Title, subtitle, authors. Research in www.agter.org and in www.agter.asso.fr
Full text search with Google
Written by: Mamy Rakotondrainibe
Writing date:
Organizations: Association pour contribuer à l’Amélioration de la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources naturelles (AGTER)
Type of document: Newsletter
En dehors de la conférence sur le climat COP 21 qui s’est tenue à Paris fin 2015, un « contre-sommet » des mouvements sociaux a réuni du 5 au 10 décembre à divers endroits de la région parisienne des milliers de participants, militants venus de plusieurs pays du monde.
Cet éditorial revient sur quelques points forts de la réunion « Refroidir la planète : les communautés en première ligne des changements climatiques mènent la lutte » du 10 décembre.
« La Convergence mondiale des luttes pour la terre et l’eau » est une initiative d’organisations de base et de mouvements sociaux. Ce processus a débuté en octobre 2014 quand plusieurs mouvements sociaux et populaires d’Afrique ainsi que des organisations de la société civile se sont réunis dans le cadre du Forum Social Africain à Dakar pour protester contre toutes les formes d’accaparement des ressources naturelles et les violations systématiques des droits humains qui les accompagnent. Ils ont constaté à quel point la solidarité était essentielle entre leurs luttes. Au lieu de résister contre tel accaparement par ici, tel autre par là, il faut mutualiser nos forces et surtout faire le lien entre ceux qui luttent contre les accaparements de terres (par exemple paysans et éleveurs) et ceux qui luttent contre les accaparements de l’eau et des ressources de la pêche (par exemple les pêcheurs artisanaux). Il faut aussi combler le fossé entre ville et campagne et promouvoir des actions communes.
Réunis de nouveau au Forum Social Mondial de Tunis en avril 2015, les membres ont rédigé une Déclaration qui définit la vision, les principes et les aspirations de la Convergence. Elle est destinée à accompagner le processus de construction d’un mouvement fort et uni, qui lutte pour l’application de politiques publiques fondées sur la souveraineté alimentaire et la souveraineté des populations, afin de concrétiser les droits à l’alimentation et à la nutrition, à l’eau, à la terre et aux territoires, aux semences, entre autres.[..]. La convergence globale des luttes pour la terre et l’eau veut être une réponse des communautés locales et des organisations de base qui affirment leurs droits, apportent des vraies solutions, et résistent et luttent contre les menaces pesant sur leur vie et leur bien-être, en particulier, du fait de l’appropriation des ressources naturelles par les entreprises, les gouvernements, les élites et les spéculateurs. (AGTER est signataire de cette déclaration et vous invite à la signer ici).
La justice climatique et les solutions efficaces face à la crise climatique ont fait l’objet de trois panels différents au cours de la réunion publique du 10 décembre. Des représentants des communautés en lutte de plusieurs régions du monde ont présenté leurs expériences en discutant sur trois axes :
i. les fausses solutions à la crise climatique de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques - CCNUCC,
ii. les vraies solutions, celles qui sont enracinées dans les connaissances et les expériences de populations,
iii. la voie à suivre selon la Convergence mondiale des luttes pour la terre et l’eau pour faire avancer la lutte pour un changement de système.
Parmi les « fausses solutions » - qu’il vaudrait mieux appeler, selon les participants, des mensonges - avancées actuellement, on trouve « l’agriculture climato-intelligente », dont les objectifs d’augmentation de la productivité reposent sur la mise en œuvre de technologies, pratiques et systèmes agricoles fortement émetteurs de gaz à effet de serre et qui sont contrôlés par de puissants acteurs de l’agrobusiness et de la finance. On trouve aussi la compensation carbone et le mécanisme de réduction des gaz à effet de serre par la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, REDD+ qui, sous prétexte de fixer le carbone (les puits de carbone), privatisent de vastes forêts au détriment des populations autochtones qui les habitent, qui en vivent et qui les entretiennent, pendant que les entreprises continuent à acquérir des droits à polluer la planète. Les participants ont aussi dénoncé l’initiative blue carbone (impulsée par de grandes ONG internationales et des organisations des Nations Unies, qui vise à réduire le réchauffement climatique par la restauration et la gestion durable des écosystèmes côtiers et marins) et les impacts négatifs des grands projets hydroélectriques pour les pêcheurs et les paysans.
Afin de participer véritablement à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre dues à l’agriculture tout en assurant l’alimentation de la population mondiale, des membres de communautés vivant dans plusieurs pays du monde ont développé divers aspects de « vraies solutions » telles que l’agro-écologie et l’agro-foresterie paysannes, la propagation des pratiques et du savoir-faire des paysans qui ne font intervenir ni engrais chimiques ni pesticides, la consommation de produits cultivés localement qui permettent d’éviter le transport de marchandises et de créer des emplois, le développement de la propriété commune des ressources et de recherches indigènes, l’utilisation de semences paysannes et de techniques adaptées aux paysans dans le cadre de l’agriculture familiale paysanne. Des représentants de peuples indigènes d’Amérique du Nord ont parlé de leurs luttes pour des systèmes énergétiques locaux, contrôlés par les communautés de base, au lieu de grands projets qui marginalisent les gens encore plus et détruisent l’environnement. Les participants ont souligné que les vraies solutions, diversifiées et adaptées localement, ont comme point commun de se fonder sur les besoins et les intérêts des populations et d’exiger un changement fondamental par rapport aux fausses solutions développées par et pour une élite minoritaire.
Lors du troisième panel, les représentants des communautés ont développé la voie à suivre, et insisté sur l’importance de la solidarité autour de leurs luttes, afin de rompre leur isolement et de mettre fin à la criminalisation des protestations contre la privatisation et le libéralisme. Ils ont affirmé la nécessité de promouvoir les échanges entre paysans sur les pratiques traditionnelles en vue de l’autosuffisance, les différents modes de gouvernance autour de la propriété communautaire, la propriété partagée, les communs, et les recherches et l’expérimentation sur des modèles de développement plus durables et plus inclusifs. Une des applications immédiates et concrètes des idées exprimées a été l’annonce d’une Caravane de la convergence à travers l’Afrique de l’Ouest qui va mobiliser et renforcer les luttes pour la terre, l’eau et les semences dans 15 pays (voir farmlandgrab.org/25693).
Le public a contribué lors des débats en partageant d’autres initiatives et expériences locales et a aussi apporté divers exemples des conséquences concrètes néfastes des différents traités et accords de libre échange, tels que les accords de partenariat économique APE et insisté sur les menaces que représente le traité transatlantique TAFTA pour la souveraineté des populations.
Depuis bientôt deux ans, aGter et le CERAI ont lancé l’appel au Forum Mondial consacré à l’accès à la terre et aux ressources naturelles pour mettre en débat les analyses sur les évolutions en cours et les problèmes majeurs qu’elles engendrent, afin de dégager et mettre en œuvre les réponses les plus efficaces pour les résoudre.
Avec ce Forum mondial pour l’accès à la terre (FMAT), qui aura lieu du 31 mars au 2 avril 2016 à Valencia, en Espagne, nous recherchons le développement d’alliances beaucoup plus larges. Pour que la production familiale paysanne soit reconnue encore davantage comme la seule voie possible pour le développement de l’humanité toute entière, il faut parvenir à rallier à notre combat toutes les sphères de la population qui ne sont pas encore engagées dans le soutien de l’agriculture paysanne.
Les centaines d’organisations paysannes et de la société civile, chercheurs, élus et décideurs qui ont signé l’appel au FMAT se focalisent désormais sur la préparation des différents aspects de la rencontre pour faire de ce forum mondial pour l’accès à la terre une réussite.
Mamy Rakotodrainibe est représentante du collectif TANY pour la défense des terres malgaches et membre d’AGTER.