollution du fleuve La Pasión dans la région du Petén (Nord du Guatemala) augmentèrent dramatiquement, causant la mort massive de plus de 23 espèces de poissons et affectant, directement ou indirectement, environ 30 000 familles rurales pauvres de la région. A l’origine du désastre, on trouve une entreprise productrice d’huile de palme. Un mois plus tard, les personnes affectées demandèrent un espace à l’Université de San Carlos pour présenter leur version des faits et demander l’appui de l’université publique guatémaltèque. Ils parlèrent d’ “écocide”, de violents conflits pour l’eau, et pointèrent l’irresponsabilité sociale de l’entreprise et la négligence de l’État.

Un nouvel épisode tragique de cette histoire eut lieu le 18 septembre dernier, lorsque Rigoberto Lima Choc - figure de la résistance contre les activités de l’entreprise d’huile de palme et récemment élu comme conseiller de la commune de Sayaxché (Petén) – fut assassiné. Ce même jour, à quelques rues du lieu de l’assassinat, les ex-travailleurs de l’entreprise manifestaient contre la décision judiciaire de faire cesser temporairement les activités de cette dernière.

Quels détonateurs ont-ils été activés au point d’arriver à la perte de vies humaines ? En quoi ce conflit reflète-t-il la contradiction inhérente à la reconfiguration agraire contemporaine au Guatemala ?

Le conflit le plus évident a à voir avec l’esprit du capitalisme agraire lui-même. C’est à dire avec sa sempiternelle prétention à maximiser les profits des entrepreneurs sans considérer, ni les limites biophysiques de la planète, ni les conséquences sociales négatives de la production agricole industrialisée. Les entrepreneurs capitalistes, en toute logique, ne cherchent qu’à maximiser le retour sur investissement. Mais, qui payent pour le traitement des déchets dérivés de leurs activités productives ? Avec quelles ressources sont compensés les groupes humains affectés négativement par les grandes entreprises ? Qui assume et devra assumer les coûts et les dommages irréversibles causés par l’exploitation sans limites de la nature ? En définitive, il s’agit d’une dispute entre la maximisation du profit de quelques-uns et le droit des peuples à vivre une vie digne et libre, dans un environnement sain et préservé. L’erreur est de confondre le succès entrepreneurial avec le développement durable de l’ensemble de la société. C’est la tâche de la société civile et des gouvernements, aux différents niveaux, depuis le local jusqu’au national, d’établir des règles et des régulations pour éviter cette confusion et limiter les risques que de tels événements terribles se reproduisent. En ce sens, les communautés rurales et les peuples indigènes peuvent jouer un rôle essentiel, si on leur reconnaît le droit de décider comment gérer leur territoire.

L’entreprise d’huile de palme engagea une forte campagne médiatique affirmant qu’elle n’était pas impliquée dans l’assassinat de l’activiste et conseiller en question. Il en revient à la justice de clarifier qui furent les coupables. Mais il paraît évident que, avec les faits précédemment évoqués – pollution du fleuve, fermeture temporelle des activités de l’entreprise, licenciement des travailleurs locaux - se créèrent les conditions d’un affrontement entre travailleurs et écologistes. Sans surprise, les doigts accusateurs furent dirigés vers ceux qui s’étaient risqués à dénoncer le désastre écologique provoqué par l’entreprise, et on accusa ces « éternels révoltés » d’être responsables du retard, de la précarité, et de la pauvreté matérielle dans laquelle vivent des millions de guatémaltèques ruraux. Ainsi fut attisé le foyer de l’intolérance et de la violence, dans un contexte déjà caractérisé par la conflictualité. Une conflictualité de racine agraire, typique des sociétés post-conflit qui continuent de reporter les solutions structurelles à leurs problèmes nationaux.

Ces événements illustrent les conséquences de la reconfiguration agraire des campagnes du Guatemala, qui subissent une intégration différenciée aux marchés globaux. Le dualisme agraire du pays se perpétue, bien que le modèle agro-exportateur ne soit plus l’unique axe de l’économie nationale. Le retentissant échec guatémaltèque en ce qui concerne les Objectifs du Millénaire pour le Développement montre que la reconfiguration agraire que vit le pays perpétue la domination de la majorité paysanne et la concentration de la richesse agricole dans très peu de mains. Les nouveaux conglomérats économiques facilitent l’exode rural vers des villes désordonnées qui ne sont pas capables d’offrir les conditions minimums pour une vie digne. Nous assistons, lamentablement, a un nouveau circuit de précarisation de la vie rurale, alimenté par la demande mondiale de produits agricoles, dans le cadre d’un système de consommation économiquement inutile, socialement irresponsable et écologiquement invivable.

Le martyr écologiste de Rigoberto Lima Choc nous fait penser à celui de Chico Mendes. Deux vies perdues. Deux conflits entre le capital et la vie. Deux motifs pour l’indignation, pour la lutte sociale agraire et pour l’espoir.

Pablo Prado est membre d’AGTER et travaille à la Faculté d’agronomie de l’Université San Carlos de Guatemala.

Divers

  • Ce lundi 16 novembre, à Bruxelles, auront lieu les premiers débats dans le cadre du Forum Mondial pour l’Accès à la Terre !!!

Dans l’objectif de lancer une réflexion de fond autour des problématiques européennes d’accès à la terre, et en préparation de la rencontre mondiale de mars 2016, le Comité Économique et Social Européen, AGTER et le CERAI organisent une journée de discussions sur l’accaparement et la concentration des terres en Europe.

  • Nous attirons également votre attention sur la mise en ligne du site « Access to Land » (www.accesstoland.eu/) qui traite spécifiquement des questions d’accès à la terre en Europe. Parmi les promoteurs principaux de ce site on trouve Terre de Liens, association membre d’AGTER.

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